Le Monde - 18.03.2020

(Nancy Kaufman) #1
Cahier du « Monde » No 23386 daté Mercredi 18 mars 2020 ­ Ne peut être vendu séparément

pascale santi

C’


était il y a un an et demi.
Lucie (le prénom a été
changé) ne se sent alors
pas bien du tout. Agée de 10 ans,
elle a des idées noires, des préoc­
cupations morbides, dit souvent
« je veux mourir », jusqu’à faire une
tentative de suicide en voulant
sauter par la fenêtre, raconte sa
maman. Elle revient avec sa fille
pour un rendez­vous au service de
pédopsychiatrie du CHU de Nan­
tes, accompagnée de son fils aîné
et de son mari. Lucie y était suivie
depuis peu pour un trouble du
déficit de l’attention avec ou sans
hyperactivité (TDAH). Un trouble
du neurodéveloppement fréquent
(5 % des enfants) associant des dif­
ficultés attentionnelles, de l’hype­
ractivité motrice, de l’impulsivité
et une difficulté à réguler ses
émotions, explique Fanny Gollier­
Briant, pédopsychiatre, qui la
reçoit ce jour­là. « Tout prenait des
proportions énormes », se souvient
sa maman. Ses parents s’inquiè­
tent, son frère aîné de 13 ans a du
mal à communiquer avec elle. Lu­
cie ne voit pas de solution à son
malheur, a une très mauvaise es­
time d’elle­même, est d’une grande
nervosité. « On ne pouvait parler
de rien sans que ça ne finisse en
pleurs ou en colère. Nous étions très
démunis face à ce grand désarroi. »
C’est à l’issue d’un passage aux
urgences au CHU de Nantes, en
juin 2018, pour des crises de colère
incontrôlables – Lucie tapait sur
les murs – que le diagnostic est
posé par Olivier Bonnot, chef du
service de pédopsychiatrie : Lucie
souffre d’une dépression infantile.
« Nous sommes tombés des nues,
on n’imaginait pas que la dépres­
sion puisse exister chez l’enfant »,
se souvient sa maman. Ses pa­
rents ont même douté de ce dia­
gnostic, avant de faire confiance
au médecin. A posteriori, pense sa
mère, c’est le deuil de sa grand­
mère, en juin 2018, qui l’a plongée
dans une grande tristesse, et qui a
sans doute été l’élément déclen­
cheur. Aujourd’hui, après une psy­
chothérapie, Lucie a retrouvé sa
joie de vivre. Sa famille aussi.
→L I R E L A S U I T E PA G E S 4 - 5

Demain, 


une civilisation 


sans science ?


Entretien avec
le physicien Jean­Marc
Lévy­Leblond, qui
déplore l’emprise
du marché sur le progrès
technologique
PA G E 8

Dossier


Dépression : 


les enfants


aussi


En Chine, plusieurs essais cliniques


testent l’efficacité de cet antipaludéen


contre le coronavirus. En France,


une étude vient d’être lancée,


avec des résultats préliminaires


encourageants. Cependant,


les scientifiques sont partagés


quant à la balance bénéfice-risque.


Le point en quatre questions


Production de phosphate de chloroquine
à Nantong dans la province chinoise du Jiangsu,
le 27 février. FEATURE CHINA/BARCROFT MEDIA/GETTY IMAGES

sandrine cabut

L


a course aux traitements contre le nou­
veau coronavirus a remis sur le devant
de la scène la chloroquine (Nivaquine),
un antipaludéen commercialisé depuis
soixante­dix ans. En Chine, près d’une
vingtaine d’essais cliniques sont en cours pour
explorer l’efficacité de cette molécule ou d’un
analogue, l’hydroxychloroquine (Plaquenil), chez
des patients infectés par le SARS­CoV­2, selon le
registre chinois des essais cliniques.
En France, une étude clinique vient d’être lan­
cée par le professeur Didier Raoult, directeur de
l’IHU Méditerranée Infection (Marseille). Evo­
qués lundi 16 mars dans une vidéo par ce
dernier, les résultats préliminaires semblent
spectaculaires : au bout de six jours de traite­
ment par Plaquenil, 25 % seulement des
patients seraient encore porteurs du virus, la
proportion étant de 90 % chez ceux ne recevant
pas le traitement. La charge virale à J + 6 serait en­
core plus basse chez les malades traités en plus
par un antibiotique, l’azithromycine.
Dans sa présentation, le professeur Raoult ne
précise pas si ces résultats portent sur l’ensemble
des 24 malades prévus dans le protocole, une pu­

blication scientifique est attendue. Mais, pour ce
spécialiste des maladies infectieuses, membre
du conseil scientifique sur le nouveau coronavi­
rus qui vient d’être mis en place par le ministre
de la santé, il y a suffisamment d’arguments
pour utiliser dès maintenant ce traitement, très
peu onéreux, chez des malades du Covid­19.
« En Chine, en Iran, en Corée du Sud, en Arabie
saoudite, l’hydroxychloroquine et la chloroquine
font déjà partie des protocoles thérapeutiques,
conseillés par des experts, pour certains de re­
nommée mondiale. Il y a urgence à organiser de
telles recommandations en France, et c’est ce que
j’ai proposé aux autorités sanitaires », indique­
t­il. D’autres équipes hospitalières françaises
ont manifesté leur intérêt pour le protocole
marseillais, qui est proposé, on ne sait pas à
quelle échelle, à des patients hospitalisés, hors
cadre d’étude clinique.
De son côté, le gouvernement britannique a ré­
cemment inscrit sur la liste des médicaments in­
terdits à l’exportation parallèle la chloroquine,
l’hydroxychloroquine, et une combinaison d’an­
tiviraux, pour parer aux besoins éventuels de
patients britanniques atteints de Covid­19 et an­
ticiper des ruptures de stock de ces produits.
→L I R E L A S U I T E PA G E S 2

La chloroquine,


une piste contre le Covid­19


→ L I R E L A S U I T E P A G E 2
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