Libération - 11.03.2020

(lily) #1

Libération M ercredi 11 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 7


«L’


épidémie est pres-
que jugulée», a
déclaré le prési-
dent chinois mardi, à Wuhan,
épicentre du Covid-19. Tout
en restant masqué et à bonne
distance de ses interlocu-
teurs, et en discutant avec
des malades par vidéoconfé-
rence. «Presque» car, selon les
chiffres officiels, il reste plus
de 20 000 malades du Co-
vid-19 en Chine, et 349 cas
suspects. Néanmoins, sur les
80 924 cas recensés dans le
pays depuis trois mois, les
trois quarts sont considérés
comme guéris, et le ministère
de la Santé n’a annoncé
que 19 nouvelles contamina-
tions au cours des dernières
24 heures, contre 40 la veille
et environ 1 500 chaque jour
au plus fort de la crise. Les
deux hôpitaux de fortune de
plus de 1 000 lits, construits
en dix jours à grand renfort
de publicité, sont toujours en
activité, mais les 16 centres de
conférences et gymnases ré-
quisitionnés pour accueillir
les malades ont été fermés.

Tribut. Depuis l’émergence
du Covid-19, c’est la première
visite du leader chinois dans
le Hubei. La province de
56 millions d’habitants a payé
un lourd tribut à la maladie,
avec plus de 3 000 morts et
3 000 soignants contaminés.
«Les premières étapes des
objectifs de stabilisation et de
redressement de la situation
au Hubei et à Wuhan ont été
réalisées. Mais les efforts de
lutte contre le virus à Wuhan
et la province environnante
du Hubei restent ardus» , a
précisé Xi Jinping, cité par
l’agence de presse officielle
Chine nouvelle.
Pour le 49e jour consécutif,
les 11 millions d’habitants de
Wuhan, où le premier ma-
lade a été hospitalisé le 8 dé-
cembre, n’ont pas le droit de
quitter la ville. En revanche,
une application pour télé-
phone portable va délivrer
aux autres citoyens du Hubei
des codes QR de couleur dé-
terminant leur droit à se dé-

placer, sans toutefois sortir
des limites de la province.
Les heureux détenteurs d’un
«code vert» (aucun contact
avec des cas confirmés ou
suspects) pourront bouger li-
brement à condition de ne
pas venir de zones «à risque
élevé». Les «jaunes» (en con-
tact avec un cas suspect) res-
tent assignés à résidence. Les
malchanceux classés «rouge»
(cas suspectés ou confirmés)
sont contraints à l’isolement.
La situation est toujours ten-
due dans le reste du pays,
avec plusieurs centaines de
milliers d’habitants confinés
à Pékin. Cette situation en-
core critique n’empêche pas
la propagande chinoise d’ef-
frayer la population avec les
quelques dizaines de cas im-
portés d’Italie et d’Iran (en
général des Chinois qui ren-
trent au pays), pourtant aisé-
ment traçables. «La police
vient de frapper à ma porte,
m’a interrogé sur mes voyages
récents, et a vérifié les tam-
pons sur mon passeport. Ils
m’ont expliqué que la plus
grande menace était désor-
mais les gens ayant voyagé
dans des pays à haut risque»,
racontait samedi sur Twitter
Jared T. Nelson, un avocat de
Shanghai.
Pendant ce temps, le Parti
communiste peut continuer
à réécrire l’histoire, avec
Xi Jinping comme vainqueur
de la «guerre du peuple contre
le virus». Le 27 février, le célè-
bre épidémiologiste Zhong
Nanshan avait déclaré que «le
coronavirus pourrait ne pas
venir de Chine». Une thèse
aussitôt reprise par le minis-
tère des Affaires étrangères et
le corps des ambassadeurs.
Dans une lettre envoyée à ses
ressortissants le 5 mars, l’am-
bassade de Chine à Tokyo a
parlé du Covid-19 comme du
«virus japonais». Samedi, Lin
Songtian, ambassadeur en
Afrique du Sud, affirmait sur
Twitter (interdit en Chine) :
«Bien que l’épidémie ait

d’abord émergé en Chine, cela
ne signifie pas forcément que
le virus en soit originaire.»
La censure d’Etat laisse op-
portunément proliférer les
théories complotistes affir-
mant que le virus viendrait
des Etats-Unis. Une présenta-
trice télé a réclamé que «le
reste du monde fasse des excu-
ses à la Chine pour les sacrifi-
ces qu’elle a consentis». L’ob-
jectif est de faire oublier que le
régime a perdu trois précieu-
ses semaines dans la bataille
contre la maladie, en censu-

rant l’information, en organi-
sant un banquet de 40 000 fa-
milles le 18 janvier à Wuhan,
et en laissant 5 millions de
Wuhanais partir en vacances
alors que l’épidémie était
avancée et repérée. La presse
officielle multiplie les images
de malades remerciant des
médecins épuisés mais victo-
rieux, et met l’accent sur la
propagation du virus sur la
planète et la difficulté des
pays démocratiques à freiner
l’épidémie, faisant l’impasse
sur les conséquences sociales

dramatiques de la quaran-
taine du Hubei, qui fragilise
les plus précaires et fait bon-
dir les violences conjugales.

Ras-le-bol. Depuis le vent
de colère qui a soufflé sur les
réseaux après la mort de Li
Wenliang, le médecin puni
pour avoir, le 30 décembre,
prévenu ses collègues de la
dangerosité du virus, le ré-
gime met les bouchées dou-
bles pour écraser toute criti-
que. Xu Zhiyong, un juriste
qui a appelé dans une lettre

Xi Jinping, déjà proclamé en Chine vainqueur


de la «guerre du peuple contre le virus»


Le président
chinois s’est rendu
pour la première
fois mardi à Wuhan,
d’où est partie
l’épidémie. Selon les
autorités, le nombre
de nouvelles
infections est
en chute libre
dans le pays.

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Cette curieuse vie à
Pékin au temps du coro-
navirus. Tests de tempéra-
ture omniprésents, visites
interdites, restaurants
contrôlés par la police...
Vivre dans la capitale chi-
noise au temps du corona-
virus n’est pas une siné-
cure, comme le raconte
notre correspondant sur
Libération.fr.

LIBÉ.FR

ouverte à la démission de Xi
Jinping pour ses manque-
ments dans la gestion de la
crise, a été condamné lundi à
15 ans de prison pour «sub-
version». Une partie de l’opi-
nion salue la réponse du pou-
voir. Mais une autre laisse
sourdre son ras-le-bol. «Les
Chinois, les Wuhanais en par-
ticulier, ont découvert la len-
teur et les problèmes de ce ré-
gime, confie une habitante
du Hubei. C’est peut-être le
début de quelque chose.»
LAURENCE DEFRANOUX
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