Le Monde - 11.03.2020

(avery) #1

30 |


styles


MERCREDI 11 MARS 2020

0123


aides à la


conduite,


le trop­plein?


Elles gèrent la circulation en


accordéon ou signalent la présence


d’un véhicule dans l’angle mort...


Mais si ces assistances au volant,


qui se multiplient désormais,


sont utiles pour les uns, elles ne sont


que des gadgets pour les autres


AUTOMOBILE


Q


uatre ou cinq étoiles,
c’est au choix. La
toute nouvelle Peu­
geot 2008 peut être
commandée sans la
note maximale accordée par Euro
NCAP, le programme européen
d’évaluation du niveau de sécurité
des véhicules. La différence entre
les deux appréciations, précise le
constructeur, tient à la présence
d’un radar dans le bouclier avant
« capable d’améliorer la détection
d’un piéton ou d’un cycliste en con­
ditions de circulation nocturne ou
par épais brouillard ». Cet équipe­
ment, dont l’absence réduit
d’autant le prix d’achat du véhi­
cule, peut être choisi en option
dans un « pack sécurité », facturé
1 250 euros, et sera disponible, seul,
à partir de l’été, au tarif de
500 euros. D’autres systèmes anti­
collisions (susceptibles, entre
autres, de détecter la présence de
cyclistes ou de piétons dans des
conditions moins dégradées)
équipent, par ailleurs, la 2008.
Comme c’est déjà le cas pour les
modèles économiques, il n’est
donc plus question de chercher
par principe à décrocher la
meilleure appréciation de l’Euro­
pean New Car Assessment Pro­
gram (Euro NCAP), structure indé­
pendante soutenue par les gouver­
nements européens et des organi­
sations de consommateurs. La
décision de Peugeot, manière dis­
crète mais délibérée de renverser
un totem, pose ouvertement la
question du rapport coût­effica­
cité des aides à la conduite pro­
gressivement devenues incon­
tournables à bord des modèles de
dernière génération. Actualisé à
intervalles rapprochés, le barème
permettant de décrocher la sacro­

sainte cinquième étoile dépend de
la présence de ce que l’on regroupe
sous l’acronyme d’ADAS (advanced
driver­assistance systems).
Prémices de la voiture auto­
nome de demain, ces aides à la
conduite simplifient la vie de
l’automobiliste d’aujourd’hui. El­
les gardent sa voiture dans la
bonne voie, gèrent la circulation
en accordéon, maintiennent une
distance de sécurité variable sur
autoroute, signalent la présence
d’un véhicule dans l’angle mort
du rétroviseur ou pallient ses sau­
tes d’attention en déclenchant un
freinage d’urgence.
Ces prestations représentent des
investissements considérables de
la part des constructeurs, lancés
dans une course que d’aucuns
commencent à trouver un peu
trop échevelée. « Si le restylage ex­
térieur de notre dernier modèle
s’est fait au minimum, c’est à cause
des moyens absorbés par les nou­
velles assistances à la conduite.
L’essentiel du budget y est passé »,
relève le patron du design d’un
constructeur.
Au­delà du poids que l’arsenal
des ADAS pèse sur le prix des mo­
dèles de grande diffusion – un
éventail complet peut coûter plus
de 3 000 euros –, les experts s’in­
terrogent sur l’usage qui en est fait.
Une étude de l’Institut Megacities
parue il y a un an faisait apparaître
que le freinage d’urgence était plé­
biscité, mais l’aide au parking bou­
dée. Les automobilistes ont­ils
vraiment l’usage de ces équipe­
ments, qualifiés de « gadget » par
les plus réticents, et auxquels des
chercheurs reprochent de favori­
ser les pertes de vigilance au vo­
lant, phénomène très perceptible
sur autoroute? Les marques con­
naissent la réponse mais refusent
de lever le voile, trop jalouses de

leurs données. Chez BMW, on indi­
que que la moitié des acquéreurs
du X5, un modèle apprécié des
gros rouleurs, choisissent le sys­
tème Drive Assist Pro, qui peut as­
surer une fonction de « copilote ».
Mais la maison bavaroise précise
que ce qui touche à la fréquence de
sollicitation des aides à la conduite
relève du confidentiel.

