Les Echos. April 06, 2020_wrapper

(Steven Felgate) #1

Posson Packaging maintient un
haut niveau d’activité malgré la crise
sanitaire. « Quinze de nos clients ont
fermé », mentionne Sylvie Casenave-
Péré, présidente de l’entreprise, clas-
sée en secteur vital par le gouverne-
ment. « Mais nous avons un afflux de
commandes venant de l’agroalimen-
taire et du secteur hygiène-santé. »
La production s’est accrue de 15 %.
L’entreprise de Louailles (Sarthe),
spécialisée dans l’emballage en car-
ton plat ou ondulé imprimé offset,
compte notamment pour client his-
torique le fabricant de masques de


protection Kolmi, à Angers. « Nous
l’accompagnons depuis l’origine »,
indique la dirigeante. « Fort heureu-
sement, nous n’avons pas eu à nous
arrêter pour nous adapter », pour-
suit Sylvie Casenave-Péré évoquant
la politique qualité liée à l’alimen-
taire et les procédures déjà établies
en termes de lavage de main,
d’hygiène...
« Nous avons la chance d’avoir une
usine relativement récente où l’air est
renouvelé toutes les 2 0 minutes », pré-
cise-t-elle. Posson Packaging tourne
actuellement en 3×8 avec une petite
équipe le week-end. Le taux d’absen-
téisme est passé de 20 % la semaine
dernière à moins de 15 % cette
semaine. La dirigeante explique
« que dans un réflexe de peur, des
collègues se sont arrêtés pour garder
les enfants ou pour préserver leur

santé plus fragile. Un accord sur la
modulation du temps de travail a
permis de porter la présence de certai-
nes équipes jusqu’à la limite de
42 heures par semaine ».

1 million d’étuis livrés
L’entreprise, qui transforme
15.000 tonnes de cartons par an pour
1 million d’étuis livrés quotidienne-
ment, s’est également assurée d’être
approvisionnée en matière pre-
mière. « Nous avons des fournisseurs
fidèles que l’on paye comptant », sou-
ligne la dirigeante. Sylvie Casenave-
Péré se dit étonnée de voir tant
d’entreprises cesser leur activité du
fait de la crise sanitaire, phénomène
qu’elle perçoit comme l’effet d’une
« défiance » de certains dirigeants
vis-à-vis de l’administration. « Cer-
tains se sont peut-être dit que ça allait

être trop difficile de s’adapter et
ont préféré fermer au lieu de procéder
à des adaptations comme le respect
des distanciations, par exemple »,
estime-t-elle.
Posson packaging compte aussi,
parmi ses clients, de grands comp-
tes tels les groupes Bel, LDC, Agro-
mousquetaires et, hors alimentaire,
le nantais Armor qui fabrique
notamment des consommations
imprimantes domestique, autre
denrée utile en temps de confine-
ment. La société affiche un chiffre
d’affaires de 2 6 millions d’euros
avec un peu plus de 130 salariés. La
crise actuelle ne remettra donc pas
en cause le programme de 5 mil-
lions d’euros d’investissements
prévu cette année dans des équipe-
ments techniques de robotique et
informatique. —E. Gui.

Comment produire plus avec du personnel en moins


Posson Packaging, une PME
indépendante spécialisée
dans les emballages impri-
més, s’est instantanément
placée en configuration de
produire plus avec moins.


taines de ses concurrentes, a
aussi fait jouer un système
préexistant de doublons, chaque
production étant déplacée sur
une autre usine en cas de
défaillance d’une unité.
« Certains clients nous deman-
dent de maintenir des stocks straté-
giques, ce qui a permis de répondre
à une partie de la demande », indi-
que le PDG. Thibault Laumonier
décrit également une adaptation
de l’offre produit à la conjoncture,
optant à l’occasion pour des
emballages neutres et une
gamme simplifiée.
« On s’est rendu compte, nos
clients et nous-mêmes, que l’on
pouvait simplifier les choses, pas-
ser de 20 références à 2 par exem-
ple, passer à une impression plus
simple voire pas d’impression du
tout, explique le dirigeant. On
revient ainsi à la fonction trans-
port en mettant momentanément
la dimension marketing de côté. »

