Libération - 07.03.2020

(Darren Dugan) #1

Libération Samedi 7 et Dimanche 8 Mars 2020 u 35


Sortie dans sa
version intégrale
du deuxième long
métrage de Clive
Barker, collègue
gore et punk de
Stephen King.
Une ode
à la différence
avec une galerie
de monstres en mal
d’intégration.


S


tephen King
avait salué
Clive Barker
comme «le fu-
tur de l’horreur»
dans les
années 80 : ce Britannique
multicarte avait en effet
beaucoup d’ambitions. Avec
les Livres de sang (1984), il fut
un digne représentant du
splatterpunk (mouvement
littéraire horrifique très ex-
plicite, gore et punk dans sa
description de la violence),
écrivait du théâtre, illustrait
lui-même ses romans et se
piquait de faire du cinéma
avec son premier long Hell -
raiser
(1987). Un classique
instantané, exemplaire de
l’imagerie gothique-queer de
Barker : le monstre, sur-
nommé Pinhead, est un
genre de démon SM en jupe
de cuir, la tête couturée
d’épingles. De nos jours, tan-
dis que King est adapté à tou-
tes les sauces sur les écrans
( Doctor Sleep, Ça, la série The
Outsider
), le nom de Barker
évoque plus un fugace effet
de mode que l’avenir an-
noncé. Et, contrairement à
son thuriféraire américain
plus soluble parce que plus
quotidien, l’univers du Bri-
tannique est moins accessi-
ble, avec ses échappées vers
la fantasy. Son second long
Cabal (1990), ou Nightbreed
en anglais, est un curieux ob-
jet typique de son auteur,
produit à Hollywood, qui re-
nâclera au final devant le
produit fini et le fit remonter
avec quarante minutes en
moins. C’est le director’s cut
que l’on découvre enfin ici,
plus conforme à la vision de
Barker qui voulait faire le
Star Wars du film d’horreur :


DVD / «Cabal»,


et les bêtes


Cabal louche plus vers le Re-
tour du Jedi que l’Empire
contre-attaque, avec une ga-
lerie de créatures monstres
old school (maquillages, ma-
rionnettes) qui prend le pas
sur l’intrigue – une Orphée
chanteuse de rock allant
chercher son fragile Eury-
dice, façon James Dean en
perfecto qui rêve d’une cité
souterraine où tous les mons-
tres seraient acceptés.
Corps difformes, têtes cor-
nues, visages scarifiés, écor-
chés mais aussi poudrés ou
planqués sous des lunettes
de soleil : le bestiaire fabu-
leux de Barker est une ode à
la différence, folle et gratuite
(certains monstres ne font
qu’une apparition de quel-
ques secondes). La présence
à la musique de Danny
Elfman, compositeur fétiche
de Tim Burton, renforce une
filiation avec le réalisateur
d’ Edward aux mains d’ar-
gent, sorti la même année.
Mais cet autre amoureux plus
lunaire des freaks n’aurait ja-
mais osé les scènes de massa-
cre de monstres, au fusil et au
lance-flammes, par des flics
forcément plus monstrueux
car humains.

Déroulé comme un rêve,
feuilleté comme un carnet de
portraitiste plus attaché aux
gros plans qu’aux grands es-
paces, Cabal a plus de points
communs avec un autre film
contemporain au grotesque
onirique, Total Recall de
Paul Verhoeven, où il s’agis-
sait aussi de freaks attendant
leur libérateur. Peut-être
rêve-t-on ce raccord avec
cette adaptation de Philip
K. Dick. Ou pas. Dans Cabal,
le grand méchant est un psy-
chiatre serial killer en cos-
tume cravate, la tête mas-
quée par un sac, les yeux
couverts par des boutons. Un
no look d’oppresseur en con-
traste avec la flamboyance
générale. Le personnage
s’appelle Philip K. Decker.
Autre bonne raison de revoir
Cabal, il a le détachement
ironique, la voix ridicule-
ment douce d’un autre dres-
seur de monstres cinémato-
graphiques qui devait
initialement réaliser Total
Recall : David Cronenberg.
LÉO SOESANTO

CABAL
de CLIVE BARKER
Blu-Ray et DVD, éd. ESC. File ton freak. PHOTO ESC DISTRIBUTION

Quelques mois après que Jordan Peele eut mollement
ressuscité la Quatrième Dimension, c’est Steven Spielberg
qui se colle (en tant que producteur exécutif) à Amazing
Stories, en relançant cette série anthologique des
années 80 pour le compte d’Apple TV +. Si l’on prend The
Cellar pour une déclaration d’intention, ce qu’est chaque
pilote de série, il faudra s’attendre à beaucoup de grandes

émotions et à des portes ouvertes fracassées dans tous les
sens. En lieu et place des «miracles et des possibles» promis
par la série, on a droit à une histoire d’amour à travers
le temps délicieusement réac. Un affreux millennial se
retrouvant expédié au début du XXe siècle et y découvrant
l’amour véritable, loin des swipes et de l’inconséquence
d’une jeunesse trop connectée. Au secours. PHOTO APPLE TV

SÉRIE AMAZING STORIES

EN SALLE LE 4 MARS

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