Libération - 11.03.2020

(lily) #1

Libération M ercredi 11 Mars 2020 u 13


LE COLLECTIF
«NOUS, LA JEUNESSE !»
DE PONTOISE

Y aller, ne pas y aller : com-
bien seront-ils, dimanche, à
se poser la question? Au
premier tour des municipa-
les de 2014, 36,45 % des élec-
teurs ne s’étaient pas rendus
aux urnes. Six ans plus tard,
en plus des facteurs habi-
tuels de l’abstention, jus-
qu’à 28 % des inscrits hésite-
ront à voter par crainte
d’être exposés au coronavi-
rus dans leur bureau de vote,
selon un récent sondage de
l’Ifop. De quoi modifier les
résultats du scrutin et, peut-
être, donner matière à des
recours devant la justice
administrative, selon
Romain Rambaud, profes-
seur de droit public à l’uni-
versité Grenoble-Alpes, et
spécialiste du contentieux
électoral.
La situation créée par
l’épidémie de coronavirus
pourrait-elle donner lieu
à des recours électoraux?
Oui, c’est un argument qui
me semble mobilisable par
un candidat devant la justice
administrative. Mais il fau-
drait une abstention extrê-
mement forte, et c’est au
juge de décider si cette cir-
constance a eu ou non un
impact électoral significatif.

C’est difficile à dire car on
connaît peu de précédents.
Durant les législatives
de 1993, à Wallis-et-Futuna
[collectivité française du Pa-
cifique, ndlr], un tremble-
ment de terre avait coupé la
circulation entre les deux
îles, provoquant sur l’une
d’elles un fort taux d’absten-
tion, et la contestation du
résultat. Le juge n’avait fina-
lement pas donné raison au
requérant, il avait constaté
l’absence de
taux d’absten-
tion plus fort
que d’habitude. Mais il
n’avait pas non plus écarté
l’argument.
Dans quel contexte pour-
rait-il le retenir?
Le concept clé est celui de
sincérité du scrutin. Il faut
démontrer que l’irrégularité
ou l’événement en question
a eu un impact sur les résul-
tats du vote. En pratique,
donc, le juge ne va examiner
l’argument que si l’écart
entre les candidats est très
faible, entre 0 et 0,5 ou 0,6 %.
Au-delà, il pourrait estimer
que, vu l’écart, le résultat
n’aurait pas été substantiel-
lement différent dans d’au-
tres circonstances. Il y a une

autre difficulté : que les gens
n’aillent pas voter ne crée
pas, a priori, d’inégalités en-
tre les candidats. Pour dé-
montrer l’inverse, il faudrait
faire de l’analyse différen-
tielle. C’est-à-dire étudier les
différentes catégories d’abs-
tentionnistes pour conclure
que tel candidat a plus été
touché que tel autre. Mais il
y a peu de chances que le
juge s’aventure à un tel ni-
veau de détail, surtout dans
le cas de peti-
tes commu-
nes. Bref, on
peut imaginer qu’un tel re-
cours aboutisse, mais il de-
vra passer par un trou de
souris juridique.
C’est non seulement le
jour du vote, mais toute la
fin de campagne qui a été
perturbée par le virus, par
exemple avec l’annulation
de plusieurs meetings.
Le juge pourra constater ces
restrictions aux rassemble-
ments mais dire que la cam-
pagne officielle – les pan-
neaux électoraux, les
professions de foi adressées
aux électeurs – a été assurée.
Donc que les gens ont eu la
possibilité de se faire un avis
informé. Il y aurait un petit

côté revanche de l’histoire
pour cette propagande en
papier que l’on dit inutile et
coûteuse. Elle pourrait re-
trouver un lustre perdu au-
près de gens réticents à se
rendre en meetings ou
même sur les marchés.
Et si un candidat, conta-
miné lui-même, se trouve
personnellement empê-
ché de faire campagne?
Ce serait bien sûr un élé-
ment pris en compte. Mais il
serait nuancé par le fait que
les municipales sont un
scrutin de liste, où rien ne
prive ses colistiers de pour-
suivre la campagne.
Comment garantir la pré-
sence d’assesseurs dans
les bureaux de vote, alors
que des cas de désiste-
ment ont été rapportés?
Seuls deux assesseurs sont
indispensables pour contrô-
ler les opérations de vote.
Faute de volontaires, des
conseillers municipaux peu-
vent être désignés. A défaut,
des électeurs peuvent être
réquisitionnés, en commen-
çant par le plus âgé et le plus
jeune.
Recueilli par
DOMINIQUE
ALBERTINI

Recours électoral pour Covid-19 :


«un argument mobilisable»


