Libération - 11.03.2020

(lily) #1
12 u Libération Mercredi 11 Mars 2020
MUNICIPALES

Lors du meeting de David Belliard, tête de liste EE-LV, à Paris le 5 février. PHOTO ALBERT FACELLY

Par
FLORIAN BARDOU et
MARGAUX LACROUX

R


ec est placé à l’avant-
dernière place, en
queue de liste La
France insoumise (LFI) à
Rennes. Rec est un chat, can-
didat aux municipales. Le
coup de com est gros mais
habile : un geste «symboli-
que» pour faire savoir que le
parti de gauche se soucie de
la condition animale. Face à
EE-LV et au PS, à la tête de la
mairie depuis 1977, il faut
montrer patte verte. La liste
Rennes en commun a aussi
pris des engagements plus
concrets, piochés dans les re-
vendications de l’association
L214.
Dans d’autres villes aussi, la
cause animale devient un en-
jeu électoral. A Blois, le maire
socialiste sortant, Marc Gri-
court, a fait voter, à l’unani-
mité, l’interdiction des cir-
ques avec animaux sauvages
début février. Il brigue un
troisième mandat. La preuve
que le sujet commence à in-
fuser dans tous les partis?
Amandine Sansivens, cofon-
datrice de l’association Paris
Animaux Zoopolis, note du
moins une «prise de cons-
cience dans l’opinion publi-
que». «Les attentes sont très
fortes et c’est dû aux vidéos
de L214, le fait qu’on sache de
plus en plus ce que l’on fait su-
bir aux animaux, souligne la
militante, en pointe sur l’in-
terdiction des spectacles
avec animaux. Néanmoins, il
y a un décalage
entre ces attentes
et les actes des
élus.» Son asso-
ciation a travaillé sur douze
propositions soumises à tous
les candidats à la mairie de
Paris (interdiction de la pê-
che à Paris et des cirques avec
animaux, fin de l’empoison-
nement des rats ou des la-
pins...) Seuls David Belliard
(EE-LV) et Danielle Simonnet

Petit à petit, la cause


animale fait son nid


pour signaler les maltraitan-
ces, un statut de «chat libre»
(identifié, stérilisé et nourri)
dans toutes les communes,
un réseau de familles d’ac-
cueil pour la garde tempo-
raire d’animaux de compa-
gnie des personnes isolées,
fragiles ou hospitalisées...

«Crédit». L’association L214,
elle, mène une campagne
d’affichage étrillant les candi-
dats mauvais élèves. Gérard
Collomb à Lyon et Rachida
Dati à Paris en ont par exem-
ple fait les frais. «Ces derniè-

res années, les associations de
protection animale ont gagné
en crédit dans l’espace public,
constate Christophe Traïni,
professeur de science politi-
que à l’Institut d’études poli-
tiques d’Aix-en-Provence. Le
réchauffement climatique et
la montée des questions envi-
ronnementales relégitiment
leur cause, notamment au-
près des politiques.»
Lors de la dernière élection
présidentielle, en 2017, le col-
lectif Politique & Animaux
avait déjà sommé chaque
candidat de se positionner

sur une série de mesures.
Cette mobilisation a surtout
germé à la suite du Grenelle
des animaux en 2008, sous le
gouvernement Sarkozy. «Les
associations en sont sorties
furieuses, avec l’impression
que leur travail n’avait pas
été pris en compte. Cela les a
poussées à formuler des re-
vendications beaucoup plus
politiques», raconte Christo-
phe Traïni.
Le monde de la protection
animale est aujourd’hui
beaucoup plus structuré. Et
il se politise, donc. Des listes

(LFI) se sont engagés à co-
cher toutes les cases.
Au niveau national, la SPA
mène aussi campagne pour
maintenir la
pression sur les
candidats. Elle
demande qu’un
élu dédié à la protection ani-
male soit nommé au sein de
chaque commune. Et fait
porter ses revendications par
un dalmatien nommé Bella
Lemaire, à la tête d’un mou-
vement politique fictif :
«Même combat». Au pro-
gramme : une permanence

L'HISTOIRE
DU JOUR

Listes autonomes,
alliances avec
des écolos...
les animalistes
espèrent intégrer
une quarantaine
de conseils
municipaux
le 22 mars, tandis
que d’autres partis
s’emparent du sujet.

avaient déjà tenté de porter le
sujet par le passé, localement
et ponctuellement. Mais pour
ces municipales 2020, le Parti
animaliste (PA) tente de faire
sa place dans 45 mairies.
Après ses 1,1 % aux législati-
ves puis ses 2,2 % aux europé-
ennes, la petite formation
créée il y a quatre ans fran-
chit une nouvelle étape.

«Socle». Le parti donne pri-
orité aux listes autonomes
sans se priver d’ententes au
cas par cas avec d’autres par-
tis. Une «stratégie adapta-
tive» validée par un vote in-
terne de ses 5 000 adhérents,
explique sa cofondatrice, Hé-
lène Thouy. «Certains utili-
sent notre caution pour faire
de l’ animal washing : une
liste à Menton s’est revendi-
quée du PA sans notre aval,
regrette l’avocate bordelaise.
Or il n’est pas question de si-
gner des alliances sans un so-
cle minimal de mesures.» A
savoir, mettre en place une
délégation à la protection
animale dans la ville, instau-
rer des menus végétariens ou
végétaliens deux fois par se-
maine dans la restauration
collective, être vigilant quant
au respect des règles dans les
abattoirs municipaux ou en-
core rédiger des clauses de
bien-être animal dans les
marchés publics. Des listes
uniquement constituées de
militants du PA ont fleuri
dans neuf villes : Nîmes,
Rouen, Le Vésinet, Avignon...
Et Toulouse, où la tête de
liste, Quentin Charroy, vise
les 5 %.
«Ce n’est pas systématique-
ment là où le Parti animaliste
a obtenu de bons scores aux
européennes mais plutôt des
endroits où il y a un bon ré-
seau de militants», observe
Daniel Boy, directeur de re-
cherche au Centre de recher-
ches politiques de Sciences
Po. Dans dix-sept autres
communes comme Greno-
ble, Montpellier ou encore
Rambouillet, le parti s’est
mélangé avec d’autres forma-
tions, souvent écologistes.
C’est le cas dans le XVIe ar-
rondissement de Paris, où
l’alliance avec EE-LV a per-
mis que la tête de liste soit
animaliste. A Orléans, une
coalition a été formée avec
les insoumis et à Lyon, avec
le président de la métropole
David Kimelfeld, dissident
d’En marche. Des alliances
dans tous les sens du poil.•

A Paris, Dati se voit
«portée par la vague»
A six jours du premier tour
des municipales, la candidate LR a reçu lundi soir
le soutien de Nicolas Sarkozy. Cette apparition
de l’ancien président devait pousser aux urnes les
sympathisants de la droite parisienne, d’abord don-
née perdue d’avance, puis galvanisée par les bons
sondages de sa candidate. PHOTO ALBERT FACELLY

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