De coûteux radars
Les assureurs ont mené leurs éva­
luations des ADAS. « Nous n’obser­
vons pas d’impact majeur sur la si­
nistralité mais il apparaît que les
aides à la conduite – en particulier
le freinage automatique en ville et
le régulateur de vitesse adaptatif –
réduisent le nombre d’accidents en
responsabilité », constate François
Nedey, directeur technique et pro­
duits d’assurances chez Allianz,
première compagnie à avoir intro­
duit une tarification avantageuse
aux conducteurs de véhicules do­
tés d’ADAS.
Financièrement, l’opération est
neutre car l’avantage constitué par
la baisse des sinistres est com­
pensé par le prix des réparations.
Après un choc, il faut réhabiliter

ou remplacer les coûteux radars et
caméra intégrés à la carrosserie et
au pare­brise mais aussi réaliser
leur calibrage, ce qui revient pres­
que aussi cher. Selon François
Nedey, on a sans doute atteint un
palier en matière de diffusion de
« ces équipements que les clients
n’ont jamais demandé et qui sont
devenus une forme d’obligation au
point que certains préfèrent les dé­
sactiver ». Bref, hormis le freinage
d’urgence et le maintien en ligne,
les ADAS ne trouvent pas vraiment
grâce aux yeux des assureurs.
Concepteurs et fournisseurs
d’aides à la conduite, les équipe­
mentiers en dressent un bilan
beaucoup plus positif. « Les gens
utilisent les ADAS. En fait, ceux qui
ont opté pour le parking automati­
que s’en équipent de nouveau lors­
qu’ils changent de voiture », certifie
Guillaume Devauchelle, directeur
de l’innovation chez Valeo. « Cha­
que vague d’innovation – on a pu le
vérifier lors de l’introduction de
l’ABS, par exemple – suscite des réti­
cences dans un premier temps,
mais aujourd’hui le débat porte
moins sur l’intérêt des ADAS que
sur leur compréhension par le

grand public, qu’il faut faire pro­
gresser », estime­t­il. Selon lui, « le
marché mondial, qui atteint 12 mil­
liards d’euros, va quadrupler d’ici
2030 ». Il est vrai que l’Europe va
rendre obligatoires un nombre
croissant de ces équipements.
Au centre d’une controverse née
dès leur apparition, les assistances
à la conduite, qui peuvent rendre
les conducteurs trop confiants,
mais aussi contribuer à protéger
les usagers de la route les plus vul­
nérables, ont quelque chose d’émi­
nemment ambivalent. Dans la
même journée, on aura pesté con­
tre ces petits coups de volant in­
tempestifs déclenchés par le « co­
pilote » pour vous remettre au
centre de la voie alors que l’on se
déporte sur la droite pour laisser
passer une moto. Ou maugréé
après un freinage intempestif pro­
voqué par une barrière de parking
un peu trop lente à se relever. On
aura aussi apprécié le créneau im­
peccable exécuté sans avoir bougé
le petit doigt, mais aussi le signal
d’alerte bienvenu, capté alors que
l’on effectuait une marche arrière
sans trop de visibilité.
jean­michel normand

DANS LA MÊME JOURNÉE, 


ON AURA PESTÉ CONTRE 


CES PETITS COUPS DE 


VOLANT INTEMPESTIFS 


DÉCLENCHÉS PAR LE 


« COPILOTE ». ON AURA 


AUSSI APPRÉCIÉ


LE CRÉNEAU IMPECCABLE 


EXÉCUTÉ SANS AVOIR 


BOUGÉ LE PETIT DOIGT


Diesel un jour, diesel toujours


Si Volkswagen se convertit à l’électrique, il n’abandonne pas pour autant le diesel. Meilleure preuve : sa nouvelle Passat TDI


