30 | 0123 VENDREDI 13 MARS 2020
0123
L
e nouveau coronavirus
étend chaque jour sa zone
de contamination. Effets
collatéraux, il fait som
brer les marchés financiers et
malmène l’économie mondiale. Il
met à l’épreuve les systèmes de
santé. Mais le Covid19 soumet
aussi à concurrence les modes de
gouvernement. Il teste les régimes
politiques. Pour venir à bout d’une
épidémie galopante, lequel est le
plus efficace : autocratie ou
démocratie?
La question est posée à un mo
mentclé pour la démocratie libé
rale. Dans nombre de pays démo
cratiques, les électeurs manifes
tent défiance ou distance à
l’adresse de leurs institutions poli
tiques. Cellesci seraient mal ser
vies par des « élites » urbaines
horssol, répète la vulgate popu
liste ; on met en doute leur perti
nence face aux défis de l’heure.
Le modèle démocratique dit « il
libéral » s’installe – à Ankara, à Var
sovie ou à Budapest. Vladimir
Poutine ne veut plus quitter le
Kremlin. De nouveau prosélyte, la
Chine de Xi Jinping vante aux pays
du Sud la gouvernance autoritaire
aux caractéristiques chinoises
(avant, on disait « dictature »).
Pourtant, ce que le Covid19 a
montré à ce jour, là même où il est
apparu, dans la province du Hubei
en Chine, c’est bien l’inanité d’un
régime qui supprime toute liberté
d’expression. Le Parti commu
niste chinois (PCC) et son chef font
aujourd’hui valoir leur aptitude à
mettre en quarantaine des mil
lions de personnes. Ils reçoivent
les félicitations de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) pour
leur contreoffensive antivirus.
Pékin dépêche du matériel médi
cal à l’étranger. Il n’empêche :
nombre de Chinois s’interrogent
sur les cinq semaines, au bas mot,
perdues au moment où le Co
vid19 prenait son envol.
La marque de l’ère Xi
Si on avait écouté les lanceurs
d’alerte au lieu de les mettre en
prison, si l’échelon régional avait
« osé » dire au « centre » que ça
allait très mal à Wuhan, la capitale
du Hubei, sans crainte d’être sanc
tionné pour nouvelle contraire à
la ligne du parti, des millions de
Chinois ne vivraient pas cette
épreuve. La gestion de cette épidé
mie porte la marque de l’ère Xi :
hypercentralisation de la décision
politique ; obsession du contrôle
social et répression de la moindre
espèce de dissidence, fûtelle
médicale. L’ambition de Xi de
promouvoir le modèle de gouver
nance chinois, c’estàdire la
toutepuissance de l’Etatparti
comme un parangon d’efficacité,
en sort affaiblie.
Mais le populisme à tendance
narcissique, que Donald Trump
pratique à la tête des EtatsUnis,
n’est pas en meilleur état. Le prési
dent, qui s’est attaché à saboter
l’assurancesanté mise en route
par Barack Obama, a d’abord pris
le Covid19 de haut, avec désinvol
ture : attendez le printemps, ce vi
rus est rétif à la chaleur... Puis est
venu le temps des boucs émissai
res. Trumpissime jusqu’à la carica
ture, il a accusé les démocrates
d’alarmisme afin de plomber
l’économie et d’empêcher sa réé
lection. Cette semaine, il s’en
prend à l’Europe – vols à destina
tion des EtatsUnis arrêtés pour
un mois – et, au passage, il critique
l’Union européenne (UE), l’une de
ses bêtes noires. Trump a manqué
de la principale qualité requise
dans une crise de ce type : inspirer
confiance.
Le virus pourrait mettre en lu
mière les failles du système de
santé américain : coût élevé des
tests et de l’hôpital, absence d’as
surance sociale pour tous, inéga
lité devant le congé santé, etc.
En 2018, Trump a démantelé la
structure qui, à la Maison Blanche,
réfléchissait à la lutte contre les
pandémies. En cas de récession
due au virus, il a largement épuisé
les voies de la relance : déficit bud
gétaire déjà élevé, creusé par les
cadeaux fiscaux aux riches ; faible
marge de manœuvre monétaire
du fait de la pression qu’il exerce
sur la Réserve fédérale américaine
(Fed) pour une politique continue
de taux d’intérêt bas. Sur fond de
procès trumpien fait à la mondia
lisation, Trump a singulièrement
manqué de leadership. Cela pour
rait lui coûter cher en novembre.
C’est entendu, face à une crise de
santé publique de cette ampleur, il
en va comme ailleurs : les pays ri
ches s’en sortent mieux que les
pauvres. L’Union européenne –
association libre de démocraties à
tendance plutôt sociale – est sou
mise à une double épreuve.
Alors que l’un de ses membres
fondateurs, l’Italie, est à la peine,
l’Union européenne doit d’abord
être solidaire – ce qui jusquelà n’a
pas été manifeste. Elle doit mon
trer son attachement à une ambi
tion sociale forte qui la distingue
rait des EtatsUnis. Testée par l’épi
démie, la fameuse « Europe so
ciale » des traités est sollicitée
comme rarement.
Le deuxième front est celui de
l’économie. Une minirécession
pointe le nez qui, à l’instar du Co
vid19, ne connaîtra pas les fron
tières. Christine Lagarde, la pa
tronne de la Banque centrale euro
péenne, devait dire jeudi si elle
peut encore trouver des marges
dans la baisse des taux d’intérêt.
