Chez Leroy Merlin et Castorama, les points de retrait des commandes en ligne sont ouverts. Photo Fred Marvaux/RÉA.
l’intention d’aller moins souvent
faire des courses dans la période
particulière actuelle. Même si une
personne sur trois ne veut pas
modifier ses petites habitudes en
matière de courses, surtout parmi
les plus âgés. Les modes d’approvi-
sionnement évoluent. Le drive est
envisagé par 48 % des gens, dont
19 % pour la première fois. La
livraison à domicile des produits
du quotidien intéresse 31 % des
Français, dont 17 % de novices.
La période est propice à l’épar-
gne. 75 % des personnes interro-
gées estiment qu’elle va leur per-
mettre de faire des économies. De
quoi rassurer face à la peur de
l’avenir. Pour affronter le confine-
ment, tout le monde se trouve bien
équipé autant en connexion Inter-
net qu’en divertissement, via sa
bibliothèque ou l’accès à du
contenu en ligne. Tout juste concè-
de-t-on un manque dans les équi-
pements sportifs à domicile.
Une situation vécue
au jour le jour
Dans leur immense majorité, les
Français vivent la situation au jour
le jour. Ils ne sont que 14 % à plani-
fier la suite. Et des fractures com-
mencent déjà à se dessiner dans la
population. Le confinement est
perçu comme une parenthèse par
six personnes sur dix tandis que
les quatre autres y voient un tour-
nant fort dans la manière dont ils
vivent leur quotidien.
« Il y aura un avant et un après
Covid-19. Cela se traduira aussi bien
dans le fait que les produits locaux
gagneront encore du terrain, que
dans le nouveau regard porté sur le
télétravail », prévoit Flavien Neuvy,
tout en se montrant prudent sur la
prospective dans une époque
aussi mouvante.n
Clotilde Briard
@ClotildeBriard
La situation inédite que nous
vivons inquiète logiquement les
Français. Mais, contrairement à ce
que l’on aurait pu penser, ils ont un
peu plus peur pour l’économie
française, pour laquelle ils sont
88 % à se faire du souci, que pour la
santé de leurs proches (86 %) ou la
leur (70 %). Ils sont 68 % à craindre
pour leur pouvoir d’achat et leur
épargne et un actif sur deux est
préoccupé pour son emploi, selon
le zOOm de l’Observatoire Cete-
lem, « Coronavirus : d’aujourd’hui
au premier jour d’après ». « Les
Français sont traditionnellement
les plus pessimistes en Europe par
rapport à leur pouvoir d’achat.
Mais là, la dégradation est nette »,
constate Flavien Neuvy.
Côté consommation, seuls 39 %
des habitants de l’Hexagone
reconnaissent, dans le sondage
réalisé du 20 au 24 mars, avoir fait
des stocks alimentaires. Et trois
sur dix disent avoir acheté plus de
produits d’hygiène que d’habi-
tude. Contrairement aux idées
reçues, les plus jeunes sont les plus
précautionneux. Les moins de
35 ans sont plus d’un sur deux à
avoir gonflé leur panier.
Les réflexes tendent à changer.
La moitié des consommateurs a
La grande majorité
des Français a peur pour
l’économie du pays et
pour son pouvoir d’achat.
Ils sont nombreux
à réduire la fréquence
des courses et à s’intéres-
ser pour la première fois
au drive ou à la livraison,
selon L’Observatoire
Cetelem.
Inquiets, les Français
consomment autrement
Philippe Bertrand
@Bertra1Philippe
Des chocolatiers rouvrent boutique
pour Pâques. Les caves Nicolas relè-
vent leur rideau de fer. Les surgelés
Picard ont consolidé leur chaîne
d’approvisionnement et ne connais-
sent plus les ruptures de stocks qui
ont entraîné la fermeture de plu-
sieurs points de vente. Les opticiens
ont élaboré un système de garde.
Castorama et Leroy Merlin entre-
tiennent – un peu – le flux de leurs
activités grâce aux ventes en ligne.
Les horticulteurs et les fleuristes se
battent pour leur réouverture. Peu à
peu, de nombreux commerçants
organisent la poursuite de leur acti-
vité sans attendre le déconfinement.
