Libération - 11.03.2020

(lily) #1
16 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Mercredi 11 Mars 2020
FRANCE

Turbulences au «Nouveau
Magazine littéraire»
Le propriétaire du mensuel,
Claude Perdriel, veut le céder pour un montant symbo-
lique aux détenteurs de Lire, en vue d’une fusion. La ré-
daction dénonce un «coup de plus porté à la diversité
de la presse» : «C’est l’existence même du titre qui, entré
dans sa 54e année, est menacée, puisqu’il serait appelé
à se dissoudre dans une entité fourre-tout.» PHOTO AFP

LIBÉ.FR

En quoi ce travail de trans-
mission est-il nécessaire?
Il est essentiel d’offrir des élé-
ments de compréhension,
d’information et de sensibili-
sation à un public – le plus
large possible, surtout les
jeunes – pour expliquer ce
qu’est et a été le terrorisme.
La connaissance est un vec-

teur de mémoire. C’est d’au-
tant plus important que le
terrorisme a pour objectif de
nous empêcher de penser, de
nous laisser démunis face à
des actes barbares qui nous
sont incompréhensibles.
Comment la société réagit
face à ces attentats? Quelles
conséquences sur notre vie

quotidienne? Aux Etats-
Unis, par exemple, si on
continue aujourd’hui à enle-
ver ses chaussures lors des
contrôles de sécurité à l’aéro-
port, c’est en raison de la ten-
tative de Richard Reid de
faire sauter un vol Paris-
Miami avec de l’explosif dis-
simulé dans ses baskets.

A


Paris, sur le parvis des
Droits-de-l’homme,
Emmanuel Macron
célèbre ce mercredi, en pré-
sence du roi d’Espagne, Fe-
lipe VI, la première «journée
nationale d’hommage aux
victimes du terrorisme». La
date retenue correspond à
l’anniversaire de l’attentat ji-
hadiste de Madrid du 11 mars
2004, le plus meurtrier jamais
commis sur le sol européen
avec 191 morts. Selon l’Elysée,
le chef de l’Etat tenait à ajou-
ter cette «date européenne»
à un paysage commémoratif
encore dominé par les
conflits du XXe siècle. «Cette
décision répond aux deman-
des exprimées
p a r d e t r è s
n o m b r e u s e s
victimes et par les associations
qui les accompagnent», ajoute
la présidence. Qu’ils soient
l’œuvre de jihadistes, de ter-
roristes d’extrême droite ou
d’extrême gauche, tous les at-
tentats perpétrés depuis le
début des années 70 sont
concernés par cette commé-
moration.
Le chef de l’Etat annoncera
officiellement la prochaine
création d’un «musée-mémo-
rial» qui devrait être installé
dans l’agglomération pari-
sienne. Un choix contesté par
l’association Mémorial des
anges, qui réclame que ce fu-
tur lieu de mémoire soit im-
planté à Nice. Elle a d’ailleurs
annoncé mardi son refus de

Par
ALAIN AUFFRAY
et CHLOÉ PILORGET-
REZZOUK

participer à la cérémonie pa-
risienne, au motif que l’actuel
chef de cabinet du président
de la République, François-
Xavier Lauch, en serait l’un
des organisateurs. Ex-chef de
cabinet du préfet des Alpes-
Maritimes au moment de l’at-
tentat de Nice, Lauch a été
placé sous le statut de témoin
assisté dans l’enquête sur
les éventuelles failles dans
le dispositif de sécurité
le 14 juillet 2016.
La conception du futur mu-
sée-mémorial a été confiée à
l’historien Henry Rousso.
Grand spécialiste de la Se-
conde Guerre mondiale, ce
dernier s’est intéressé aux po-
litiques de la mémoire dans
la France contemporaine.
Il répond aux questions de
Libération.
Il n’y a pas en France de
musée consacré aux victi-
mes du terrorisme. En
quoi sa création est-elle
importante?
Des plaques commémorati-
ves existent, des mémoriaux
ont été érigés en face du Bata-
clan ou à Nice. Mais ils
concernent des attentats pré-
cis. Ce projet est d’une tout
autre dimension : ce musée
portera sur une mémoire na-
tionale, à la fois pour les victi-
mes françaises à l’étranger et
tous les actes terroristes en
France depuis l’attentat du
drugstore Pu-
blicis, le 15 sep-
tembre 1974. La
première attaque terroriste
aveugle et mortelle commise
depuis la guerre d’Algérie.
A quoi sert un tel musée?
Ce sera un lieu de recueille-
ment, mais pas seulement.
Après tous les débats sur les
rapports entre mémoire et
histoire, on ne peut pas se
contenter d’un lieu de com-
mémoration. Le terrorisme
est un phénomène histori-
que et social qui remonte
au XIXe siècle, mais touche la
France depuis environ qua-
rante ans, particulièrement
ces cinq dernières années.
Les familles de victimes et
les associations désirent que
ce soit aussi un lieu de con-
naissance.

Paris a été frappée en jan-
vier et novembre 2015,
Nice en juillet 2016, Tou-
louse et Montauban en
mars 2012... Où ce musée
sera-t-il implanté?
Il paraît important de ne pas
l’ériger dans un lieu déjà mar-
qué par un attentat, mais plu-
tôt neutre car il s’agit bien de
prendre en compte un phé-
nomène sous toutes ses for-
mes. Il est donc essentiel de
construire un lieu ayant sa
propre identité et accessible
au plus grand nombre.
A quel type de terrorisme
sera-t-il consacré?
Toutes les formes seront
abordées. Aussi bien le terro-
risme politique (d’extrême
gauche ou d’extrême droite),
le terrorisme «importé»
comme celui de Carlos, qui a
fait de la France le champ de
bataille de conflits extérieurs,
que le terrorisme nationa-
liste. Et évidemment le terro-
risme islamiste, qui est de
loin le plus meurtrier.
Quelle est la place au-
jourd’hui de ce travail
mémoriel?
Nos sociétés sont des sociétés
de mémoire. En tant qu’his-
torien, j’ai pu critiquer cer-
tains excès des politiques
mémorielles. Mais il aurait
été invraisemblable qu’on ne
prenne pas en compte ce
phénomène. Le parcours de-
vrait être articulé autour de
quatre thèmes : l’histoire du
terrorisme, les réactions poli-
tiques, judiciaires et surtout
au quotidien après chaque
attentat, et le changement de
perspective sur les victimes.
Ces trente dernières années,
leur place a considérable-
ment changé au sein de la so-
ciété. Enfin, on s’intéressera
aussi à la mémoire. En se pro-
jetant dans le passé, on réa-
lise que la mémorialisation,
en particulier celle du terro-
risme, a pris une importance
considérable dans nos com-
portements et nos politiques
publiques. Les politiques de
reconnaissance et de répara-
tion n’ont jamais été aussi
présentes, et c’est aussi cela
que nous mettrons en
perspective.•

Futur musée-mémorial : «Prendre en


compte le terrorisme dans toutes ses formes»


Chargé de la
conception du
musée dédié aux
victimes d’attentats
voulu par Macron,
l’historien Henry
Rousso en détaille
les enjeux
à l’occasion ce
mercredi de
la première journée
nationale
d’hommage.

Plaque en hommage aux victimes du 13 Novembre, à Paris. PHOTO ÉDOUARD CAUPEIL

INTERVIEW

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