Le Monde - 11.03.2020

(avery) #1

22 |campus MERCREDI 11 MARS 2020


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Ces jeunes qui se lancent malgré tout en politique


Les élus municipaux de moins de 35 ans sont plus diplômés et issus de milieux plus favorisés que la moyenne


lille ­ envoyée spéciale

A


ffirmons­le sans lan­
gue de bois : nous
avons fait la tournée
des bars du Vieux­Lille
à la rencontre de jeunes candi­
dats aux élections municipales.
Qu’ils commandent un thé vert
ou une bière rousse, peu importe
leur couleur politique, notre seul
critère était leur âge, associé à un
statut de « primo­engagé » dans
une campagne.
Rares sont ceux qui franchissent
le pas. Nos jeunes candidats lillois
constituent une part infime et
atypique de la jeunesse française.
Pourquoi ceux­là s’engagent­ils? A
un âge de la vie marqué par des
transitions identitaires fortes, et
face à un « étiolement de l’intérêt
porté par les citoyens à la fonction
de maire », selon les termes de
l’Institut national pour la jeunesse
et de l’éducation populaire (Injep),
pourquoi ceux­là se permettent­
ils d’y croire, malgré tout?
Une vaste enquête sociologique
a été menée en 2019 par l’Injep
auprès des élus municipaux de
18 à 35 ans – qui ne représentent
que 11 % de ces élus en France. Pu­
bliée en février, l’étude, qui se
fonde sur 4 784 réponses, souligne
un vieillissement continu des
maires. La proportion des édiles
de moins de 40 ans est passée de
12 % en 1983 à 4 % en 2014. L’Injep


met surtout en lumière le profil
particulier des jeunes élus muni­
cipaux. Les trois quarts étaient
membres d’une association avant
leur élection, et 80 % d’entre eux
sont « politiquement socialisés »,
c’est­à­dire que leur entourage est
imprégné par la politique ou le
militantisme, de manière plus ou
moins directe. En outre, ils sont
plus diplômés que la moyenne
des jeunes Français (72 % ont un
diplôme supérieur à bac + 2) et que
la moyenne des élus tous âges
confondus. Ils évoluent aussi dans
des milieux plus favorisés : seule­
ment 3 % sont ouvriers, contre
10 % pour l’ensemble des élus et
19 % de la population française.
Clémentine Dupuy, 23 ans, illus­
tre la « sursélection des jeunes élus »
constatée par les auteurs de l’en­
quête, Isabelle Lacroix et Laurent
Lardeux. Coordinatrice régionale
des Jeunes avec Macron (JAM),
cette étudiante en communica­
tion s’affiche en septième position
de la liste La République en mar­
che de Violette Spillebout à Lille.
Avec ses deux parents avocats à
Chartres, Clémentine Dupuy a
toujours parlé de politique à la
maison : son père, longtemps con­
seiller municipal MoDem, était
président d’une association distri­
buant des fournitures scolaires au
Sénégal. Sa mère n’était pas élue
« mais MoDem aussi, et très enga­
gée ». Petite, elle colle des affiches
pour son père et, dès 8 ans, fait par­
tie du conseil municipal des jeu­
nes de sa ville. Installée à Lille pour
ses études, elle est vite séduite par
les idées d’Emmanuel Macron. Elle

lent les nombreux sacrifices en­
gendrés par une campagne. Clé­
mentine Dupuy met en avant une
« excellente organisation pour
réussir à concilier les cours, la poli­
tique et la vie privée ». Elle prépare
son agenda chaque lundi et plani­
fie les verres entre copines deux
semaines à l’avance. La cher­
cheuse Isabelle Lacroix confirme :
« Pendant le mandat, ils sont dans
une forme d’ascétisme juvénile. Le
temps des loisirs s’efface. C’est très
lourd aussi pour la conjugalité.
D’où la revendication des jeunes
d’être mieux payés : on parle du
désintéressement en politique,
mais les conditions matérielles
rendent compliqué l’accès au man­
dat. » Maël Camerlynck affirme
dépenser 500 euros par mois pour
la campagne : « Etre tête de liste, ça
m’apporte surtout des désagré­
ments. Mais je préfère avoir moins
d’argent et faire ce que j’aime. C’est
un choix de vie. »
Les ambitions diffèrent selon les
parcours d’engagement. Elodie
Cloez, 22 ans, cochef de file de la
liste La France insoumise (LFI) à
Lille, se dit « militante avant d’être

candidate ». Etudiante en master
de sciences politiques, après un
DUT dans le secteur du com­
merce, elle voudrait travailler plus
tard dans les quartiers prioritaires
de la ville, dont elle est issue. « J’ai
eu une enfance marquée par la ga­
lère et une maman seule, souvent
au chômage ; je sais ce que signifie
l’injustice sociale. » Lorsqu’elle ar­
rive à la fac en 2017, elle découvre
les circuits militants à travers le
syndicat Solidaires étudiant.e.s.
Son intérêt pour la politique
émerge avec la candidature de
Jean­Luc Mélenchon à l’élection
présidentielle la même année :
« Peu importe qu’il soit vieux et
qu’il ne nous ressemble pas physi­
quement, assume cette adepte de
ses meetings retransmis sur You­
Tube. Il avait un discours fort, cli­
vant, j’avais l’impression que tout
pouvait changer, que le monde al­
lait s’envoler. »