Les premiers ont été les distribu-
teurs qui, bien que déclarés « essen-
tiels », ont dû interrompre leurs acti-
vités. La Fédération des magasins de
bricolage s’est battue pour que ses
adhérents puissent continuer
d’ouvrir. Mais, les grandes surfaces
de « do-it-yourself » sont restées por-
tes closes. « Le bricolage est un métier
de conseil. Il y a une interaction forte
entre les clients et nos conseillers.
Ceux-ci doivent être protégés », expli-
quait aux « Echos » Mathieu Pivain,
président de la FMB.
Quelques jours plus tard, les deux
leaders, Leroy Merlin et Castorama,
annonçaient la réouverture des
points de retrait des commandes en
ligne. Beaucoup d’indépendants,
Bricomarché ou Mr. Bricolage, ont
continué leur service, dans un mode
dégradé : ouverture le matin, cer-
tains jours dans la semaine. La pro-
fession entend permettre les répara-
tions d’urgence.
Darty et la FNAC ont suivi le
même chemin et fait basculer leur
activité vers l’e-commerce, comme
dans l’habillement.
La saison des plantations
Les horticulteurs et les jardineries,
frappés de plein fouet en pleine sai-
son des plantations, ont remporté
« une petite victoire » avec le revire-
ment du gouvernement, qui vient
d’autoriser la vente de plants pota-
gers, qualifiés produits de première
nécessité. La crise sanitaire « tombe
en plein boom pour l’activité », a
constaté auprès de l’AFP le prési-
dent en Nouvelle Aquitaine du Syn-
dicat national des producteurs hor-
ticoles et pépiniéristes (SNPHP),
Antoine Daganaud. Mikaël Mer-
cier, président de Val’Hor, l’inter-
profession de l’horticulture, de la
fleuristerie et du paysage, branche
qui représente 53.000 entreprises
et 1 70.000 emplois, espère que « les
directives vont s’assouplir avec la fin
du confinement ».
Le commerce spécialisé veut
continuer à exister à côté des super-
marchés qui tournent à plein.n
lDe nombreux commerçants se battent pour le maintien, même partiel, du flux de leurs ventes.
lDes chocolatiers rouvrent pour Pâques, les magasins de bricolage font du « click & collect », les horticulteurs
font pression pour écouler leurs plantes.
De nombreux commerces s’organisent
pour poursuivre leur activité
DISTRIBUTION
lés, lequel a pourtant progressé de
27 % à 30 %. Nos ventes ont crû de
35 %. Les clients qui n’avaient plus
de place dans leurs congélateurs
ont ensuite déstocké. La croissance
est redescendue à 5 %, puis nous
avons connu une nouvelle accé-
lération de la hausse la semaine
dernière.
Les clients se sont-ils
contentés des denrées de base
ou bien se sont-ils servis
dans tous vos bacs?
Les consommateurs ont acheté
90 % de nos 1.100 références. Seu-
les les glaces et la pâtisserie sont
moins parties, peut-être parce
qu’elles prennent de la place dans
les congélateurs et que ce n’est pas
vraiment la saison. Picard est
depuis longtemps l’enseigne préfé-
rée des Français et nous apportons
avec nos spécialités, par exemple
les plats exotiques, une touche
d’enchantement dans l’univers
parfois morose du confinement.
Nos clients cuisinent trois fois
par jour.
Vos ventes sur Internet
ont dû décoller?
Notre site Internet est sursaturé. La
demande a grimpé de 80 %. Même
si nous avons multiplié par trois les
livraisons, nous ne prenons désor-
mais les commandes que pour le
6 mai. La difficulté tient au fait,
entre autres, qu’il est impossible d e
louer un mètre carré d’entrepôt de
surgelés. Comme les ventes à la
restauration collective se sont
arrêtées, les entrepôts sont pleins.
Certains opérateurs ont même été
PHILIPPE PAUZE
Président
du directoire
de Picard
« Picard a vécu quatre semaines de folie »
Propos recueillis par
Antoine Boudet
@Aboudet
et P. B.
L
a ruée des clients au début
de la crise a entraîné ruptu-
res de stocks et fermetures
de magasins. Les 1.000 Picard sont
aujourd’hui opérationnels. Le spé-
cialiste du surgelé a doté ses colla-
borateurs de masques et placé du
Plexiglas devant les caisses. Des
points de vente ont été désinfectés.
