Les Echos - 23.03.2020

(Tina Sui) #1
chômage partiel et ne signent
plus », poursuit-il. Or, pas moins
de 100.000 promesses de vente
ont été signées - avec des durées
limites de validité – et attendent
d’être concrétisées. « Que dit-on à
ces clients? » interroge-t-il, en
soulignant que « certains ven-
deurs ont des crédits relais », et ris-
quent de se retrouver d’autant
plus en difficulté.

« Difficultés concrètes »
Les notaires ont dû fermer au
public toutes leurs études le
17 mars, après les annonces du
président de la République. Une
obligation destinée à protéger
leurs clients et leurs collabora-
teurs face au risque de propaga-
tion du coronavirus. « Les 70.
professionnels que compte le nota-
riat aujourd’hui [...] ne renoncent
pas pour autant à leur mission de
service p ublic », a immédiatement
réagi Jean-François Humbert.
Vendredi, il s’est indigné d’une
« polémique indécente ». « Plus de
80 % des offices sont aujourd’hui
en ordre de marche », assure-t-il,
se félicitant que les outils existent
pour organiser des rendez-vous
en visioconférence, préparer les
actes et les signer à distance. « En
l’espace de trois jours, nous som-
mes passés de 1.700 à 30.000 postes
de télétravail », ajoute-t-il, en
remarquant que « les notaires
dépendent aussi de tout un tas de
partenaires ». Du coup, affirme-
t-il, i ls rencontrent « des difficultés
concrètes car d’autres services qui
délivrent des pièces sont à l’arrêt ».
« La FPI recherche avec les
notaires les solutions techniques et
juridiques qui permettraient de
concilier la sécurité des parties et
l’avancement des dossiers », indi-
que de son côté la Fédération des
promoteurs. Le g ouvernement va
devoir jouer les médiateurs. Il est
en lien s ur ce dossier avec la garde
des Sceaux.
—E. Di.

Passe d’armes avec


les notaires sur la


signature des actes


Assurer la conclusion des tran-
sactions en dépit des mesures de
confinement imposées par l e gou-
vernement : telle est l a préoccupa-
tion des professionnels de
l’immobilier. Pourtant, selon la
Fédération nationale des agents
immobiliers (Fnaim) et la Fédéra-
tion des promoteurs immobiliers
(FPI), les notaires ne remplissent
pas totalement leur rôle en vue
d’assurer la poursuite de l’activité
économique. Or, si les actes nota-
riés ne sont pas signés, non seule-
ment les clients ne peuvent mener
à bien leurs projets, mais les
agents immobiliers ne touchent
pas leurs commissions et les pro-
moteurs n’assurent pas leurs ven-
tes. Ce qui risque d ’affecter r apide-
ment leur trésorerie.
Les deux organisations ont
indiqué avoir envoyé, chacune de
leur côté, un courrier à Julien
Denormandie, le ministre du
Logement, pour lui demander
« de rétablir une continuité de ser-
vice de la signature des actes ».
Elles ont réclamé « une réunion
avec le Conseil supérieur du nota-
riat et le gouvernement pour trou-
ver des solutions ».
« De nombreux confrères me
relaient qu’ils ont été confrontés à
un refus pur et simple d’authenti-
fier des actes », témoigne le prési-
dent de la Fnaim, Jean-Marc Tor-
rolion. « Nous constatons sur le
terrain que certaines études ont été
capables de s’organiser, d’avoir
recours à la dématérialisation et
donc de signer des actes. Alors que
d’autres ont mis leur personnel en

Avec les mesures de
confinement, les études
notariales ont dû fermer
au public. Selon la Fnaim
et la FPI, si certaines
assurent la continuité de
leur service, d’autres ne
signent plus d’actes. Les
notaires s’indignent d’une
« polémique indécente ».

devoir déménager rapidement parce
qu’il a déjà vendu ou loué son propre
bien. Il y a un effet de chaîne ». Mais la
dirigeante précise que « les visites ne
sont menées que par les collabora-
teurs volontaires et qui ont été bien
formés aux “gestes barrières” ».

