Libération - 11.03.2020

(lily) #1

Libération M ercredi 11 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 11


anciennes figures de la gauche ont intégré
les rangs d’Estrosi à des places éligibles :
Patrick Mottard et Marc Concas. «On a fait
le constat selon lequel la gauche était dans
l’incapacité de s’unir et de proposer un pro-
jet politique. La gauche niçoise est la plus
bête de France, maintient Marc Concas, qui
avait rejoint En marche dès 2016. Christian
Estrosi, c’est une machine de guerre. Il a
une équipe de choc. Il vient avec un bilan :
j’étais critique sur son premier mandat, je
n’ai rien à dire pour le deuxième.»

«DERNIÈRE LIGNE DROITE»
Devant la permanence, on remotive les
troupes. C’est qu’il ne faut pas tomber dans
la facilité : annoncer Estrosi déjà vain-
queur, c’est risquer de décourager certains
électeurs le jour J. «La campagne n’est pas
finie : les mauvais coups peuvent sortir au
dernier moment», se méfie Gérald Fazin-
cani, responsable de la permanence et soi-
xante-septième sur la liste. L’équipe met le
paquet sur les seniors et les commerçants.
Ils sont précieux : les premiers restent fidè-
les, les seconds ont la parlote. «Nous som-
mes dans la dernière ligne droite, réaffirme
le directeur de cabinet et désormais on-
zième sur la liste, Anthony Borré. A cause
du virus, il est fort probable que le maire
doive alléger son agenda. Il va falloir ré-
duire les réunions et donc accroître les dia-
logues privés.» Les «amis» d’Estrosi ap-
plaudissent. Certains filment les discours
pour les relayer en direct sur Facebook. La
routine : d’habitude ils se réunissent tous
les mois, depuis janvier c’est toutes les se-
maines. «On est toujours en campagne,
confirme Pierre-Paul Leonelli, adjoint et
président des Amis du maire. Tenter de ga-
gner au premier tour, ce n’est pas notre leit-
motiv. Le principal adversaire pour nous,
c’est l’abstention et rien d’autre.» Après le
footing et le passage à la permanence, c’est
l’heure de la petite réunion de quartier
pour l’édile qui a limité à deux le nombre
de grands rassemblements dans sa campa-
gne. «Lors d’un meeting, vous dispensez
pendant une heure votre discours, les gens
vous écoutent et vous applaudissent, analy-
se-t-il. Comme je veux jouer vraiment la
carte de la proximité, j’ai divisé la ville en
18 quartiers et je veux bâtir le programme
à partir de ce que l’on me propose.» Elargis-
sement des trottoirs, création de pistes cy-
clables, lutte contre les incivilités des mo-
tos, installation d’un marché : dans la salle,
toutes les problématiques locales sont pas-
sées en revue. Et le virus refait son appari-
tion. Avant les questions, Estrosi, qui a an-
nulé réunions et meetings, prend le temps
de dispenser ses conseils d’hygiène.•

qui s’est dégagée au fil de la campagne. En
novembre, Eric Ciotti, son allié d’hier, se
désistait après avoir longtemps fait planer
l’ombre d’une candidature dissidente
même si une liste de droite menée par son
ancien premier adjoint Benoît Kandel per-
siste. Parmi ses adversaires de l’autre côté
de l’échiquier politique, aucun ne semble
en mesure de faire le poids. D’un côté la
gauche est partie divisée (lire ci-contre), de
l’autre le Rassemblement national qui ne
rassemble pas autant qu’il espérait. D’après
un sondage publié par Nice-Matin, l’ancien
identitaire Philippe Vardon cumule 13 %
des intentions de vote au premier tour, soit
près de 15 points en dessous du score du
RN aux européennes dans la ville en mai
dernier (28 %). Selon cette étude d’opinion,
c’est le parti Nice écologique qui se place
en deuxième position avec 14 % des suff -
rages. Mais sa tête de liste, Jean-Marc Go-
vernatori, est mise en cause dans une af-
faire de logement. Le quotidien local a
révélé que sa famille louerait des apparte-
ments semi-enterrés et estimés «impropres
à l’habitation»
par la préfecture. Vraie af-
faire ou boule puante, cette actualité pour-
rait affaiblir la candidature de la liste écolo.
Mais ce qui laisse surtout le champ libre
à Christian Estrosi, c’est l’absence de can-
didature estampillée LREM. Son ancienne
adjointe Joëlle Martinaux et le député
Cédric Roussel ont tenté de partir avec
l’étiquette du parti présidentiel avant de
faire marche arrière. «Il y a eu des discus-
sions avec le clan Estrosi. Elles ont tellement
tardé que la situation est devenue ingé -
rable,
expose Khaled Ben Abderrahmane,
figure locale du macronisme. La seule solu-
tion, c’était le retrait.»
En situation délicate
l’an dernier, Estrosi aurait mentionné le
souhait d’un accord avec LREM mais,
selon le cadre du parti présidentiel, la me-
nace d’une candidature de Ciotti écartée,
le maire sortant a pu tranquillement refu-
ser tout soutien. Dans la course aux muni-
cipales, l’élu LR mène tout de même une
liste d’ouverture : six colistiers sont présen-
tés comme issus de la majorité. «C’est très
difficile de définir ce qu’est un marcheur. La
réalité c’est qu’à part une personne, les au-
tres on ne les a jamais vues. Sauf en photo,

raille Khaled Ben Abderrahmane. La seule
raison qui nous amènerait à appeler à voter
Estrosi, c’est le danger des extrêmes. Mais
dans la situation actuelle, ce que représente
le système Estrosi, c’est tout ce qu’un mar-
cheur doit combattre : la politique qui
devient une profession.»
L’équipe d’Estrosi
s’attache à répéter qu’aucun logo de parti
ne sera inscrit «sur les bulletins et les affi-
ches».
Preuve ultime de l’ouverture, deux