« Un LinkedIn de la vraie vie »
Contrairement à Clémentine Du­
puy, qui souhaite devenir conseil­
lère en communication politique
et voit dans cette campagne « un
tremplin pour sa carrière profes­
sionnelle, un LinkedIn de la vraie
vie », Elodie Cloez évoque plutôt
une « prise de risques » – son affi­
liation à LFI étant susceptible de
« déranger de futurs employeurs ».
Issus de la société civile ou de
partis politiques traditionnels, ha­
bités par le désir de faire carrière
ou arrimés à un projet local, les
jeunes candidats mettent en
avant une meilleure connaissance
des enjeux numériques et une

plus grande liberté de parole que
leurs aînés. Leur jeunesse joue
tantôt comme un argument de
campagne, tantôt comme un han­
dicap. Toutefois, selon Anne
Muxel, directrice de recherches à
Sciences Po (Cevipof) et auteure
de Politiquement jeune (Editions
de l’Aube, 2018), ce n’est pas parce
qu’un candidat est jeune qu’il atti­
rera le vote de sa génération.
« En 2017, les jeunes ont plus voté
pour Mélenchon, 65 ans, que pour
Macron, 39 ans. Ce qui compte
pour eux, c’est que les enjeux aux­
quels ils croient, notamment envi­
ronnementaux, soient défendus. »
Pour Mélissa Camara et Gré­
goire Gaonach, il y avait urgence.
Propulsés en un temps record du
monde associatif au jeu électoral,
ils ont intégré la liste lilloise d’Eu­
rope Ecologie­Les Verts. Le rap­
port du GIEC sur le réchauffe­
ment planétaire est leur bous­
sole. « Il nous reste dix ans pour
agir, c’est maintenant ou jamais.
On a encore plein d’énergie et
d’idéaux : qu’on nous passe le
flambeau! », lance Mélissa Ca­
mara, militante féministe de
28 ans, diplômée d’un master en
action humanitaire. Son cama­
rade Grégoire Gaonach, 24 ans,
étudiant en école d’ingénieurs,
lutte au quotidien pour une autre
approche du travail, sachant déjà
qu’il se coupera un jour du
monde politique. Il rêve d’avoir
un jardin en permaculture et un
mode de vie « alternatif, plus
simple et plus lent ». Pour, enfin,
concrétiser ses idées.
léa iribarnegaray

« En quatre ans
de militantisme,
j’ai bien
plus appris
qu’en cours »
CLÉMENTINE DUPUY
coordinatrice régionale
des Jeunes avec Macron

rejoint les JAM début 2016. « En
quatre ans de militantisme, j’ai bien
plus appris qu’en cours. J’étais terro­
risée à l’idée de faire un exposé de­
vant un groupe de 20 élèves.
Aujourd’hui, je suis capable de dé­
battre devant 400 personnes. »
Reste que plus un candidat est
jeune, plus on lui demande de
faire ses preuves. Pour les jeunes
élus, le poids des diplômes ou de
la réussite professionnelle « se
trouve renforcé, pour combler leur
déficit d’expérience militante, de
notoriété ou d’identité locale », dé­
taille l’Injep. C’est pourquoi ceux
qui se lancent sont le plus souvent
« surdotés scolairement et profes­
sionnellement », mais aussi « hy­
persocialisés politiquement ».

« Ascétisme juvénile »
A l’inverse, Maël Camerlynck,
28 ans, chef de file d’En avant Rou­
baix (divers droite), n’est pas du
sérail. Ses parents sont ouvriers. Si
sa famille vote à droite, Maël reste
le premier des Camerlynck à se
lancer en politique. Il prend sa
carte à l’UMP en 2012, à 20 ans. Son
engagement, il l’attribue à la fi­
gure de Nicolas Sarkozy : « J’ai
aimé l’homme dynamique qu’il re­
présentait. Quand on est un gar­
çon, il faut bien se trouver un mo­
dèle », se souvient le Roubaisien,
cravate serrée, boutons de man­
chettes et montre connectée au
poignet, qui s’est fait « virer » du
parti Les Républicains (LR) après
avoir « fricoté » avec le Rassemble­
ment national (RN).
Qu’ils soient derniers ou tête de
liste, ces jeunes candidats rappel­

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