Les Echos. April 06, 2020_wrapper

(Steven Felgate) #1
sée par Sophie Duprez, la prési-
dente de l’assemblée générale
du Conseil de la protection sociale
des travailleurs indépendants
(CPSTI, créé par la loi de 2017 qui a
supprimé le RSI).
Voté jeudi soir à l’unanimité par
les représentants de la CPME, de
l’U2P, de la CNPL et du Medef, le
projet entérine une ponction
exceptionnelle de 1,5 milliard dans
le régime complémentaire des
indépendants. Fort de ses 17,2 mil-
liards de réserves (au 31 décembre
2019), le régime peut se permettre
une telle ponction qui a été calibrée
de manière à verser en une seule
fois l’équivalent d’une année de
cotisation ou 7 % du revenu
annuel, dans la limite de
2.500 euros.

« Le seul revenu du mois »
« Ce retour de cotisation constitue-
rait pour certains le seul revenu du
mois », défend Alain Griset, le
président de l’U2P, pour qui tout
cela reste dans l’esprit de la
réforme des retraites, l’exécutif
ayant garanti que chaque caisse
complémentaire resterait maî-
tresse de ses fonds.
Concrètement, seraient éligi-
bles tous ceux – commerçants,
artisans, travailleurs indépen-
dants et une partie des microen-
trepreneurs de services – qui coti-
saient en 2018 et qui étaient
encore en activité au moment du
confinement. Soit près de 1,5 mil-
lion de personnes, précise Sophie
Duprez. « C’est une mesure très
équitable, pondérée, et qui peut être
versée rapidement », assure-t-elle.
CPME et U2P, enfin, en appel-
lent à un mécanisme similaire
pour les professions libérales
(avocats, infirmières...) dont les
retraites complémentaires sont
logées dans 1 1 caisses.n

A. R.
avec Isabelle Ficek
@IsabelleFicek

Une aide pouvant aller jusqu’à
2.500 euros pour les indépen-
dants, en plus de toutes celles
débloquées dans le cadre de la loi
d’urgence, et sans mettre à contri-
bution les finances publiques?
C’est ce que poussent deux des
trois organisations patronales,
sous la forme d’une indemnité de
pertes de gains financée par une
ponction exceptionnelle de
1,5 milliard d’euros dans le régime
de retraite complémentaire de
ces catégories de travailleurs.
« Nous n’attendons plus que le
feu vert de Matignon », indique le
vice-président de la CPME en
charge des affaires sociales, Eric
Chevée, le sujet divisant appa-
remment les ministères concer-
nés. Appelant à un versement « le
plus rapidement possible », l’U2P
souhaite par ailleurs que l’aide
soit totalement exonérée.
Tout est parti du constat
que l’aide mensuelle de
1.500 euros prévue dans le cadre
du fonds de solidarité, pour posi-
tive qu’elle soit, couvre l’exploita-
tion, mais pas l’exploitant. Dit
autrement, elle couvre l’entre-
prise – 450.000 en ont fait une
demande – mais pas son patron
qui ne peut bénéficier, comme un
salarié, de l’activité partielle en
guise de revenu de substitution.
D’où l’idée de mobiliser les instan-
ces de protection sociale, préconi-

Le Conseil de la protection
sociale des travailleurs
indépendants veut
ponctionner 1,5 milliard
dans le régime de retraite
complémentaire. Il attend
le feu vert de Matignon.

Une aide supplémentaire


de 2 .500 euros à l’étude


laissé entendre que chaque situa-
tion serait examinée au cas par cas,
pour les entreprises en difficulté. « Il
ne faut pas attendre que les entrepri-
ses soient en état de mort pour accor-
der ces aides », réagit Yohann Petiot.
Interrogé par « Ouest France », le
ministre de l’Action et des Comptes
publics, Gérald Darmanin, a tenu à
souligner les efforts inédits de l’Etat.

« Jamais l’Etat n’a pris de telles mesu-
res », a-t-il répondu, tout en rappelant
que « ces recettes sont essentielles pour
financer les retraites, les hôpitaux, les
prestations sociales ». S’il entend que
certains professionnels vont mettre
du temps à retrouver leur niveau
d’activité, il considère que « c’est un
débat que nous aurons lorsque le temps
de la reconstruction sera venu ».n

remonter des propositions. Même
sans épidémie, il aurait fallu déclen-
cher des mesures d’aide. Le gouver-
nement a saisi la balle au bond,
même s’il y a des ajustements quoti-
diens.

