Les Echos - 23.03.2020

(Tina Sui) #1

Les Echos Lundi 23 mars 2020 EXECUTIVES// 37


Valérie Landrieu
@ValLandrieu


T


out part du constat que les cabi-
nets d’avocats recrutent des dou-
bles cursus », résume Christophe
Roquilly, coresponsable du LLM in Law
& Tax Management et directeur du
LegalEdhec Research Centre, pour
expliquer la percée, déjà ancienne, des
formations comme celle qu’il pilote au
sein d’une école de management.



  • DES MASTERS
    SPÉCIALISÉS
    ÉCOLE-UNIVERSITÉ
    A l’Edhec, le LLM accueille trois types
    de population : les étudiants du double
    parcours BLM (Business law & manage-
    ment) sélectionnés sur concours, des
    titulaires d’un master 1 en droit et éco-
    gestion, ainsi que des élèves de l’Ecole
    de formation professionnelle des bar-
    reaux, qui veulent suivre une formation
    académique, dans le cadre de leur pro-
    jet pédagogique individuel. Ce LLM
    résulte de la transformation d’un mas-
    ter of sciences (MSc) Law & Tax mana-
    gement. Objectif d’un tel changement
    d’appellation : formaliser le fait que les
    enseignements sont délivrés en anglais
    et obtenir plus de visibilité auprès d’un
    public non francophone. L’opération n’a
    pas été vaine : le parcours de l’Edhec
    figure désormais au listing annuel du
    « Financial Times ».
    Cette formation entre en concurrence
    avec les masters spécialisés proposés
    par trois autres grandes business scho-
    ols, qui se sont alliées avec une univer-
    sité : le master droit des affaires et
    fiscalité de Paris-I et HEC. Celui de
    l’ESCP mention « droit et management
    international » ou encore celui de
    l’Essec, mention « droit des affaires


internationales et management ». Ces
trois formations s’adressent davantage à
des juristes de formation, en quête d’un
contenu management et d’apprentissa-
ges professionnalisants. Car ce sont là
les ressorts des programmes conçus par
les écoles de commerce : inculquer des
compétences business, notamment
initier aux business models, former au
travail en mode projet et à la gestion des
process. Les clients des cabinets d’avo-
cats d’affaires apprécient. Les entrepri-
ses en feront des directeurs et des direc-
trices juridiques.


  • PÉDAGOGIE INVERSÉE
    À L’ECOLE DE DROIT
    DE SCIENCES PO
    Inspirée des « law schools » nord-améri-
    caine, l’Ecole de droit de Sciences Po,
    ouverte en 2009, propose des diplômes
    de master de droit mais n’exige à


l’entrée aucun prérequis en droit. La
majorité des élèves vient du Collège
universitaire de l’établissement de la rue
Saint-Guillaume, les autres d’un cursus
universitaire. Ces derniers doivent avoir
au minimum une licence universitaire


  • pas forcément de droit –pour être
    admissibles puis passer un oral.
    Au programme des masters, une sec-
    tion «droit économique» qui accueille
    traditionnellement la plus grosse pro-
    motion, une autre «carrières juridiques
    et judiciaires» à l’attention des aspirants
    aux concours, et un double cursus droit
    et finances avec promesse de cours
    interactifs pour tous les enseignements.
    « Les cours magistraux sont bannis »,
    expliquait Christophe Jamin, le doyen
    de l’Ecole, lors de portes ouvertes, insis-
    tant sur l’originalité de la méthodologie,
    la pédagogie inversée, la volonté d’inter-
    disciplinarité et de formation au sens


critique. La particularité du cursus de
l’Ecole de droit de Sciences Po, c’est de
procurer, en deux ans, aux élèves sor-
tant de cette école (qui ont soit fait
Sciences Po, soit une licence universi-
taire) le niveau nécessaire pour présen-
ter le concours d’entrée à l’EFB (Ecole
de formation professionnelle des bar-
reaux) ou celui de l’ENM (Ecole natio-
nale de la magistrature), à l’instar
d’autres étudiants qui ont suivi un
parcours universitaire de droit plus
classique.
L’Ecole de droit de Sciences Po propose
également un LLM en arbitrage (Trans-
national Arbitration and Dispute Settle-
ment), à l’attention des étudiants étran-
gers ayant bouclé leur première
formation juridique initiale dans leur
pays d’origine et des jeunes profession-
nels du droit, après un ou deux ans
d’expérience professionnelle.n

Ecoles de management et instituts


d’études politiques proposent


des cursus interdisciplinaires,


appréciés des cabinets en quête


de double culture business et


juridique.