Les ventes en lignes ont explosé. Le
patron de la chaîne tire les ensei-
gnements de cette crise inédite.
Au début de la crise,
les magasins Picard ont été
pris d’assaut et certains
ont dû fermer leurs portes
en raison de ruptures
de stocks. Quelle est
la situation aujourd’hui?
Dans cette crise extrêmement
grave, nous avons la chance de
pouvoir ouvrir nos magasins. C’est
un message positif pour nos clients
et pour le secteur alimentaire. Nos
1.000 magasins sont ouverts
aujourd’hui comme à la normale, à
l’exception d’une petite dizaine qui
a fermé quelques heures pour
désinfection après que des cas sus-
pects de coronavirus ont été détec-
tés parmi le personnel. Les colla-
borateurs concernés ont été mis en
quatorzaine. Nous avons vécu qua-
tre semaines de folie, alors que
nous n’avions pas toutes les armes
pour protéger nos salariés. C’est
le cas aujourd’hui. Nous avons
notamment acheté des masques,
des gants, du gel et installé
des parois de Plexiglas devant
les caisses.
Les ventes ont explosé?
Pendant cinq semaines, Picard a
surperformé le marché des surge-
obligés de louer des entrepôts
à l’étranger.
Avez-vous subi l’absentéisme
de certains membres
du personnel ou des demandes
de droit de retrait?
Non. Dans l’alimentaire, les gens
sont solidaires. Ils savent qu’ils
remplissent une mission vitale
pour la société. Pour remercier
cet engagement quasi sans faille,
nous avons décidé de verser une
prime de 1.000 euros à nos plus de
5.000 employés. Picard a un rôle
social à jouer et c’est une entreprise
qui, malgré les évolutions de
l’actionnariat, a conservé un carac-
tère familial.
Avez-vous des problèmes
d’approvisionnement?
Nous enregistrons bien quelques
ruptures sur des produits pour les-
quels la demande a été multipliée
par sept ou huit ces dernières
semaines, comme le steak haché,
le poulet et les poissons. Mais, glo-
balement, les industriels en amont
font un travail considérable afin
d’assurer l’alimentation des Fran-
çais. Nous disposons aujourd’hui
d’une bonne visibilité sur nos
stocks à deux-trois mois. Nos pres-
tataires logisticiens, Stef et Sofri-
log, assurent également et nous
avons réglé le problème de logisti-
que des entrepôts à nos magasins.
Le transport, en amont comme en
aval de la chaîne fonctionne. Je tire
d’ailleurs un gros coup de chapeau
à tous, et particulièrement à nos
équipes totalement mobilisées.
Cette crise va-t-elle vous
amener à revoir vos relations
avec les filières françaises?
Déjà 7 0 % de nos produits sont éla-
borés dans notre pays, même si évi-
demment tout ne vient pas de
France. La période que nous
vivons va très certainement accélé-
rer ce processus. Dans cette
période de crise, nous avons aussi
un rôle sociétal à jouer. Nous som-
mes en pourparlers avec la filière
Volaille de Bresse, pour acheter
10.000 poulets, avec la filière
agneau et la filière pêche. Au sortir
de la crise, il y aura un travail de
fond à accomplir afin de créer des
filières solides.
Comment pensez-vous sortir
de cette crise?
Nous consacrons 90 % de notre
temps à la gestion opérationnelle
de la crise, mais 10 % au futur. Nos
plans d’investissement ont été
maintenus. Notre activité est bonne
malgré des surcoûts, comme
l’achat des masques dont le prix a
été multiplié par trois. Je suis sûr
que le surgelé sortira de la crise par
le haut, car les produits gardent tou-
tes leurs qualités d’origine et se stoc-
kent facilement. D’ailleurs, la vente
de congélateurs est en hausse
de 30 %. C’est encourageant pour
l’avenir de Picard.n
« Dans cette
période de crise,
nous avons aussi
un rôle sociétal
à jouer. Nous
sommes en
pourparlers avec
la filière Volaille
de Bresse,
pour acheter
10.000 poulets,
avec la filière
agneau et la filière
pêche. »
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ENTREPRISES
Lundi 6 avril 2020Les Echos