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RENDEZ-VOUS
LE MONDE·SCIENCE & MÉDECINE
MERCREDI 11 MARS 2020
LES PERLES
D’AUTRUCHES, LIANT
PRÉHISTORIQUE
Dans le désert du Kalahari, en
Afrique australe, les membres de
la communauté Ju/’hoãn, répar-
tie en petits groupes nomades,
maintiennent aujourd’hui encore
des liens à travers le « hxaro »,
un système d’échange de biens
différé et égalitaire, distinct du
troc. Il n’est pas impossible que
ce type de liant social ait une ori-
gine préhistorique : c’est ce que
suggère l’étude des perles tirées
de coquilles d’œufs d’autruche
datant de 59 000 à 25 000 ans,
retrouvées dans des grottes de
hauts plateaux du Lesotho. Joel
Blum et ses collègues de l’univer-
sité du Michigan décrivent dans
PNAS du 10 mars avoir constaté
que les niveaux de certains
isotopes de strontium dans ces
coquilles correspondaient aux
concentrations observées sur les
lieux de reproduction de l’oiseau,
parfois distants de plusieurs
centaines de kilomètres. A l’âge
de pierre, ces bijoux pouvaient
donc circuler sur de longues dis-
tances, témoignant de contacts
élargis parmi les populations
de chasseurs-cueilleurs.
(PHOTO : COURTESY OF Y. ZHAO AND THE UNI-
VERSITY OF MICHIGAN MUSEUM OF ANTHRO-
POLOGICAL ARCHAEOLOGY/J.K.MEYER)
E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2020 [email protected]
Les entiers au centre
Alice et Bob échangent autour du centre de gravité d’un triangle.
« Tu sais, c’est l’intersection de ses médianes. Si on se place dans un repère, son abscisse est la moyenne des abscisses
de ses trois sommets, son ordonnée la moyenne des ordonnées de ses trois sommets.
- Si les coordonnées (abscisse et ordonnée) des sommets sont des nombres entiers, cela n’est pas toujours le cas
pour le centre de gravité. - Non, mais si on considère 13 points dont les coordonnées sont entières et dont 3 quelconques ne sont pas alignés,
il en existe forcément 3 qui forment un triangle dont le centre de gravité a des coordonnées entières. »
- Sauriez-vous prouver cette assertion?
2.Quel est le plus petit nombre de points à coordonnées entières parmi lesquels on est sûr d’en trouver trois
dont le centre de gravité est à coordonnées entières?
Solution du problème 1135
- Bob peut marquer au maximum 1 point.
Si adivise b, les deux nombres suivants sont encore aet b:
Bob ne marque pas de point. Dans le cas contraire,
d(pgcd) et m(ppcm) sont différents de aet b: Bob
marque un point. Mais ddivisant m, les deux nombres
suivants seraient encore det m, ce qui arrête la partie. - Alice peut marquer au maximum 10 points.
On part de 5 nombres. Lors du premier tour, aet bse
transforment en a’et b’avec a’diviseur de b’. Si on trans-
forme b’en l’associant à un autre nombre, l’un des deux
nombres obtenus est un multiple de b’, donc de a’. Et si
on transforme a’, l’un des deux nombres obtenus est un
diviseur de a’, donc de b’. Ainsi, l’un des descendants de
ane pourra plus jamais être associé à l’un des descen-
dants de b. Alice marquera donc au plus 1 point par duo
{a, b}. Le nombre de duos {a, b} parmi cinq nombres étant
10, le nombre de points marqués par Alice est au plus 10. - {16, 24, 36, 54, 81} permet d’atteindre 10 points.
Voici la suite obtenue, où les nombres effacés à chaque
étape sont en rouge : {16, 24, 36, 54, 81}, {8, 48, 36, 54, 81},
{8, 12, 144, 54, 81}, {8, 12, 18, 432, 81}, {8, 12, 18, 27, 1296},
{4, 24, 18, 27, 1296}, {4, 6, 72, 27, 1296}, {4, 6, 9, 216, 1296},
{2, 12, 9, 216, 1296}, {2, 3, 36, 216, 1296}, {1, 6, 36, 216, 1296}.
Une piste pour trouver une configuration optimale :
remarquer que pour chaque facteur premier d'un duo
effacé, la plus petite puissance va au pgcd, la plus grande
au ppcm. Il devra donc exister un nombre premier, ici 2,
dont quatre puissances différentes sont utilisées.
LES MATHS AU FÉMININ
À NANCY LE 26/03
« Les vocations mathématiques féminines,
un parcours de combattantes ». Lors d’une
conférence du cycle « Sciences et Société »,
à 20 h 30 à l’IUT Nancy-Charlemagne,
le mathématicien belge Jean Mawhin
évoquera les destins d’Emilie du Châtelet,
Sophie Germain et Emmy Noether, retraçant
les difficultés rencontrées par les femmes
pour assouvir leur passion des mathéma-
tiques. Il décrira la ténacité, le courage et
même la ruse dont elles ont dû faire preuve.