Sont-elles effectives?
C’est maintenant qu’on va s’en assu-
rer. Pour l’heure, toutes les deman-
des d’activité partielle semblent ser-
vies, même s’il y a une inquiétude sur
l’effet bouchon. Le gros problème
vient des banques [qui bénéficient
de la garantie de 7 0 % à 90 % de
l’Etat, NDLR]. Elles ne jouent pas
assez le jeu pour accorder des prêts,
ou facturent des frais. On note une
trop grande prudence de leur part,
ce qui ajoute à l’anxiété.
L’autre difficulté vient des assu-
rances, qui ne couvrent pas les per-
tes d’exploitation. Certes, elles abon-
dent le fonds de solidarité nationale
en faveur des TPE ou indépendants,
mais à hauteur de 200 millions seu-
lement. Elles jouent petit bras!

Croyez-vous à une reprise
rapide de la consommation
une fois le confinement levé?
La reprise sera lente. Les Français ne

« Pour les artisans, la reprise sera lente »


Propos recueillis par
Alain Ruello
@AlainRuello


Les artisans représentent
des professions variées. Mais,
globalement, quel est l’impact
de l’épidémie pour eux?
Par effet domino, le confinement a
affecté neuf artisans sur dix, soit
quasiment tout le secteur. Dans le
bâtiment, les entreprises ont arrêté
du jour au lendemain. Celles qui
souhaitaient travailler ont dû y
renoncer faute de matériaux de
construction. Les services aussi,
puisque les gens ne peuvent plus se
déplacer. Pour les métiers de bou-
che, il y a eu un petit flottement, les
clients étant à la recherche de pro-
duits alimentaires, qui s’est arrêté
net avec le confinement. Depuis,
ceux qui sortent privilégient un seul
commerce, en général une
moyenne ou grande surface.


Les mesures prises
par le gouvernement
sont-elles à la hauteur?
Sur le papier, oui! Toutes les mesu-
res ont été très bien ciblées, grâce à
tout le travail préparatoire que CMA
France – et notamment son prési-
dent, Bernard Stalter – a réalisé en
amont. Les artisans ont beaucoup
souffert durant le mouvement des
« gilets jaunes ». Puis il y a eu les grè-
ves liées au projet de réforme des
retraites. Tout cela a mis les trésore-
ries sous tension et nous avions fait


vont pas se précipiter pour consom-
mer ou se remettre à voyager
comme avant. Ce qui est perdu ne
sera pas rattrapable. Malgré toutes
les aides, dans six mois, quand il fau-
dra rembourser tout cet argent,
nous allons nous heurter à un mur. Il
va y avoir des dégâts.

Le commerce en ligne
a-t-il pris le relais
ou est-ce encore marginal?
C’est un sujet sur lequel nous tra-
vaillons depuis longtemps. La crise a
conforté des plateformes solidaires
de mise en relation des artisans vers
les consommateurs. Ce ne sont pas
des sites de distribution en tant que
tels mais elles aideront à la sortie de
crise en maintenant les achats ou le
lien et elles permettront d’engranger
des commandes en prévision de la
fin du confinement.

Quelle est la situation
de vos 100.000 apprentis?
La fermeture des centres de forma-
tion s’est faite dans la douleur : cer-
tains apprentis sont retournés chez

leurs employeurs, d’autres sont en
activité partielle. A toute chose mal-
heur est bon, l’épidémie a poussé les
CFA à innover davantage, dans le
domaine de l’enseignement en ligne
notamment. Même si la présence
reste obligatoire pour mettre la
main à la pâte, nous avons mis tout
en place pour assurer la continuité
pédagogique.

Etes-vous inquiet pour
la campagne de recrutement
d’apprentis?
Très clairement. Nos CFA avaient
prévu des journées portes ouvertes
qui tombent à l’eau. Cela va être
beaucoup plus compliqué de
convaincre les élèves et leurs parents
au moment où se décident les orien-
tations. Le réseau CMA France va se
mobiliser et mettra tout en œuvre
pour maintenir la dynamique amor-
cée depuis un an en faveur de
l’apprentissage.

