Les Echos - 23.03.2020

(Tina Sui) #1
biologique », confirme le pharma-
cien Jacques Ploussard. A cause du
mode de production, la matière
active est également très concen-
trée. Les médecins le recomman-
dent donc notamment pour calmer
les irritations et les allergies, soi-
gner les psoriasis et eczémas, ou
encore apaiser une brûlure légère
ou un coup de soleil.
Les q uatre s avonniers détenteurs
du savoir traditionnel que réunit
l’Union des producteurs de Savon
de Marseille, se frottent les mains.
« Nos ventes ont augmenté de plus de
30 % ces derniers jours, au point que
nos collaborateurs s e sentent une res-
ponsabilité de santé publique »,
explique Julie Bousquet-Fabre, pré-
sidente de la savonnerie familiale
Marius Fabre, créée par son arriè-
re-grand-père au début du XXe siè-
cle. Autrement, ils travaillent sans
compter...
Il y a neuf ans, l’entreprise avait
connu le même regain d’activité

pendant l’épidémie de H5N1. Pour
faire face cette fois, elle a augmenté
la cadence. « Nos chaudrons ont
tourné à plein régime ces derniers
temps pour constituer des stocks »,
confie la patronne. Près de 8.000
blocs de savons carrés sortent tous
les jours de l’atelier de cette société
de 40 personnes, qui a réalisé l’an
passé 10,3 millions d’euros de chif-
fre d’affaires, dont 10 % sur internet.

Surstocks de 30 %
Même situation au Fer à Cheval, la
plus ancienne des savonneries tra-
ditionnelles de Marseille à l’origine
de la marque de lessive Le Chat.
« En prévision de la pandémie, nous
avons doublé les cadences depuis un
mois en travaillant par quarts avec
une équipe le matin, une autre
l’après-midi », témoigne son prési-
dent Raphaël Seghin, qui connaît
bien le phénomène épidémique
pour avoir vécu vingt-cinq ans en
Asie. L’entreprise qu’il a reprise il y a

quelques années à la barre d u tribu-
nal de commerce a ainsi constitué
un stock 30 % supérieur à la nor-
male. Il a également travaillé le réfé-
rencement de sa boutique en ligne,
développé son contenu éditorial et
renforcé sa logistique. Objectif du
moment : faire converger sur Inter-
net les clients des 650 points de
vente où ses produits sont référen-
cés. En une semaine, les ventes ont
doublé et elles augmentent encore.
—P. M.

Le Covid-19 dope la production de savon de Marseille


Les ventes d e savon de Marseille ont
explosé ces derniers jours. Faute de
gel hydroalcoolique, beaucoup de
consommateurs avertis se sont sou-
venus des qualités a ntibactériennes
de ce produit ancestral.
Des acides gras, de la soude caus-
tique, de la chaleur. La recette, à
base de 72 % d’huile végétale,
d’olive, de palme ou de coprah, pro-
duit u n nettoyant alcalin offrant des
qualités antibactériennes incom-
parables avec les savons de syn-
thèse. « Le savon de Marseille est
naturellement antiseptique par son
pH élevé, qui va de 8 à 10 et désinfecte
donc pratiquement tout ce qui est


Les fabricants de savons
traditionnels se frottent les
mains : grâce à la qualité
antiseptique de ce net-
toyant à base d’ingrédients
naturels, les ventes ont déjà
quasiment doublé
et la demande explose.


