Libération - 07.03.2020

(Darren Dugan) #1

36 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Samedi 7 et Dimanche 8 Mars 2020


Jeu / «World of Horror», attention ça glitch


C’


est un symbole heureux de
la mondialisation : s’embal-
ler pour un jeu édité par
une microentreprise d’Asie
du Sud-Est au nom gallois et développé par
un Polonais avec lequel on partage un amour
immodéré pour un auteur de bande dessinée
japonais... World of Horror est une messe
noire, un autel dressé en l’honneur de Junji
Ito, mangaka qui terrifie ses lecteurs à coups
de spirales et de jeune fille maniaque depuis
près de trente ans. Assumé dans chacun de
ses plans, cet hommage vaut d’abord pour son
parti pris esthétique, l’univers détraqué de Ito
étant revisité à travers un minimalisme gra-
phique très années 80, façon Macintosh. Le
jeu se déploie en tableaux à la bichromie bru-
tale (rouge-noir, bleu-noir) qui saturent la ré-
tine. Attirante et repoussante à la fois, la plas-
tique du jeu est d’autant plus magnétique que
le développeur, Pawel Kozminski, agite ses
images de quelques animations minimales,
ses monstres étant pris de spasmes étranges
tandis que, derrière, le décor est secoué par
des glitchs coulants.
World of Horror prend la forme d’un jeu
d’aventures dans lequel il s’agit de résoudre

cinq affaires mystérieuses pour libérer une
petite cité côtière japonaise de l’emprise d’une
force surnaturelle. Des enquêtes à résoudre
fissa afin de maintenir un fragile équilibre en-
tre jauges de santé, de force et de raison, cha-
que malencontreuse rencontre rapprochant
le personnage de l’asile. D’une nuit passée
dans une auberge hantée à un ramen maudit,
le jeu brille tellement dans sa façon d’établir
une atmosphère «J-Horror» qu’on lui par-
donne sans rechigner la trop grande rigidité
de ses mécaniques ou l’accumulation parfois
confuse de systèmes. World of Horror est d’au-
tant plus vicieux que la version qu’on a pu fré-
quenter était percluse de bugs et qu’il y a fort
à parier qu’il en sera encore ainsi pour un petit
moment. Sans date de sortie officielle, il est
disponible en accès anticipé, c’est-à-dire dans
une version de travail payante (ce qui offre de
l’air aux développeurs indépendants), dans la-
quelle les joueurs sont invités à nourrir le jeu
de leurs retours.
MARIUS CHAPUIS

WORLD OF HORROR (early access)
développé par PANSTASZ
édité par Ysbryd Games (sur PC).

Photo /


Chloe Sells,


mère de sel


R


econnaissable à de larges taches
blanches, le désert du Kalahari est
une région d’Afrique visible depuis
l’espace. Situé au Botswana, ce lieu
est un lac de sel formé sur l’ancien lac Makgadi-
kgadi, disparu il y a plus de dix mille ans. Au-
jourd’hui, ces paysages d’argile laiteux craquelés
sont complètement déshydratés à la saison sè-
che. A la saison humide, les quelques mares
d’eau entre les zones sableuses sont vite évapo-
rées. Installée à Maun (Botswana), l’américaine
Chloe Sells, originaire du Colorado, est tombée
amoureuse de ces panoramas. Dans la chaleur
écrasante, elle y croise parfois quelques palmiers,
des baobabs, des lions, des flamants roses ou des
éléphants. Munie de son appareil, la photogra-
phe aime y perdre ses repères et contempler les
horizons infinis... pas toujours faciles à capturer.
Ces paysages qui se dérobent au regard ont con-
duit Chloe Sells vers une approche plus médita-
tive de leur splendeur. Après la prise de vue, c’est
en chambre noire, à Londres, qu’elle travaille ses
tirages pour y inclure des couleurs diffractées.
Sur d’autres, elle ajoute son grain (feutre, encre
ou peinture) à l’océan de sel botswanais : ainsi se
forment des mirages, sortes de cristallisations
iridescentes de ces zones protégées.
CLÉMENTINE MERCIER

THE PLACE OF THE DRY, DRY
de CHLOÉ SELLS, jusqu’au 25 avril
à la Galerie Miranda (75010).

DR
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