Droit et business : les doubles


parcours font toujours leurs preuves


FORMATION


Vincent Bouquet
[email protected]


S


i l’idée d’une formation com-
mune entre juristes d’entreprise,
avocats et magistrats a pu, au
départ, surprendre quelques profes-
sionnels du droit, elle part pour-
tant d’une idée toute simple : « Lorsque
nous étions à l’université, nous étions
tous réunis sur les mêmes bancs. Ce n’est
qu’ensuite que nous nous sommes un peu
perdus de vue en intégrant des parcours
et des métiers qui restent très cloisonnés,
avec une fluidité interprofessions encore
trop limitée, explique Stéphanie Fougou,
présidente d’honneur de l’Association


française des juristes d’entreprise
(AFJE), à l’origine avec l’Ecole de forma-
tion professionnelle des barreaux (EFB)
et l’Ecole nationale de la magistrature
(ENM) de la formation « Magistrats,
Avocats, Juristes » (MAJ). Il nous est
donc apparu logique, lors du premier
Grenelle du droit, de réfléchir à la créa-
tion d’une offre qui permettrait un rap-
prochement et une meilleure connais-
sance entre ces professions. »

Approche pragmatique
Au terme d’une année de travail menée
entre les deuxième et troisième Gre-
nelle du droit, la réflexion a pu aboutir à
la mise en place, début 2020, d’une
formation collective. Conçue pour 45
professionnels, issus dans des propor-
tions équivalentes des mondes de
l’entreprise, de la magistrature et de
l’avocature, elle se décompose en trois
modules distincts : le premier consacré
à la négociation corporate, commer-
ciale et judiciaire ; le second à l’enquête
interne, administrative et judiciaire ; et
le dernier à la gouvernance et à la RSE
autour des thèmes de la performance
extrafinancière, de la pratique des
droits de l’homme et de la judiciarisa-

tion de la responsabilité sociale des
entreprises. Piloté par un trio de forma-
teurs – un juriste d’entreprise, un avocat
et un magistrat –, chaque module se
décompose à son tour en trois « sous-
modules » d’une durée de quatre heures
chacun. « Nous avons veillé à ce que
l’approche soit toujours très pragmati-
que, assure Stéphanie Fougou. Les per-
sonnes d’expérience qui orchestrent ces
sessions de formation s’appuient sur des
cas pratiques, des fiches et des explica-
tions concrètes au gré de discussions très
interactives avec la salle. Le but est que
chacun puisse comprendre comment le
raisonnement propre à chaque profession
se construit et en apprenne plus sur les
modes de réflexion techniques et culturels
des différents métiers. »
Dans un cas de contentieux, par exem-
ple, le juriste d’entreprise aura peut-être
moins en tête les différents actes de
procédure générale que le magistrat
qui, lui-même, ne prendra pas forcé-
ment en compte la communication
financière de l’entreprise. « Alors que,
dans leur vie professionnelle, ils ne pren-
nent plus forcément le temps d’échanger
sur leurs pratiques, les juristes, avocats et
magistrats peuvent ainsi, grâce à une

meilleure compréhension de l’autre,
mieux collaborer, qu’ils soient alliés ou
adversaires dans telle ou telle affaire »,
souligne la présidente d’honneur de
l’AFJE.
Pour son premier module consacré à la
négociation –dont les « sous-modules »
se sont successivement tenus les 24 jan-
vier, 25 février et 6 mars, dans les locaux
de l’EFB, de l’AFJE et de l’ENM Paris –, la
formation MAJ a, à en croire ses con-
cepteurs, fait le plein de participants.
« Tous les professionnels ont été très
étonnés de ce qu’ils ont pu apprendre des
autres, affirme Stéphanie Fougou. Outre
les deux modules à venir, nous allons
sans doute commencer à réfléchir à de
nouveaux cycles, potentiellement ouverts
à d’autres métiers. »

4
À NOTER

A ce jour, le deuxième module consa-
cré à l’enquête est prévu le 15 mai et
les 5 et 26 juin ; le troisième dédié à la
RSE et à la gouvernance devrait se
tenir les 25 septembre, 16 octobre et
20 novembre 2020.

