Libération - 11.03.2020

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Libération M ercredi 11 Mars 2020 u 9


l’agglomération...) les ont
reçus.
Signe des temps, le député
Jérôme Rivière est un an-
cien député UMP, en-
tre 2002 et 2007, et député
européen pour le RN de-
puis 2019. Côté grec, c’est un
proche d’Antónis Samarás,
l’ancien président de ND et
ex-Premier ministre qui a
été aux commandes pour
organiser ce déplacement. Il
s’agit de Faïlos Kranidiotis.
A la tête d’un petit parti
extrémiste, Nouvelle Droite,
il sert régulièrement de lien
entre la droite et l’extrême
droite, en Grèce mais aussi
avec les autres partis de ce
type en Europe.
Ironie de l’histoire, des re-
présentants de Syriza, le
parti de l’ex-Premier
ministre de gauche Alexis
Tsípras, sont arrivés mardi
dans la région alors que la
crise dure depuis dix jours.
Mais sans partenaires euro-
péens. Dans la bataille qui se
joue à la frontière gréco-tur-
que, la droite et l’extrême
droite ont visiblement un
coup d’avance.
FABIEN PERRIER
Envoyé spécial dans
le nord de la Grèce

frontière est menacée par les
migrants qui attendent de
l’autre côté du fleuve un hy-
pothétique passage vers la
Grèce, porte d’entrée de
l’Europe.
Le général grec l’assure : ils
seraient environ 35 000 à at-
tendre le long des frontières
terrestre et maritime entre
les deux pays. Pourtant, le
Haut Commissariat aux
réfugiés de l’ONU (HCR),
évalue à 20 000 le nombre
de migrants
massés côté
turc. «Ce n’est
pas une crise, mais une opé-
ration planifiée par la Tur-
quie», affirme Rivière. Qui
dénonce pêle-mêle l’ab-
sence de Frontex (l’agence
de contrôle des frontières
européennes), le manque de
soutien de l’UE ou encore sa
faiblesse face à Ankara.
La délégation reprend la
route sous le ciel gris de
mars. Direction le poste
frontalier de Kastaniès,
dans le nord de la région.
Les portes habituellement
closes s’ouvrent devant le
convoi. Au bout d’une
heure, les eurodéputés en
ressortent. «Nous avons pu
aller jusqu’aux barbelés, ra-

conte Bardella. L’armée
grecque a été très claire : il y
a très peu de Syriens. C’est
beaucoup d’Afghans, de Pa-
kistanais, de Somaliens,
d’Africains qui utilisent cette
voie ouverte par Erdogan.
La Turquie est très offensive
à l’égard de la Grèce.» Avec
son collègue Jerôme Ri-
vière, il affirme qu’il s’agit
de «jihadistes».
A ses côtés, Dries van Lan-
genhove rebondit : «Nous
devons soute-
nir la Grèce
dans son com-
bat contre l’immigration il-
légale massive. Les gardes-
frontières grecs ne sont pas
seulement les gardiens des
frontières grecques, mais de
celles de toute l’Europe.»
Dans la région, le tapis
rouge est déroulé à ces
émissaires identitaires. «Les
portes de ma mairie sont ou-
vertes à tous», défend Pana-
giotis Kalakikos, le maire de
Soufli, une petite commune
du coin. Lui est membre de
Nouvelle Démocratie, le
parti du Premier ministre,
Kyriákos Mitsotákis. Tout
au long de la journée, d’au-
tres membres de ce parti
(des maires, le président de

REPORTAGE


«Vous pouvez voir que, même
si nous souffrons beaucoup,
nous faisons de notre mieux
pour contrôler les frontières
de l’Europe. Je vous remercie
d’être venus.» En visite dans
le nord de la Grèce, au bord
du fleuve Evros qui marque
la frontière avec la Turquie,
quatre hommes boivent du
petit-lait en écoutant ces pa-
roles du général de l’armée
grecque Angelos Xoudelou-
dis. Tous sont députés euro-
péens et d’extrême droite : le
vice-président du Rassem-
blement national, Jordan
Bardella ; Jérôme Rivière,
qui représente aussi le RN
au Parlement de Strasbourg ;
le député belge du parti
Vlaams Belang Dries van
Langenhove et son cama-
rade Tom Vandendriessche.
Le général Xoudeloudi est,
lui, l’un des plus éminents
responsables de l’armée
grecque et le militaire en
chef dans la région de
l’Evros.
Un car des «MAT» (l’équiva-
lent des CRS en Grèce), des
militaires et quelques civils
montent la garde dans ce
paysage de marécages. Se-
lon eux, comme pour l’ex-
trême droite en visite, la

Venezuela Des milliers d’opposants
à Maduro défilent à Caracas


Plusieurs milliers de personnes ont manifesté mardi à Caracas
à l’appel du chef de file de l’opposition, Juan Guaidó, qui tente
de redynamiser le mouvement de protestation contre le prési-
dent du Venezuela, Nicolas Maduro, qu’il qualifie de «dicta-
teur»
en raison de la présidentielle «frauduleuse» de 2018. «Au-
jourd’hui, nous nous réunissons à nouveau dans la rue, l’espace
où nous, les citoyens, sommes libres»,
a écrit sur Twitter
Guaidó, reconnu comme président par intérim par près de
soixante pays. Au même moment, le pouvoir chaviste a appelé
à une «contre-manifestation». PHOTO AFP