Désinfection permanente
« Après une période d’incertitude
quotidienne, on s’est organisés
pour gérer la crise et, désormais le
challenge est de revenir au niveau
habituel, résume Thibault Lau-
monier. Pour cela, le retour des
salariés que l’on commence à
observer est essentiel. » DS Smith a
culminé à 20 % d’absentéisme,
taux qui tend à se rétracter. Le
groupe n’a pas lésiné sur les
mesures sanitaires, déployant le
télétravail à grande échelle sur les
fonctions tertiaires, équipant
chacun d’ordinateur à domicile.
Dans les usines, des salariés occu-
pant des fonctions commerciales
ont été réaffectés sur des machi-
nes. La désinfection poussée des
sites est effectuée toutes les
semaines. —E. Gui.

DS Smith Packaging France
estime qu’à ce jour, 90 % de ses
usines fonctionnent normale-
ment. Les secteurs de l’agroali-
mentaire, de la pharmacie et de
l’e-commerce tirent la demande
avec des hausses de 10 à 20 % par
rapport à la normale, indique
Thibault Laumonier, directeur
général de cette entité de ce
groupe britannique qui fabrique
des emballages de transport en
carton ondulé.
Son catalogue comprend des
caisses, des plateaux, mais aussi
des présentoirs, des comptoirs et
de l’emballage industriel spécifi-
que. « Certains carnets de com-
mandes sont déjà pleins pour le
mois d’avril ce qui est inhabituel »,
poursuit le directeur. Cette
hausse, dit-il « compense en
grande partie mais pas en totalité
les secteurs très ralentis voire tota-
lement à l’arrêt, tels l’automobile,
l’électronique, la chimie... »
En France, DS Smith Packa-
ging emploie 4.0 00 salariés dans
30 usines, un parc industriel mus-
clé avec le rachat des sites de
l’espagnol Europac en 2018. La
société a ainsi pu jouer pleine-
ment sur cette complémentarité
géographique, organisant au jour
le jour le transfert de productions
de sites fragilisés par l’épidémie
vers des régions moins affectées.
Des productions ont par exem-
ple été déplacées de Colmar vers
le site de La Chevrolière, près de
Nantes. L’entreprise, comme cer-

Cette entité du groupe
anglais, forte de 30 sites
industriels en France, a fait
migrer des productions
dans des régions moins
affectées par le Covid-19
et simplifié son offre.

DS Smith encaisse


l’épidémie grâce à son


réseau national d’usines


Group AB, a aussi fait évoluer drasti-
quement sa production. Cette usine
de 200 salariés réalisait un tiers de
ses 50 millions d’euros de chiffre
d’affaires avec la restauration rapide
(KFC, McDonald’s...), les fast-foods,
gros consommateur d’emballages,
ayant interrompu l’essentiel de leurs
achats. AB Packaging a heureuse-
ment dû accompagner l’activité sou-
tenue de ses autres clients, tels
Sodebo, Marie, Lustucru ou encore
Blédina. Dès lors, sur les 2 3 à 24 mil-
lions d’emballages produits chaque
semaine, l’entreprise se maintient à
près de 19 millions de pièces. « On a
encore du mal à percevoir chez nos
clients ce qui relève de la sécurisation
des stocks, ou de l’activité réelle », tem-
père Olivier Moysan, directeur géné-
ral de l’usine.

Précautions extrêmes
Quant à la chaîne d’approvisionne-
ment, elle semble tenir bon dans un
contexte de hausse des prix du
papier en mars, matière première
du carton ondulé, qu’il faudra réper-
cuter. Smurfit Kappa, disposant en