Lancée en janvier dernier, la


formation « Magistrats, Avocats,


Juristes » (MAJ) propose aux


praticiens du droit trois modules


d’apprentissage commun.


Objectif : favoriser le partage


technique et culturel entre des


professions toujours très


cloisonnées.


Quand juristes, avocats et magistrats


se forment côte à côte


L’Ecole de droit de Sciences Po, ouverte en 2009, propose des diplômes de master de droit mais n’exige à l’entrée aucun prérequis
en droit. Photo Romain Gaillard/RÉA

JEAN-
PASCAL BUS
avocat,
associé
du cabinet
Norton Rose
Fulbright

A


fin de limiter ou d’exclure
toute responsabilité liée à
l’exécution d’un contrat, des
entreprises invoquent et vont
invoquer un cas de force majeure
liée à la propagation du virus. L’Etat
a d’ores et déjà fait savoir qu’il
considère la crise sanitaire liée à la
pandémie de Covid-19 comme un
cas de force majeure et, qu’en
conséquence, il n’exigera pas de
pénalités de retard dans le cadre des
contrats qu’il a pu conclure avec des
entreprises privées. Qu’en est-il pour
les contrats passés entre les sociétés
et plus généralement entre
personnes privées?

Extériorité, imprévisibilité,
irresistibilité
Selon l’article 1218 du Code civil, la
force majeure est caractérisée
lorsque, de manière cumulative, il
survient un événement qui échappe
au contrôle du débiteur (extériorité)
; qui ne pouvait être
raisonnablement prévu lors de la
conclusion du contrat
(imprévisibilité) ; et dont les effets
ne peuvent être évités par des
mesures appropriées
(irrésistibilité). La seule existence
d’une épidémie ne suffit donc pas à
constituer un cas de force majeure.
Il incombera au contractant qui
l’invoque de démontrer que ces
conditions sont réunies. Selon les
dispositions de l’alinéa 2 du Code
civil : « Si l’empêchement est
temporaire, l’exécution de
l’obligation est suspendue, à moins
que le retard qui en résulterait ne
justifie la résolution du contrat. Si
l’empêchement est définitif, le
contrat est résolu de plein droit et
les parties sont libérées de leurs
obligations. »
A la différence du Code civil qui ne
prévoit pas de délai précis pour
distinguer l’empêchement
temporaire de l’empêchement
définitif, les clauses de force
majeure stipulent très fréquemment
un délai au-delà duquel chacune des
parties pourra librement résilier le
contrat, après une période de
négociation pour éviter la
résiliation.Il sera
vraisemblablement fait référence à
la notion de « délai raisonnable ».
Si le coronavirus n’est pas
susceptible de constituer une cause
de force majeure, selon l’article 1218,
certaines entreprises pourraient
être tentées d’invoquer
l’imprévision, désormais admise par
l’article 1195 du Code civil. A la
différence de la force majeure, les
événements permettant de
l’invoquer doivent rendre
l’exécution d’un contrat non pas
impossible mais « excessivement
onéreuse ». Si c’est le cas, la partie
qui s’en prévaut peut demander à la
juridiction qu’elle saisirait, une
révision du contrat ou sa résiliation.
Faute d’accord entre les parties, le
juge peut soit imposer la révision du
contrat, soit en prononcer la
résiliation aux conditions qu’il
détermine.

a


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business.lesechos.fr/directions-
juridiques/index. php

Coronavirus :


force majeure


et imprévision


AU NOM DE LA LOI


Juriste : quel profil
pour quelle
rémunération?
Réponse sur
echo.st/m334605

?

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