Q


uand Hervé Andres
marche, on écoute
ses pieds. Un bruit
métallique à chaque pas : les
cales sous ses chaussures cla-
quent contre le trottoir. Si le
candidat, quatrième sur la
liste «Viva !», n’a pas ôté sa te-
nue de cycliste pour tracter,
c’est qu’il retournera vite pé-
daler : il participe au Tour de
Nice à vélo, un parcours en
26 étapes «pour aller dans
tous les quartiers» décidé lors
d’une assemblée populaire de
cette liste citoyenne qui réu-
nit des communistes, des in-
soumis, Génération·s ainsi
que «60 % de membres non at-
tachés à un parti politique»
dont des gilets jaunes. Faire
campagne à Nice quand on
est de gauche nécessite de
l’imagination. Déjà parce
qu’elle est éclatée : le PS, Lutte
ouvrière et cette liste ci-
toyenne ne se sont pas asso-
ciés. Ensuite, parce qu’il est
compliqué d’exister face à
une droite quasi indéboulon-
nable. «Il y a bien eu Jacques
Cotta à la Libération. Mais
depuis, on n’a eu aucun
maire. La gauche ne s’est rap-
prochée qu’en 1977 de la mai-
rie de Nice, j’avais 11 ans»,
sourit Hervé Andres. C’est lui
qui ouvre la route. Avec son
oriflamme accrochée au por-
te-bagages, il mène une file
de sept cyclistes.

Chimère. Ils ne se font pas
d’illusion : détrôner Christian
Estrosi (LR), après deux man-
dats et des sondages qui l’an-
noncent largement en tête,
c’est mission impossible.
Mais comment garder la mo-
tivation pour militer quand
devenir maire n’est qu’une
chimère? «On a un autre ob-
jectif, coupe Nathalie Gas-
taud, dix-neuvième sur la
liste. On sème des graines.»
Saupoudrer des idées, pour
peut-être entrer au conseil
municipal. Un projet à long
terme. «On n’a jamais ima-
giné qu’on allait gagner la
mairie cette fois-ci, confirme
Andres. On fait attention à ne

«La gauche ne
s’est rapprochée

qu’en 1977 de la


mairie de Nice,


j’avais 11 ans.»
Hervé Andres
candidat sur la liste
de gauche «Viva !»

pas faire de promesses qu’on
ne tiendra pas.» Un point
d’honneur pour la tête de liste
de «Viva !», Mireille Damiano.
«“Quelle est la première me-
sure que vous prendrez quand
vous serez maire ?” A chaque
fois qu’un journaliste me pose
cette question, je hurle, pré-
vient l’avocate. Les gens déser-
tent les urnes parce qu’ils en-
tendent des inepties et des
promesses. Je ne suis pas
maire, je ne le serai pas. Mais
ce qui a du sens, c’est d’être
une vraie force d’opposition. »
Les militants-cyclistes ont un
bon coup de pédale. Partis de
l’ouest de la ville, ils filent
vers le centre. Un feu rouge?
C’est l’occasion d’échanger
avec des passants. Une sta-
tion de vélos en libre-service?
Les tracts finissent dans les
paniers accrochés au guidon.
Au recto, le programme : un
plan vélo bien sûr, mais aussi

la gratuité des transports en
commun, la mise en place
d’une régie agricole, la réduc-
tion de la pollution de l’air,
l’encadrement des loyers. La
petite troupe a pédalé 28 km
le premier jour, 20 le second.
«Et 100 mètres de dénivelé po-
sitif! Ce n’est pas le Galibier,
rigole Benoît Derijard, en cin-
quante-deuxième position.
Le nombre de kilomètres est
anecdotique. Notre contrainte
budgétaire est telle qu’on doit
être créatif.» En plus du Tour,
les militants ont organisé un
bal et un festival d’art.

«Graines». Que faire de ces
kilomètres avalés derrière le
guidon et de ces «graines» se-
mées? «L’idée, c’est de ne pas
s’arrêter après l’élection, dit
Hervé Andres. On continuera
les assemblées populaires et
on militera comme on l’a tou-
jours fait.» Pour Mireille Da-
miano, «la restitution est fon-
damentale. On retournera là
où on a été pour faire remon-
ter ce que l’on porte. On peut
parler des idées même sans
être élu». Le peloton a ter-
miné son parcours. Hervé
Andres n’a toujours pas en-
levé son casque : il continue
de tracter à pied avec ses
chaussures qui cliquettent.
M.F. (à Nice)

«Ce qui a du sens,


c’est d’être une vraie


force d’opposition»


A Nice, si les listes
et les militants
de gauche savent
la tâche quasi
impossible, elles
voient la campagne
comme une
occasion de poser
les jalons d’une
future reconquête.

Sources : Insee, ministère de l’Intérieur

Habitants

Principaux candidats pour les municipales 2020

Maire sortant

LR Christian Estrosi

PS Patrick Allemand

DVG Mireille Damiano

DVD Christian Estrosi

EE-LV Jean-Marc Governatori

RN Philippe Vardon

DVD Benoît Kandel

342 637


Score d’Emmanuel Macron
au 1er tour en 2017

Moyenne nationale 24,01%

19,04%
10 km

ALPES
MARITIMES

ITALIE

Monaco
VAR

ALPESDE
HAUTE
PROVENCE

Mer
Méditerranée

Nice

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presente par elisabeth quin
du lundi au jeudi a 20h05 sur
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