France de 4 papeteries, fait valoir un
modèle très intégré. DS Smith est
également bien servi en papier qu’il
importe sans anicroche aux frontiè-
res. Philippe de Boisgrollier évoque
cependant de premières tensions
sur les matières premières venant
d’Espagne et d’Italie ainsi qu’un ris-
que sur les approvisionnements en
encres et solvants nécessaires à
l’impression des emballages.
Cet effort d’adaptation, les indus-
triels doivent l’affronter avec un taux
d’absentéisme de 10 à 20 %. A la hâte,
les industriels ont redoublé de pré-
cautions pour limiter les risques de
contamination et préserver l’effectif.
Dans la plupart des usines, la tempé-
rature des salariés et surtout des
conducteurs de camion est systéma-
tiquement relevée et la gageure fut
de trouver au plus vite les masques
et flacons de gel nécessaires. Ces
enjeux immédiats d’adaptation
accaparent pleinement les indus-
triels de l’emballage, la plupart relé-
guant les projets stratégiques de
long terme, dont les investisse-
ments, à meilleure fortune.n

lLa ruée vers les denrées alimentaires et les produits d’hygiène a en partie compensé l’arrêt brutal d’autres secteurs,


mais les acteurs de l’emballage en carton ont dû faire preuve d’adaptation sur le plan humain et industriel.


lPlus familial, l’achat alimentaire consomme notamment plus de carton.


Le secteur du cartonnage,


en surchauffe, s’adapte au confinement


Emmanuel Guimard
@EmmanuelGuimard
—Correspondant à Nantes


Pâtes, riz, surgelés, pain d’épice... la
ruée vers ces denrées alimentaires a
dopé l’agroalimentaire et elle conta-
mine aussi le secteur de l’emballage.
Le segment du carton plat de con-
ditionnement, lié à l’alimentation et
aussi aux produits l’hygiène, « est en
surchauffe depuis 15 jours même si
l’on assiste à un retour à la normale
après la surconsommation du
début », confirme Philippe de Bois-
grollier, délégué général de CAP,
Fédération française du cartonnage
et des articles de papeterie,qui réunit
500 entreprises en France.
La consommation en famille
démultiplie le nombre d’emballages
par rapport à la restauration hors
domicile, explique ce responsable,
ce qui accroît les volumes demandés
aux industriels du secteur. Ces der-
niers ont, de fait, dû s’adapter rapide-
ment à l’évolution du « mix pro-
duit ». On fabrique notamment
moins de caisses américaines, ces
boîtes standards à rabats utilisées
entre autres pour les déménage-
ments, mais davantage de plateaux
pour fruits et légumes. De même, les
emballages pour sandwichs et sala-
des, consommés par les actifs, ont
décliné au profit de denrées de con-
sommation domestique comme les
pizzas et autres produits surgelés.


Visibilité réduite
« La demande est forte dans l’épicerie
sèche, c’est aussi le cas des boissons,
fruits et légumes, produits laitiers,
viandes, salaisons mais aussi des pro-
duits d’hygiène et de santé », confirme
Gérard Mathieu, directeur marke-
ting et innovation de Smurfit Kappa
France. Ce groupe irlandais, qui
revendique la fabrication d’un
emballage sur quatre en France,
subit en revanche un arrêt presque
total chez d’autres clients dans
l’automobile ou le textile.
L’alimentation ne compense tou-
tefois pas totalement le manque à
gagner dans ces secteurs. Globale-
ment, les 48 usines du groupe fonc-
tionnent à près de 95 %, tempère le
dirigeant observant lui aussi un cer-
tain retour à la normale. Gérard
Mathieu décrit cependant, comme
ses pairs, un contexte de grande
imprévisibilité et des niveaux de
commande particulièrement errati-
ques. Directeur de la cartonnerie


PAYS DE LA LOIRE


Sofpo (Groupe Rossmann) d’Exi-
deuil, en Charente, Christian Barus-
saud décrit lui aussi une visibilité
réduite même si les secteurs bien
portants compensent assez large-
ment ceux dont les commandes ont
cessé. A Cholet, AR Packaging, pro-
priété du suédois AR Packaging

« La demande
est forte dans
l’épicerie sèche,
c’est aussi le cas
des boissons,
fruits et légumes,
produits laitiers,
viandes, salaisons
mais aussi des
produits d’hygiène
et de santé. »
GÉRARD MATHIEU
Directeur marketing
et innovation de Smurfit
Kappa France

On fabrique moins de caisses américaines, ces boîtes standards à rabats utilisées entre autres pour les déménagements, mais davantage de plateaux pour fruits et légumes.

Mike Ellis/Smurfit Kappa Group

PME & REGIONS


Lundi 6 avril 2020Les Echos

Free download pdf