INTERVIEW


A Marseille, Ravier a les boules
Le candidat du RN à Marseille, Stéphane
Ravier (photo), serait-il un peu tendu?
Le sénateur s’est emporté dimanche sur un terrain de
pétanque du 13e secteur. «Le 23 mars, vous faites vos valises»,
aurait-il lancé au président des lieux, selon le Parisien.
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Une belle manière de s’engager en politique. Un collectif du
quartier des Louvrais, à Pontoise (Val-d’Oise), qui regroupe
des jeunes de 15 à 30 ans, a rencontré les cinq candidats aux
élections municipales de la ville. Une bataille qui ne concerne
pas l’édile sortant, Philippe Houillon (LR), qui ne se représente
pas. Les discussions entre les jeunes et les postulants à la mai-
rie ont duré quatre heures en moyenne. Cinq thèmes ont été
abordés : éducation, sécurité, santé, emploi, dynamisme. Le
début de l’histoire? Un constat qui ressemble a celui de mil-
liers de quartiers. Le collectif décrit «un manque d’identité
pontoisienne, un manque de liens entre les quartiers et une
fracture intergénérationnelle. De plus, le manque de dyna-
misme et d’attractivité de la ville provoque énormément d’ennui
chez les jeunes.»
Les jeunes du collectif présentent leurs con-
clusions sur leur compte Instagram, nouslajeunesse.pontoise.


«Nous,


la jeunesse


des Louvrais,


nous avons


demandé des


engagements.»


Elu depuis 2001, Arnaud Lafon,
maire LR de Castanet-Tolosan,
une ville de 14 000 habitants dans
la couronne toulousaine, a décidé
de ne pas briguer un quatrième
mandat.


«J’ai 44 ans. Dans six ans,
j’en aurais 50 : ça risque
d’être compliqué pour re-
trouver du boulot. Je me suis
dit que c’était la dernière
limite pour y accéder main-
tenant. Et puis aprè s
trois mandats, il y a forcé-
ment un peu de lassitude.
J’ai un gamin de 11 ans qui
vient d’entrer au collège, ma
vie privée ne doit pas conti-


nuer à souffrir de mon enga-
gement public. Il y a aussi un
sentiment d’ingratitude. Tu
donnes le meilleur de toi-
même pour ta commune, et
tu ne récoltes que des en-
gueulades.
«Je dois dire
que je sup-
porte diffici-
lement un climat de suspi-
cion permanente. Juste
avant les élections de 2014,
j’ai eu droit à une enquête
préliminaire pour “favori-
tisme” dans l’attribution
d’un marché public. J’ai été
convoqué par les gendar-
mes. L’affaire a été classée

500 000


c’est le nombre d’arbres et d’arbustes qu’a pro-
mis de planter à Lyon le candidat LR, Etienne
Blanc. «Ce chiffre, qui a été arrêté avec des pépinié-
ristes et des urbanistes, a été moqué mais il faut
trouver des solutions pour rafraîchir la ville, sinon
la seule c’est la clim», se défend l’ex-député. Dans
la ville, l’étalon, c’est le parc de la Tête d’or, qui
compte 8 000 arbres – il y en a 88 000, dont 23 000
hors parcs, dans toute la ville. «Ça fait plus de
62 fois la Tête d’or, calcule Grégory Doucet, candi-
dat EE-LV. Ou alors il compte mettre 1 000 arbres
et le reste en arbustes? Et il pense les payer com-
ment? Cette bataille de chiffres est ridicule.»

est dans une communauté
d’agglomérations qui a récu-
péré la gestion de l’eau, de
l’assainissement, des dé-
chets, l’implantation des en-
treprises, les soins aux per-
sonnes âgées et les crèches.
Maintenant, même les plans
d’urbanisme sont intercom-
munaux. Il reste quoi aux
maires? Avec ça, il y a la
baisse des dotations de
l’Etat : 6 millions pour Casta-
net lors du dernier mandat,
soit un million de moins
chaque année pour boucler
le budget.»
Recueilli par
STÉPHANE THÉPOT

sans suite quand j’ai de-
mandé l’audition de mes ad-
versaires politiques. La mise
en examen, c’est la nouvelle
légion d’honneur pour tout
élu qui se respecte!
«Les électeurs demandent la
fin des pas-
s e - d r o i t s ,
mais ils sont
en même temps les premiers
à en demander : pour un per-
mis de construire, une place
dans un logement HLM ou
une crèche, un boulot pour
ses enfants, etc. On est sans
arrêt sollicité. En même
temps, on a de moins en
moins de pouvoir. Castanet

Arnaud Lafon, maire de Castanet-Tolosan (Haute-Garonne)


«Je supporte difficilement le climat


de suspicion permanente»


L’ÉDILE DIT 3/

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