La French Tech répond présente
à l’appel du gouvernement
PANDÉMIE
Guillaume Bregeras
@gbregeras
Peu avant l’allocution d’Emmanuel
Macron du jeudi 12 mars dédiée à la
crise du Covdi-19, l’écosystème tech
tricolore s’est mis en ordre de mar-
che. Cédric O, secrétaire d’Etat en
charge du Numérique, avait alors
appelé les pépites à se retrousser les
manches et proposer des solutions
pour aider à lutter contre l es effets de
la crise, sur le plan sanitaire, mais
aussi pour assurer la continuité de la
vie économique. Résultat, 3 20 entre-
prises ont répondu, faisant « acte de
citoyenneté » selon les termes du
membre du gouvernement.
Parmi les aides proposées, une
centaine était dédiée à la santé et a
été transmise directement au
ministère de la Santé, afin qu’il
puisse les piloter avec une vue plus
générale de la crise. Celles relatives
à l’organisation des relations élèves-
professeurs ont, elles, été basculées
vers le ministère de l’Education.
« La réaction de l’écosystème tech et
la solidarité qu’il a démontrée, alors
que certaines de ces entreprises souf-
frent beaucoup, sont extraordinai-
res. Je ne compte plus les messages de
soutien et de propositions d’aide »,
assure Cédric O. Face à cet afflux de
propositions, les services du minis-
tère ont dû les qualifier et les o rgani-
ser, un process toujours en cours.
Pour le moment, sur la plate-
forme du ministère qui recense les
produits disponibles, on retrouve
surtout de nombreuses solutions
liées à la facilitation du télétravail,
avec des abonnements gratuits
l Cédric O a mis les start-up tricolores à contribution
pour apporter un soutien durant la crise du Covid-19.
lQuelque 320 d’entre elles ont déjà proposé une première
réponse et certaines fournissent de nouveaux services ad hoc.
pour plusieurs mois à des services
comme Lumapps, Livestorm ou
Meero. Mais certaines des start-up
vont un cran plus loin en proposant
directement des services créés spé-
cifiquement pour répondre à la
crise actuelle. C’est notamment le
cas de SOS1toit, une appli créée en
24 heures par deux entrepreneurs
pour permettre aux Français blo-
qués à l’é tranger de trouver à se
loger. Face à la fermeture des hôtels,
certaines familles se sont retrou-
vées dans des situations d’urgence.
« Pas d’inquiétude
systémique »
Autre exemple, avec un module de
questions-réponses (FAQ) automa-
tique bâti en quelques jours pour
aider les entrepreneurs à naviguer
parmi les mesures annoncées par le
gouvernement pour soutenir les
entreprises, un point particulière-
ment essentiel explique le secré-
taire d’Etat : « Nous gérons les urgen-
ces les unes après les autres. D’autres
problèmes vont surgir, mais nous
serons là pour y palier. De manière
générale, il y a une surabondance
d’informations liées à la crise. Pour
nous, l’enjeu e st de pouvoir transmet-
tre les messages pour aider concrète-
ment les entreprises avec les mesures
que nous avons prises. » Des mesu-
res que saluent entrepreneurs et
investisseurs, via le coprésident de
France Digitale, Benoist Gross-
mann : « Je t ire mon c hapeau au gou-
vernement pour les mesures prises
au début de cette crise et dans
l’urgence. Toutes nos start-up ont
basculé dans un mode survie et leur
résilience est très impressionnante. »
L’élan des start-up tricolores est
encore en phase ascendante et le
nombre des offres devrait encore
augmenter durant les prochains
jours. Mais cela ne masque pas
l’inquiétude soulevée par Benoist
Grossmann. Le gouvernement a
mis en avant 120 d’entre elles en
début d’année, dont la plupart ont
une activité désormais au ralenti,
voire totalement à l’arrêt. « A ce
stade, je n’ai pas d’inquiétude systé-
mique, assure Cédric O. Les difficul-
tés portent sur les entreprises qui
avaient prévu de lever lors des trois
prochains mois, il faudra que le capi-
tal-risque français tienne ses posi-
tions et les aide. Je les réunirai la
semaine prochaine avec bpifrance
pour m’assurer de cela. »n
savent p as encore à quel moment ils
pourront reprendre leur place, ils
ne sont pas lâchés dans la nature
pour autant, assure Grégoire Marti-
nez, directeur de la communica-
tion : « L’ensemble de l’équipe de
Station F a basculé en télétravail et
notre priorité est de répondre aux
nombreuses interrogations des
startuppeurs. »
Des solutions concrètes
Parmi elles, le financement. Encore
au tout début de leur aventure pour
la plupart ou en phase de levée de
fonds, les jeunes pousses se retrou-
vent dans une situation de trésore-
rie très critique. Les fonds d’inves-
tissement engagés au côté de
l’incubateur assurent une perma-
nence pour les aider, mais c’est Sta-
tion F qui va c entraliser et organiser
les ressources.
Dès la semaine prochaine, des
temps de disponibilité seront orga-
nisés autour de trois thématiques
pour répondre aux questions des
startuppeurs. Un premier autour
des « VC » et de l’investissement. Un
deuxième aura pour objectif d’aider
les entrepreneurs à naviguer parmi
leurs problèmes de ressources
humaines (chômage partiel, report
de charges...). Le dernier permettra
d’apporter des solutions concrètes
pour qu’ils puissent maintenir une
relation avec leurs clients, et adap-
ter leur marketing à la crise.