Avec le confinement, il y a moins de sites à couvrir, mais autant si ce n’est plus à nettoyer et désinfecter. Photo iStock

d’une partie de ses services), ou
encore de laboratoires, centres de
dialyse, voire d’hôpitaux comme
Charles-Perrens à Bordeaux.
« C’est un vrai casse-tête pour les
directeurs régionaux, qui doivent
voir au cas par cas, site par site »,
souligne le PDG. « Nous renfor-
çons là où c’est nécessaire, avec nos
salariés qui peuvent et veulent bien
travailler plus. Et, toujours sur la
base du volontariat, nous envoyons
ceux dont les sites sont fermés sur
les sites qui restent ouverts, et où
nous manquons de personnel »,
ajoute le PDG. La société inter-
vient sur u n total de huit mille s ites
en France, travaillant pour des
entreprises de toutes tailles – de la
PME aux sièges sociaux de grands
groupes – et dans tous les domai-
nes – jusqu’au BTP, pour les net-
toyages de chantier.
Le groupe Pascal Boulanger,
qui comprend également une
société de promotion immobi-
lière et le réseau d’agences immo-
bilières Abrinor, est aussi touché
sur son pôle services. Celui-là, qui
totalise une centaine de salariés,
se décline en quatre sociétés : Pro
Domicile pour les services à domi-
cile, Pro Green pour l’entretien des
espaces verts, Pro Doma pour le
dépannage, et Pro Actys, courtier
en assurance. Chez Pro Doma et
Pro Green, tout le personnel a été
mis au chômage technique. Chez
Pro Domicile, cela ne concerne
que la moitié de l’effectif, certains
clients ne voulant plus recevoir de
personnes extérieures. Avec son
pôle gastronomie – trois restau-
rants dans le Nord, dont deux gas-
tronomiques – le groupe tablait
sur un chiffre d’affaires (très varia-
ble selon l’activité promotion) de
200 millions d’euros cette
année.n

Nicole Buyse
— Correspondante à Lille

Mardi dernier, c’était réunion de
crise chez Pro Impec : près de la
moitié de ses clients avait déjà
fermé ses portes depuis le début
de l ’é pidémie, n’ayant a insi tempo-
rairement plus besoin de ses ser-
vices. Cette société du groupe Pas-
cal Boulanger, spécialisée dans le
nettoyage en entreprise et dont le
siège est sis à Lambersart près de
Lille, totalise 39 agences dans
toute la France et emploie
7.000 salariés. En 2019, elle a
dégagé un chiffre d’affaires de
72 millions d’euros.
« Nous assurions la propreté du
réseau des crèches Les Petits Chape-
rons Rouges, qui totalise cinquante
établissements, lesquels sont fer-
més depuis lundi », explique Pas-
cal Boulanger, PDG éponyme du
groupe. Les salariés auparavant
affectés à ces clients-là sont ainsi
mis au chômage technique, au
même titre que ceux qui ne peu-
vent plus travailler pour cause de
garde d’enfants à la maison.

Volontariat
Mais certains de ses clients récla-
ment au contraire un nettoyage
renforcé – pour la plupart dans le
domaine médical. C’est le cas par
exemple de l’Institut Pasteur de
Lille (en dépit de la fermeture

Le pôle nettoyage du
groupe Pascal Boulanger
a mis une partie de son
personnel en chômage
partiel face à la fermeture
de la moitié de ses clients,
mais doit renforcer
le nettoyage chez d’autres,
notamment
dans le médical.

Pro Impec ajuste ses


équipes au cas par cas


Et toutes les surfaces de contacts
sont désinfectées : sols, plan de tra-
vail, interrupteurs, poignées de
porte, rambardes...
Cette situation p ose un problème
paradoxal : avec le confinement, il y
a moins de sites à couvrir, mais
autant si ce n’est plus à nettoyer et
désinfecter. Marie Calautti dirige
les achats chez GSF et elle a bien du
mal à approvisionner les services.
« C’est un combat quotidien », expli-
que-t-elle. Avec 150 fournisseurs, le
groupe dispose pourtant d’un cata-
logue important pour se ravitailler
en masques, combinaisons, blou-
ses, gants, savons, désinfectants,
bandeaux de lavage, lingettes et
autres gels hydroalcooliques. La
directrice s’est assurée que chacun
d’eux disposait bien d’un plan de
continuité d’activité. Mais ça ne suf-
fit pas toujours tant la demande est
importante. Alors son équipe tra-