Migrants : le pas de deux entre droite


grecque et extrême droite européenne


Pourquoi les migrants bloqués
à la frontière grecque évitent-
ils la Bulgarie? Dans le bras de fer
migratoire qui oppose la Turquie à l’Union européenne,
la Bulgarie, pourtant géographiquement en première ligne,
ne connaît pas la même affluence à sa frontière que la
Grèce. Réputé pour faire la vie dure aux réfugiés, le pays est
aussi protégé par les bonnes relations que son Premier
ministre entretient avec Recep Tayyip Erdogan. PHOTO AP

LIBÉ.FR

Vol MH17 Les enquêteurs néerlandais
accusent la Russie d’entraver l’enquête


La Russie tente «activement d’entraver» l’enquête sur le crash
du vol MH17, ont dénoncé mardi les procureurs néerlandais,
au deuxième jour du procès aux Pays-Bas de trois Russes et
un Ukrainien accusés d’avoir provoqué l’explosion de l’appa-
reil au-dessus de l’Ukraine en 2014. «Il y a des indications clai-
res que les services de sécurité russes tentent activement d’en-
traver les efforts pour établir la vérité derrière le crash du
vol MH17»,
a déclaré le procureur Thijs Berger devant les juges
du tribunal de Schiphol, en banlieue d’Amsterdam.


AGNÈS CALLAMARD
Rapporteuse spéciale
de l’ONU sur les
exécutions extrajudiciaires
AFP

Dimanche, 43 civils ont été
assassinés dans des villages
peuls de la commune de
Barga, dans le nord du Bur-
kina Faso, par des miliciens.
«Ce n’est pas un cas isolé»,
prévient Mathieu Pellerin,
analyste Sahel à l’Interna-
tional Crisis Group.
Le recours de l’Etat à des
«volontaires» pour sécu-
riser la région est-il voué
à l’échec?

Pas nécessairement. Si l’on
avait pris soin d’inscrire
cette réforme dans une logi-
que globale de gouvernance
de la sécurité, elle aurait pu
aider à lutter contre les vio-
lences, avec des garde-fous
bien précis. Malheureuse-


ment, ce n’est pas le cas.
Cela n’a fait qu’accentuer les
violences. Car dans un con-
texte de polarisation com-
munautaire, autoriser ces
«volontaires
de défense de
la patrie» à
prendre des armes, c’est leur
donner les moyens légaux
de se venger contre leurs
voisins sous couvert de lutte
antiterroriste.
Mais l’armée semble inca-
pable, seule, de contenir
la montée des violences...
Il est évident qu’au Burkina
Faso, les forces de défense et
de sécurité ne sont pas assez
nombreuses pour contrôler
autant de fronts de violences

simultanément, mais com-
bler ce vide par des civils ar-
més et formés en urgence
n’aide pas, au contraire. Les
nouvelles recrues des grou-
pes jihadistes,
en particulier
de l’Etat isla-
mique, cherchent avant tout
à se faire justice et à se ven-
ger selon des logiques com-
munautaires.
Le Jnim (Groupe de sou-
tien à l’islam et aux mu-
sulmans, terroriste) a an-
noncé lundi envisager des
négociations avec les au-
torités maliennes. Est-ce
un tournant?
C’est la première fois que le
Jnim , qui a prêté allégeance

à Al-Qaeda, s’exprime sur
cette question. C’est aussi la
première fois qu’il pose une
condition à l’ouverture d’un
dialogue : le retrait de l’ar-
mée française. On peut diffi-
cilement imaginer, en réa-
lité, que ce soit un prérequis.
Cela serait davantage un
point d’aboutissement. Il
s’agit avant tout d’un posi-
tionnement habile de la part
du Jnim, qui cherche à ren-
dre la France et le Mali res-
ponsables d’un éventuel
blocage des négociations.
De part et d’autre, il est trop
tôt pour savoir s’il y a une
sincère volonté de dialogue.
Recueilli par
CÉLIAN MACÉ

Burkina Faso : «Les recrues des


jihadistes cherchent à se venger»


INTERVIEW


«[L’ONU est] beaucoup trop


politisée pour mener une


véritable enquête sur l’assassinat


ciblé [de Jamal Khashoggi].»


La Rapporteuse spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudi-
ciaires a jugé que l’inaction internationale concernant le
meurtre de Jamal Khashoggi «remet fortement en question la
capacité de la communauté internationale à demander des
comptes aux gouvernements», lors d’une conférence de presse
mardi à Genève. Fin juin 2019, l’experte française avait affirmé
avoir rassemblé suffisamment de «preuves crédibles» pour jus-
tifier l’ouverture d’une enquête internationale sur l’assassinat
du chroniqueur du Washington Post le 2 octobre 2018 au con-
sulat d’Arabie Saoudite d’Istanbul, et demandé au chef de
l’ONU de la déclencher. Elle a jugé sa réponse «décevante».
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