Visites virtuelles
Des visites virtuelles sont aussi orga-
nisées dans certains réseaux. Elles
en laissent certains sceptiques.
« Personne n’ira acheter une maison
ou un appartement dans l’ancien
sans l’avoir visité. C’est une vue de
l’esprit », affirme Laurent Vimont,
chez Century 21. « C’est sans doute
vrai, mais cela permet au moins aux
clients d’avancer dans leur recher-
che », veut croire Eric Allouche, chez
ERA. Orpi partage la même vision.
Les agents immobiliers mettent
également cette période à profit
pour « faire tout ce qu’ils n’ont pas le
temps de faire en temps normal »,
poursuit le patron d’ERA France. En
particulier, travailler leurs fichiers
clients et les remettre à jour. « Nous
en profitons aussi pour organiser des
formations », note-t-il. Même straté-

aujourd’hui à construire demain »,
abonde Christine Fumagalli.
Quant à savoir quel impact la crise
actuelle aura sur le secteur, il est trop
tôt pour le dire. « Tout dépendra évi-
demment de la durée du confinement.
Nous aurons forcément un ralentisse-
ment de l’activité et le nombre de tran-
sactions réalisées en 2020 sera sans
doute inférieur à celui d e 2019, où nous
avions crevé les plafonds avec plus de
1 million de transactions », rappelle la
présidente d’Orpi. « Le marché de
l’immobilier résidentiel en France a
d’excellents fondamentaux. Il est ali-
menté par une demande forte. S e loger
est un besoin constant. Nous sommes
confiants », indique Eric Allouche.
En 2008, sous le coup de la crise
financière, le secteur de l’immobilier
ancien avait connu un net coup de
frein, avec une chute du nombre de
transactions, et même l’unique
baisse des prix constatée ces douze
dernières années. A l’époque, cepen-
dant, les banques avaient largement
durci leurs conditions de crédit.
Cette fois, les professionnels de
l’immobilier veulent croire que le
scénario sera différent.n

lLes 10.000 points de vente des adhérents à la Fnaim ont fermé au public, en raison de la crise sanitaire.


lLes agents restent cependant en contact avec leurs clients, et continuent d’assurer parfois certaines visites impératives.


Fermées, les agences immobilières


font le dos rond et gèrent les urgences


Si les agences sont toutes restées fermées après le 15 mars, une partie de l’activité continue à distance. Photo Michel Gaillard/RÉA

Elsa Dicharry
@dicharry_e


Les agents immobiliers avaient
connu début 2020 un démarrage en
fanfare après, déjà, une très bonne
année 2019. Mais leur activité com-
merciale a été freinée net avec la
pandémie de coronavirus. Leur
fédération professionnelle, la
Fnaim, a annoncé dès le dimanche
15 mars la fermeture au public des
10.000 points de vente de ses adhé-
rents. « Nous avons appuyé sur le
bouton pause », résume Laurent
Vimont, le président de Century 21,
un réseau de 900 agences.
Ce qui n’empêche pas, pour-
suit-il, que « nous travaillons néan-
moins d’arrache-pied. Cette semaine,
nous avons dû gérer des emménage-
ments ». Bailleurs et locataires ont
réalisé l’état des lieux chacun de
leur côté, sans se croiser dans les
appartements. Les agents s’em-
ploient aussi à rappeler tous les
clients ayant un dossier en cours,
signature de bail ou promesse de
vente. S’agissant des clients ache-
teurs, « il faut leur expliquer que les
délais risquent d’être allongés pour
l’obtention de leur prêt ou [pour la
signature, NDLR] chez le notaire »,
souligne Laurent Vimont.


Signatures électroniques
Des signatures électroniques, à dis-
tance, peuvent être organisées par
les études notariées, afin d’avancer
en dépit des mesures de confine-
ment. « Mais toutes ne sont pas équi-
pées des outils nécessaires », note le
directeur exécutif du réseau ERA
France (400 agences), Eric Allou-
che. La Fnaim a d’ailleurs demandé
au gouvernement d’organiser une
réunion avec le Conseil supérieur
du notariat (CSN), afin de « rétablir
une continuité de service de la signa-
ture des actes ».
Chez Orpi, premier réseau fran-
çais en nombre d’agences avec
1.300 points de vente, « nous traitons
les appels, les e-mails et nous conti-
nuons à assurer les visites i mpératives
pour les clients qui ont un besoin
urgent de se loger, mais avec pas plus
d’une personne par visite, explique sa
présidente, Christine Fuma-
galli. Quelqu’un peut, par exemple,