que chaque jour les stocks disponi-
bles en Europe et place partout des
options de quelques heures.
Charge ensuite à chacun des 124
établissements du groupe de con-
firmer leur commande en fonction
de leurs propres besoins. Le poste
est stratégique : GSF consacre
90 millions d’euros de chiffre
d’affaires à ses achats de consom-
mables, environ 10 % de son chiffre
d’affaires. « C’est essentiel pour ras-
surer nos propres équipes », insiste
Laurent Prulière, son directeur de
la recherche. Beaucoup s’inquiè-
tent de devoir a ller au front. Pour les
rassurer, l’entreprise organise des
« causeries » quotidiennes où se
partagent conseils, bonnes prati-
ques, et gestes utiles. Le groupe
Onet a poussé le principe plus loin
encore en partageant gratuitement
les mesures qu’il s’est appliqué en
interne avec ses 20.000 clients.n

lLes sociétés de nettoyage sont en première ligne dans les entreprises encore ouvertes, où elles désinfectent


et rassurent les employés.


lLeur défi : répartir leurs effectifs, les protéger et ne pas risquer la rupture de consommables de protection et de lavage.


Les entreprises de nettoyage redéploient


leurs effectifs face à la demande


« En prévision
de la pandémie,
nous avons doublé
les cadences
depuis un mois. »
RAPHAËL SEGHIN
Président du Fer à Cheval

Paul Molga
— Correspondant à Marseille


Ils sont les premiers remparts entre
le Covid-19 et les salariés pour les-
quels le télétravail est impossible.
Les agents de nettoyage poursui-
vent leur ronde dans les entreprises
et services encore en activité, et ils
sont de plus en plus visibles. « La
demande de certains de nos clients
est très claire : montrez vos opéra-
teurs pour rassurer les collabora-
teurs encore présents », explique la
porte-parole du groupe Onet,
Magalie Bousquet, dont la France a
entrevu les a gents, en combinaison,
masque et lunettes, nettoyer le cen-
tre de vacances de Carry-le-Rouet
qui a accueilli mi-février les pre-
miers rapatriés de Wuhan.


Apaiser à tout prix. Dans les
entreprises qui ne peuvent pas se
passer de personnel physique ou
dans les lieux qui accueillent
encore du public comme les trans-
ports en commun, le mot d’ordre
est à l’apaisement. « L’impact psy-
chologique exercé p ar nos o pérateurs
est énorme », poursuit-on chez le
leader du secteur. La SNCF en a la
certitude : ses équipes de commu-
nication ont demandé au groupe
l’autorisation de filmer ses agents
de propreté dans les rames depuis
le renforcement des procédures de
nettoyage. La vidéo a été diffusée
sur le fil interne auprès de 20.000
salariés.
La mise en lumière des « opéra-
teurs de l’ombre » n’a pas plus
échappé au groupe GSF, numéro 4
tricolore. La demande de presta-
tions renforcées explose, affirme sa
direction. Beaucoup des 10.000
sites qu’il gère en France ont fermé.
Du coup, des techniciens de surface
ont été transférés là où les besoins
l’exigent pour renforcer les équipes
en place : dans les hôpitaux, les
aéroports encore ouverts, les trans-
ports en commun, les industries
agroalimentaires ou les produc-
teurs textiles mobilisés pour la pro-


PROPRETÉ


La demande


de prestations


renforcées explose.


duction massive de masques. « Le
siège d’une grande entreprise lyon-
naise a fermé e t les e ffectifs que nous y
avions ont partiellement migré vers
les Hospices Civils de Lyon où nous
avons accru nos fréquences d’inter-
vention », poursuit le porte-parole.

« Le siège d’une
grande entreprise
lyonnaise a fermé
et les effectifs
que nous y avions
ont partiellement
migré vers les
Hospices Civils
de Lyon. »
GSF

PME & REGIONS


Les EchosLundi 23 mars 2020

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