En parallèle, Station F va mettre à
contribution son vaste réseau inter-
crise. Brad Bao, cofondateur des
trottinettes Lime sera le premier
d’entre eux. L’aspect international
du campus est l’un d e ses piliers fon-
damentaux, et c’est tout naturelle-
ment que l’ensemble de la commu-
nication sera effectué en français,
mais aussi en anglais.
Notamment pour s’assurer que
les 600 personnes qui ne parlent
pas du tout la langue de Molière,
soit le tiers des occupants, puissent
suivre les consignes du gouverne-
ment et bénéficier des offres pour
leur entreprise.
L’une de leurs premières deman-
des? Pouvoir remplir le formulaire
nécessaire à toute sortie hors de son
domicile.
—G. B.
Station F, vide mais toujours actif
Un immense vide. Lorsque les équi-
pes de Station F ont fermé les p ortes
de la gigantesque Halle Freyssinet,
dimanche 1 4 mars, elles n’ont p as eu
le temps de réaliser l’impact de ce
geste symbolique. Le confinement
n’était pas encore annoncé, mais la
crise sanitaire était bien là. Si
les 3.500 occupants du campus ne
Le plus grand campus
de start-up au monde
organise la continuité
de son activité dans
le contexte de crise
du Covid-19.
L’objectif est de structurer
une aide à distance
à ses 3.500 occupants
dès la semaine prochaine.
« Pour nous, l’enjeu
est de pouvoir
transmettre
les messages
pour aider
concrètement
les entreprises
avec les mesures
que nous avons
prises. »
CÉDRIC O
Secrétaire d’Etat
chargé du Numérique
La marque
Loom met
son activité
en pause
« La réaction de l’écosystème tech
et la solidarité qu’il a démontrée, alors que
certaines de ces entreprises souffrent
beaucoup, sont extraordinaires.
Je ne compte plus les messages de soutien et
de propositions d’aide », assure Cédric O.
Photo Ludovic Marin/AFP.
Déborah Loye
@Loydeborah
Combien de temps pourra-t-on
encore se faire livrer des pro-
duits non essentiels à la mai-
son? Pour ce qui est du secteur
de la mode, les choses se com-
pliquent. La s tart-up L oom, qui
produit des vêtements écologi-
ques et durables, a annoncé
mercredi soir qu’elle mettait
son activité en pause.
« Notre entrepôt ferme tem-
porairement, donc nous ne pou-
vons plus assurer aucune com-
mande et mettons tout le monde
en chômage partiel », explique
sa cofondatrice Julia Faure.
Pour cette dernière, c e n’est pas
une surprise. Dès vendredi,
son cofondateur et elle ont pris
la décision de quitter Station F,
où la start-up résidait jus-
qu’alors. « Nous avons coupé
tous les coûts possibles, comme
le loyer, et avons annulé les c om-
mandes des produits d’été »,
explique-t-elle.
En début de semaine, Julia
Faure hésitait à mettre son
équipe de 5 personnes au chô-
mage partiel. La fermeture de
son entrepôt partenaire, Log-
tex, à Troyes, a fait pencher la
balance. « Mais de toute façon,
la consommation avait déjà for-
tement ralenti, notre chiffre
d’affaires a été divisé par 15 ces
derniers jours, donc, à ce stade,
autant tout couper », poursuit-
elle. La start-up a la chance
d’avoir levé 700.000 euros il y a
quelques mois, à travers la pla-
teforme Lita.co, et d’avoir peu
de charges fixes. « En chômage
partiel, nous pouvons tenir
super longtemps », assure
l’entrepreneuse.
Alors qu’elle est très atten-
tive, depuis sa création, à déve-
lopper un modèle « vertueux »,
la cocréatrice de Loom se voit
rassurée dans ses convictions.
« Mes produits ne deviennent
pas obsolètes, vu que ce sont des
basiques. Les pulls d e cet hiver, j e
les vendrai l’hiver prochain.
C’est plus compliqué pour ceux
qui travaillent par collections. »
Durant ce qu’elle qualifie
d’« hibernation », la fondatrice
de Loom compte former deux
employées qui viennent de
rejoindre l’entreprise, pro-
duire des articles « de fond »
pour son blog, mais aussi réflé-
chir à la s tratégie de sa marque.
« Nous faisons face à un chan-
gement de paradigme, le monde
ne sera plus jamais pareil, et
nous devons prendre cela en
compte », estime encore Julia
Faure.n
La start-up, qui crée
et produit des vêtements
durables ne peut plus
assurer ses commandes,
son entrepôt ayant
fermé. Ses salariés
ont été mis
au chômage partiel.
« Nous faisons
face à un
changement
de paradigme.
Le monde ne
sera plus jamais
pareil, et
nous devons
prendre cela
en compte. »
JULIA FAURE
Cofondatrice de Loom
national pour organiser des visio-
conférences sous la forme de
témoignages avec des personnali-
tés ayant déjà traversé une
Station F va mettre
à contribution
son vaste réseau
international
pour organiser
des visioconférences
avec des
personnalités
ayant déjà traversé
une crise.
START-UP
Lundi 23 mars 2020Les Echos