IMMOBILIER


Myriam Chauvot
[email protected]


Le récent accord entre le secteur du
BTP et l’Etat va peut-être réussir à
débloquer certains travaux. Mais
en attendant, le sujet est devenu un
casse-tête pour les copropriétés.
Impossible de voter les travaux pré-
vus, faute d’assemblée générale, et
ceux en cours ont souvent été sus-
pendus. « J’ai un immeuble dont le
chantier de reprise des fondations est
à l’arrêt, témoigne Olivier Garra-
bos, du syndic G. Immo. C’est géra-


de produits d’étanchéité – Soprema,
IKO, etc. – ont fermé leurs usines »,
témoigne Sébastien Cousin, à la
PME francilienne de couverture et
de plomberie PVP, où seules cinq
personnes restent en activité, pour
les interventions de plomberie
urgentes.
Pour les dépannages urgents, des
initiatives émergent. « A Marseille,
nos syndics adhérents ont mutualisé
leurs contacts d’entreprises conti-
nuant à assurer les travaux de plom-
berie, électricité, etc. », indique
Géraud Delvolvé, délégué général
de l’Union des syndicats de l’immo-
bilier (Unis). Sur le front des dépan-
nages, la situation reste actuelle-
ment gérable, estiment les syndics.
En revanche, ils appréhendent
l’engorgement quand les assem-
blées générales pourront enfin se
tenir et que les travaux reprendront.
Sur 700.000 assemblées générales

de copropriété par an, environ la
moitié se tient entre mars et juin, le
solde entre septembre et décembre.
Un autre sujet inquiète l’Unis
dans l’immédiat. « Dans plusieurs
régions, des copropriétaires disent
ne pas pouvoir payer leurs charges
en raison du coronavirus. De même,
des locataires se déclarent incapa-
bles de payer leur loyer, indique
Géraud Delvolvé. Si cette tendance
se confirme, cela menacerait le
financement des copropriétés »,
donc des travaux.
L’annonce par le gouvernement
qu’une suspension des loyers, voire
des charges d’eau, de gaz et d’électri-
cité serait possible « ne concernait
que les petites entreprises, mais cela a
ouvert une boîte de Pandore, estime le
délégué de l’Unis. Une mise au point
est nécessaire sur le fait que cela ne
concerne p as les loyers d ’habitation ni
tous les loyers commerciaux. »n

Les travaux des copropriétés tournent


au casse-tête


A Marseille, des syndics
mutualisent leurs contacts
pour les dépannages.
Les professionnels
redoutent l’engorgement
quand assemblées
générales et travaux
pourront reprendre.


ble une semaine o u deux, mais diffici-
lement plusieurs mois. »
L’incertitude sur la suite du con-
finement n’arrange rien. « Un
ascensoriste a dit à ses techniciens
désincarcérant les gens bloqués lors
de pannes de ne pas remettre en ser-

vice l’ascenseur s’ils ont un doute sur
sa fiabilité, car il ne sait pas s’il
pourra encore se déplacer à l’ave-
nir », poursuit-il.
C’est toute la chaîne qui est grip-
pée. « Notre vingtaine de chantiers
de réfection d’étanchéité de toitures
est à l’arrêt et tous les fournisseurs

Des copropriétaires
disent ne pas pouvoir
payer leurs charges
en raison du
coronavirus.

gie chez Century 21. « J’ai l’image
d’un pêcheur qui est à quai pendant la
tempête et prend le temps de réparer
son bateau. C’est c e que nous faisons e t
quand l’activité va redémarrer, nous
serons prêts », explique Laurent
Vimont. « Il faut qu’on p ense

« Le marché
de l’immobilier
résidentiel
en France a
d’excellents
fondamentaux.
Il est alimenté
par une demande
forte. Se loger est
un besoin constant.
Nous sommes
confiants. »
ERIC ALLOUCHE
Directeur exécutif du réseau
ERA France

ENTREPRISES


Lundi 23 mars 2020Les Echos

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