Il montrera aussi que les propos machistes
n’ont pas forcément décru avec le temps.
Informations sur http://www.iecl.univ-lorraine.fr
LE DERNIER THÉORÈME DE FERMAT
À PARIS JEUDI LE 02/04
Au Kafemath, à 20 h à « La Coulée Douce »
(Paris 12e), Hervé Steve retracera le parcours
hors normes de l’énoncé et de la preuve du
théorème passé à la postérité sous le nom
de « dernier théorème de Fermat ». Enoncé
par Pierre de Fermat en 1621, sous la forme
« Impossible de partager un cube en deux
cubes, un bicarré en deux bicarrés, soit en
général une puissance quelconque supé-
rieure au carré en deux puissances de même
degré », ce théorème mythique a attendu
plus de trois siècles sa démonstration, éta-
blie par Andrew Wiles en 1994.
Informations sur http://www.kafemath.fr
LA CARTOGRAPHIE
À PARIS LE 03/04
Au Café des Techniques du musée des Arts et
Métiers, à 18 h 30, Sylvain Latarget parlera
des « Nouveaux enjeux de la cartographie
d’aujourd’hui ». Cette science, où les mathé-
matiques jouent un grand rôle, permet une
représentation des espaces et constitue un
moyen de contrôle et d’action. Le conférencier
rappellera l’évolution des outils disponibles,
des premières cartes établies par les Egyptiens
pour gérer les crues du Nil aux nouvelles
techniques d’acquisition des données
géographiques et aux logiciels de traitement
graphique. Inscription recommandée.
Infos sur http://www.arts-et-metiers.net
N° 1136
DIX MILLE PAS ET PLUS
L’ACTIVITÉ PHYSIQUE, ALLIÉE DES MIGRAINEUX
Par SANDRINE CABUT
L
imiter sa pratique physique et sportive pour
s’éviter une migraine, ou bien bouger réguliè
rement pour réduire la fréquence des crises et
améliorer sa qualité de vie? Les liens, complexes,
entre activité physique et migraines sont de mieux
en mieux cernés, et font désormais pencher la
balance en faveur d’un rôle bénéfique d’une activité
régulière visàvis de ces affections neurologiques,
qui touchent de 10 % à 12 % de la population, parmi
les plus handicapantes.
A l’échelle individuelle, il est bien connu que la
pratique sportive peut induire des crises chez cer
tains migraineux. « Les migraines déclenchées par
l’effort peuvent être favorisées par plusieurs fac
teurs : une déshydratation, l’intensité et la durée de
l’effort, un environnement confiné », précise la neu
rologue Caroline Roos, responsable du centre d’ur
gence céphalées (hôpital Lariboisière, Paris). Par
ailleurs, le fait qu’une crise de céphalée soit aggra
vée par l’activité physique de routine (par exemple
marche ou montée des escaliers) ou entraîne son
évitement fait partie intégrante des critères de
diagnostic de migraine. « C’est l’un des signes qui
permet de distinguer la migraine des céphalées de
tension, ces dernières pouvant être soulagées par
l’effort », poursuit Caroline Roos. Inversement, cer
tains migraineux réussissent à faire avorter leurs
crises par une séance sportive débutée au moment
de l’aura ou des premiers symptômes.
Quid des effets d’une activité physique pratiquée
plusieurs fois par semaine sur la fréquence des crises
de migraine, leur intensité, la qualité de vie...? Ces der
nières années, plusieurs revues de la littérature (syn
thèses des données scientifiques disponibles) ont été
consacrées aux liens entre migraines et activité physi
que, dont celle publiée en 2018 par une équipe euro
péenne dans The Journal of Headache and Pain.
Un certain nombre d’études épidémiologiques
d’observation, portant sur des dizaines de milliers
de personnes, y sont recensées, qui constatent que
la prévalence des migraines (et d’autres types de
céphalées) est plus élevée que la moyenne dans des
groupes de population qui pratiquent peu d’acti
vité physique, alors qu’elle est plutôt faible chez les
personnes qui font beaucoup d’exercice. Ce type
d’études ne permet cependant pas de conclure si
l’inactivité physique est la cause ou la consé
quence des migraines.
Plus solides sont les études dites d’intervention,
comparant les effets de divers programmes d’acti
vité physique à une autre prise en charge au long
cours chez des patients. L’équipe de Roy Latouche
Arbizu (Madrid) a ainsi identifié dix essais, incluant
au total quelque 500 personnes, explorant l’effet
d’exercices en aérobie chez des migraineux (Scandi
navian Journal of Medicine & Science in Sports,
janvier). La plupart des études d’intervention
concluent qu’une activité de faible intensité et régu
lière (trois fois par semaine) peut diminuer le nom
bre de crises de migraine, leur intensité et leur
durée. Ces bénéfices pourraient s’expliquer par la
sécrétion pendant l’effort de substances comme les
bétaendorphines (dont le niveau serait plus bas
chez les migraineux), de précurseurs des endocan
nabinoïdes (impliqués dans la douleur)...