M


algré l’opprobre né du
« dieselgate » de 2015
et la catastrophe in­
dustrielle que ce scandale a dé­
clenchée, les conflits juridiques à
couteaux tirés avec les organisa­
tions de consommateurs et les
pouvoirs publics des deux côtés
de l’Atlantique, les milliards déjà
dépensés en frais de justice et
en condamnations, Volkswagen
n’abjure pas sa foi dans le diesel.
Sans doute le groupe automobile
allemand – redevenu en 2019 nu­
méro un mondial – s’est­il con­
verti avec force trémolos à la mo­
bilité électrique. Mais il ne fait
pas partie de ceux qui, à l’image
de Volvo, Fiat, Toyota, Smart ou
Porsche, qui fait pourtant partie
du groupe VW, ont annoncé

qu’ils allaient cesser de vendre
des modèles diesel.
Alors que la part de ce carburant
a plongé de moitié en sept ans,
pour chuter à 34 % des immatri­
culations en France, la maison de
Wolfsburg affiche un taux de dié­
sélisation de 41 %, en progression
d’un point en 2019. La marque ne
le claironne pas, mais elle consi­
dère que le crépuscule du diesel
devra encore attendre. Signe de
cet engagement, elle vient de
commercialiser un procédé de
dépollution inédit. Un an après
avoir généralisé un nouveau sys­
tème de traitement des gaz
d’échappement à travers toute sa
gamme diesel, Volkswagen a ins­
tallé à bord de la version dotée du
TDI 2 litres de 150 ch de la nouvelle

Passat la technologie du « double
dosage ». Suivra, dans quelques
mois, la dernière génération de la
Golf. Ce principe de système de
dépollution baptisé Evo consiste
à injecter non plus une mais deux
rations d’AdBlue (solution com­
posée d’eau et d’urée) dans
l’échappement afin de réduire les
rejets de NOx (oxydes d’azote)
qui, avec les particules, rendent le
diesel dangereux pour la santé.
Ce procédé a nécessité l’installa­
tion, en aval, d’un deuxième cata­
lyseur dans le soubassement du
véhicule afin de traiter de nou­
veau les gaz d’échappement mais
à une température plus basse. Se­
lon la marque, on peut ainsi ré­
duire de 80 % la quantité de NOx
et répondre à l’objection selon la­

quelle les diesels modernes
étaient capables de limiter dans
des proportions spectaculaires
leurs émissions de CO 2 mais con­
tinuaient de cracher toujours
autant d’oxydes d’azote. La clien­
tèle désignée est celle des gros
rouleurs et des véhicules de so­
ciété qui avalent les kilomètres
sur route et autoroute et considè­
rent que le diesel demeure la solu­
tion la plus économique.

Ronronnements à l’accélération
En version Evo, la Passat ne se
prend pas pour autre chose que ce
qu’elle est : un gros diesel destiné
à ceux qui roulent beaucoup, en
particulier à bord de véhicules de
société. A son volant, surtout s’il
s’agit de la version break (SW), on

renoue au fil des kilomètres avec
des sensations que la déferlante
des nouveaux modèles hybrides
voire électriques a largement es­
tompées. Le petit temps de ré­
flexion que prend le moteur
avant de démarrer à froid, les ron­
ronnements à l’accélération, la
souplesse de la mécanique et
l’autonomie de plus de 1 000 km
entre deux pleins restituent l’am­
biance de conduite, plutôt pé­
père, plébiscitée dans les années


  1. Lorsque gouvernements
    voire défenseurs de l’environne­
    ment ne trouvaient rien à redire
    au fait que les trois quarts des voi­
    tures neuves fassent leur plein en
    mazout.
    Nostalgie du diesel? Voilà une
    pensée à la limite du scabreux, le


type d’aveu qui, aujourd’hui, ris­
que de jeter un froid autour de la
machine à café comme dans un
dîner familial. Compris entre
39 000 et 50 000 euros selon la
version, le prix réclamé pour la
confortable et flegmatique Passat
diesel Evo a tôt fait de ramener à
la réalité. Il est en hausse de
1 000 euros pour un impact
inexistant sur la consommation
et une mise en conformité avec
les prochaines normes antipollu­
tion, mais pas au­delà. Ce n’est
pas la technologie du diesel à pro­
prement parler, qui est condam­
née à terme, mais le coût, qui va
croître de façon exponentielle,
que réclame son adaptation à la
réglementation.
j.­m. n.

CHEZ GERTRUD
Free download pdf