Qu’est-ce que cette crise
changera pour les artisans?
L’artisanat porte dans son ADN les
valeurs du made in France, de la
proximité et du service. Ces valeurs
sont partagées et importantes en
période de crise et de post-crise. Les
Français vont redécouvrir dès cet été
tout ce que nos terroirs ont à offrir et
auront, j’en suis sûr, l’acte d’achat
responsable. Et puis, il y a, comme je
l’indiquais précédemment, une
transformation numérique à
accomplir. Elle est en marche.n

CHRISTIAN VABRET
Artisan boulanger-
pâtissier, premier
vice-président
de CMA France

« Les assurances
ne couvrent
pas les pertes
d’exploitation.
Elles jouent
petit bras! »

Ingrid Feuerstein
@In_Feuerstein


L’angoisse monte chez les commer-
çants frappés par une décision de fer-
meture administrative. Trois semai-
nes après avoir baissé le rideau, et
alors que le flou persiste sur les
modalités de déconfinement, beau-
coup s’interrogent sur leur capacité à
reprendre leur activité à l’issue de la
période d’urgence sanitaire.
Signe de cette inquiétude, une
pétition en ligne en faveur d’une
annulation des charges fiscales et
sociales aurait déjà recueilli plus de
80.000 signatures, d’après le comp-
tage du site L’échommerces, à l’ori-
gine de cette initiative. Elle contri-
bue à relayer une demande de
longue date des représentants des
commerçants auprès de Bercy, déjà
en contact étroit avec l’administra-
tion lors des précédentes crises
(« gilets jaunes », retraites).


Série d’aides
Lors de l’annonce du confinement,
l’Etat a déployé une série d’aides
pour permettre aux professionnels
de tenir le coup. Les indépendants
pourront bénéficier d’une indem-
nité de 1.500 euros si leur chiffre
d’affaires a chuté de plus de 50 %. L e
paiement des charges sociales et fis-
cales dues en mars a été suspendu.
Le gouvernement vient d’annoncer
qu’il en serait de même en avril.
« Nous ferons le report de charges fis-
cales et sociales tant que durera la
crise sanitaire », a indiqué vendredi
le ministre de l’Economie et des
Finances, Bruno Le Maire, sur RFI.
Selon un décompte du ministère,
530.000 entreprises de moins de
50 salariés ont reporté leur
échéance de cotisations sociales le


15 mars, pour un montant de
3,6 milliards d’euros. 460.000 tra-
vailleurs indépendants ont vu leur
échéance du 20 mars automatique-
ment reportée, ce qui représente
une somme de 300 millions d’euros.
Pourtant, cet appel au secours des
commerçants semble indiquer que
ces aides ne suffiront pas. Philippe
Maurel, l’auteur de la pétition et
directeur de la publication du site
L’echommerces, reconnaît qu’il a
employé la méthode forte pour faire
bouger les lignes, mais il faut, selon
lui, avoir conscience des difficultés
auxquelles faisait face le commerce
avant cette crise. « Parmi les commer-
çants avec qui nous sommes en con-
tact, un tiers ont la trésorerie suffi-
sante et pourront emprunter. Mais un
tiers vivent à la petite semaine, ils
étaient déjà fragilisés », explique-t-il.

L’Alliance pour le commerce, qui
représente le commerce de l’habille-
ment sous enseignes, relaie le même
message. « Les entreprises ont déjà
bénéficié du report de charges lors du
mouvement des “gilets jaunes” ou con-
tre la réforme des retraites. A un
moment, le mur de dettes devient
infranchissable, affirme Yohann
Petiot, son délégué général. Demain,
avec la reprise, les entreprises auront
besoin de trésorerie. »
Pour l’heure, le gouvernement a
fermé la porte à une annulation de
charges pour tous, mais a toujours

lLes commerçants font pression sur l’Etat pour annuler les charges sociales et fiscales dues pendant le confinement.


lLe ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, estime que « c’est un débat que nous aurons


lorsque le temps de la reconstruction sera venu ».


Les commerçants se mobilisent pour


obtenir une annulation de leurs charges


FRANCE


530.000 entreprises
de moins de
50 salariés ont
reporté leur échéance
de cotisations
sociales le 15 mars,
pour un montant de
3,6 milliards d’euros.

EVENEMENT


Lundi 6 avril 2020Les Echos

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