« Les études disponibles suggèrent un effet positif
de l’activité physique chez les migraineux, mais elles
sont encore peu nombreuses et portent souvent sur
de petits effectifs. Le niveau de preuve est encore
faible », résume le Caroline Roos. En pratique, elle
recommande à ses patients de privilégier le sport
qui les motive le plus (à l’exception de ceux in
cluant des chocs directs, qui restent déconseillés),
afin de tenir dans la durée. Des clés pour, migrai
neux ou non, profiter au mieux des bienfaits de
l’exercice physique.
AFFAIRE DE LOGIQUE – N° 1 136
ZOOLOGIE
L
a lumière bleue est devenue un sujet de
recherche à part entière. Ses méfaits
sur le sommeil ou ses atteintes sur
notre rétine se révèlent peu à peu aux cher
cheurs. Découvrironsnous un jour qu’elle
peut faire luire certains d’entre nous? Dans
d’autres segments du règne animal, la fluo
rescence semble, en tout cas, la règle. Deux
chercheurs de l’université d’Etat de Saint
Cloud (Minnesota) viennent ainsi de montrer
qu’exposés aux rayons UV et, surtout, à la
lumière bleue, la plupart des grenouilles, tri
tons et salamandres brillaient. L’article qu’ils
ont publié le 27 février dans Scientific Reports
n’offre pas que des images saisissantes : il met
en lumière l’étendue de ce phénomène.
Jusqu’ici, briller dans la nuit semblait large
ment réservé aux animaux des abysses. La
bioluminescence, cette capacité à produire de
la lumière à partir d’une réaction chimique
interne, y est ordinaire. A produire, puis à dé
tecter, comme en témoignent les yeux excep
tionnels de la dirette argentée.
Plus haut vers la surface, méduses, crusta
cés, poissons (requins, raies...) profitent sou
vent d’un autre phénomène : la fluorescence.
Cette fois, il ne s’agit pas de créer de la lumière
mais d’en absorber les rayons à haute énergie
(UV, bleus) pour réémettre un peu plus bas
sur le spectre, dans le vert, le jaune, le rouge...
Une technique utilisée, ça et là, par certains
insectes, araignées, scorpions, oiseaux.
Longtemps, les amphibiens sont restés dans
l’ombre de cette grande fête lumineuse. Mais
en 2017, Hypsiboas punctatus a poussé la porte
du club. Des chercheurs argentins ont montré
qu’éclairée par des rayons UV, la petite gre
nouille brune à pois rouges brillait d’un bleu
éclatant. Les batrachologues du monde entier
ont répété l’expérience, mais seules deux
autres espèces ont paru réagir positivement.
32 espèces testées
Jennifer Lamb et Matthew Davis ont voulu
conduire cette recherche plus systématique
ment. Et étendre leur examen à la lumière
visible bleue. « Matthew avait observé le phé
nomène chez des animaux marins, on a voulu
l’étendre », raconte Jennifer Lamb, maîtresse
de conférences à l’université d’Etat de Saint
Cloud. Intuition féconde : exposées à cette
longueur d’onde (440460 nm), les 32 espèces
testées ont, à des degrés divers, émis une lu
mière verte fluorescente. Et trois d’entre elles
ont répondu à l’éclairage par des UV.
Chez les salamandres et les tritons, spécia
lité de Mme Lamb, le phénomène paraît pres
que général puisque huit des dix familles qui
composent ce clade ont été passées en revue.
L’herpétologue admet avoir éprouvé un coup
de cœur en découvrant, grâce au filtre de l’ap
pareil photo, les points fluo de la salamandre
tigrée. Mais les rayures luisantes de la gre
nouille cornue de Cranwell ou le disque lumi
neux sur le cloaque des gymnophiones (des
amphibiens sans pattes) Typhlonectes natans
méritent aussi le coup d’œil, assuretelle.
Quel avantage évolutif ces espèces peuvent
elles bien y avoir trouvé? « Nous n’en sommes
pas bien sûrs, avoue Jennifer Lamb. Chez cer
tains poissons, ça semble servir de camou
flage. Chez des oiseaux, ça permet d’attirer des
partenaires. Des insectes semblent s’en servir
pour communiquer. Les amphibiens utilisent
peutêtre la fluorescence d’une de ces façons,
ça sera l’objet de travaux ultérieurs. »
Les chercheurs ont déjà pu établir que l’œil
des amphibiens peut filtrer les longueurs
d’onde et ainsi repérer ce vert luisant. Ceux de
certains de leurs prédateurs aussi, sans doute.
Estce la raison pour laquelle les salamandres
brillent surtout sur leur face antérieure? A
l’inverse, comme certains tritons qui expo
sent leur ventre vif pour effrayer leurs adver
saires, certains ontils trouvé là un avertis
seur nocturne? Scientifiques, au travail !
nathaniel herzberg
Des amphibiens
brillants
Une grenouille cornue de Cranwell, après
exposition à la lumière bleue. J. LAMB & M. DAVIS