Pour empêcher l’encalminage de
l’économie européenne, l’essen
tiel est d’être disposé à un fort
coup de pouce budgétaire à desti
nation des petites et moyennes
entreprises. L’Allemagne serait
mal venue de prêcher l’austérité
en ces circonstances. La situation
est différente, certes, mais le spec
tre de la crise économique de
2008, déclenchée par la peste fi
nancière venue de Wall Street,
rôde par là.
En 2008, le pire fut évité. Une dé
pression majeure fut empêchée
par une action de relance concer
tée des grandes économies du
monde – qu’il s’agisse de démocra
ties ou non – décidée lors d’un G20
à Londres. Le péril était global, la
réponse fut multilatérale. L’épidé
mie de coronavirus risque bien de
ralentir une croissance mondiale
déjà anémique. Le multilatérisme
n’est plus à la mode, pourtant, le
Covid19 pourrait relever d’un G20
- par téléconférence bien sûr.
A
première vue, l’échec est patent. Le
référendum d’initiative partagée
(RIP) déclenché pour tenter de blo
quer la privatisation du Groupe ADP (Paris
Aéroport) n’a pas abouti. Ses initiateurs
avaient jusqu’au 12 mars pour réunir le
nombre de signatures nécessaires. Ils n’y
sont pas parvenus. Alors que 4,7 millions
de paraphes représentant 10 % du corps
électoral devaient être recueillis, un peu
plus de 1 million ont été comptabilisés. Si
victoire il y a, elle n’est que collatérale :
compte tenu du climat boursier, la privati
sation d’ADP n’est plus d’actualité.
Lancée au printemps 2019, en pleine crise
des « gilets jaunes », la procédure du RIP
avait suscité enthousiasme d’un côté, émoi
de l’autre. C’était en effet une première. Ja
mais jusqu’alors les parlementaires de l’op
position n’avaient été assez nombreux
pour déclencher cette procédure, intro
duite en 2008 pour donner aux citoyens la
possibilité de s’exprimer sur un certain
nombre de sujets conflictuels. Cette fois,
une partie des élus LR n’avaient pas hésité à
s’associer à ceux de la gauche pour attein
dre le seuil nécessaire des 185 signatures,
représentant un cinquième des membres
du Parlement. La privatisation des autorou
tes, intervenue treize ans plus tôt, y était
pour beaucoup. Elle leur était apparue
comme une très mauvaise opération pour
l’Etat et les usagers. Ils ne voulaient en
aucun cas qu’une rente puisse de nouveau
se créer, a fortiori sur un actif considéré
comme stratégique.
Cependant, un autre verrou existait. L’ar
ticle 11 de la Constitution stipulait que le
RIP ne pouvait porter sur une loi promul
guée depuis moins d’un an. La privatisa
tion d’ADP contenue dans la loi Pacte était,
à l’époque, en attente de promulgation. Le
gouvernement espérait de ce fait que la
procédure serait inapplicable. Or, le 9 mai,
les membres du Conseil constitutionnel
validèrent le RIP, obligeant l’exécutif à sus
pendre la privatisation, alors même que la
loi Pacte était, à son tour, validée. On se
trouvait face à un intéressant cas d’école :
celui d’une double légitimité mise en con
currence.
Ce qui s’est produit ensuite relève des
contingences politiques : la droite n’a pas
fait campagne pour le référendum, car elle
était gênée d’être associée aux élus de La
France insoumise pour porter le fer contre
le ministre de l’économie, Bruno Le Maire,
issu de ses rangs sur un sujet allant à l’en
contre de ses convictions. De son côté, la
gauche s’est activée, mais elle a dû consta
ter, au fil des mois, que l’indignation soule
vée par la privatisation d’ADP avait été sup
plantée par d’autres combats.
L’échec essuyé ne doit pas pour autant
freiner la cause de la démocratie participa
tive. La France est minée par la défiance po
litique et le retrait d’un certain nombre de
citoyens de la vie publique. Pour les réim
pliquer, elle ne doit pas craindre de pro
mouvoir entre les élections des mécanis
mes de relégitimation politique, pourvu
que ces derniers ne remettent pas en ques
tion la démocratie représentative.
Le RIP offre à cet égard de solides garan
ties, puisque les deux Assemblées restent
associées jusqu’au bout du processus, mais
les seuils de déclenchement sont si élevés
qu’ils apparaissent comme décourageants.
Emmanuel Macron en a pris conscience.
Dans le projet de loi constitutionnelle dé
posé le 29 août 2019 à l’Assemblée natio
nale, il a notamment abaissé à 1 million le
nombre des signataires requis, mais, de
puis, le texte est enlisé du fait de l’hostilité
de la majorité sénatoriale. C’est donc
autour de la convention citoyenne pour la
transition écologique que les attentes se fo
calisent afin de savoir si un pas significatif
sera franchi sous ce quinquennat pour per
mettre l’expression directe des citoyens.
ALORS QUE L’UN
DE SES MEMBRES
FONDATEURS,
L’ITALIE, EST
À LA PEINE, L’UE
DOIT D’ABORD
ÊTRE SOLIDAIRE
SURMONTER
L’ÉCHEC DU
RÉFÉRENDUM
D’INITIATIVE
PARTAGÉE
INTERNATIONAL|CHRONIQUE
pa r a l a i n f r a c h o n
Coronavirus
et régimes politiques
LE POPULISME
À TENDANCE
NARCISSIQUE DE
DONALD TRUMP
SORT DE CETTE
CRISE TOUT AUSSI
AFFAIBLI
Tirage du Monde daté jeudi 12 mars : 156 070 exemplaires
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Rénovation
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Cahier numéro un de l’éditio n n° 2888du 12 au 18 mars 2020
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