Les Echos - 11.03.2020

(Ron) #1

Les Echos Mercredi 11 mars 2020 ENTREPRISES// 17


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De plus en plus de voitures neuves


à prix réduit dans les concessions


l Les immatriculations de circonstance, pour doper artificiellement les ventes ou anticiper un changement


de réglementation, ont atteint 17 % du marché l’an dernier.


lDes véhicules qui sont ensuite écoulés à bon prix comme « occasions zéro kilomètre ».


toisie par les concessionnaires,
sans qu’ils disposent de clients
identifiés.
Sur l’ensemble de l’année 2019,
cette catégorie a représenté 17 %
des quelque 2,2 millions de voitu-
res neuves immatriculées dans
l’Hexagone. Un niveau sans rap-
port avec le besoin des réseaux de
ventes de disposer de nouveaux
modèles pour les montrer aux
clients.
La palme de ces immatricula-
tions de circonstance revient à
Smart, qui a écoulé 1.472 voitures
en décembre... dont 1.257 en VD,
indique AAA Data, soit 85 % du
total. Sur l’ensemble de l’année,
48 % des 10.494 Smart immatricu-
lées en France sont des véhicules
de démonstration.

Renault et Peugeot
plus sages qu’Opel
En valeur absolue, c’est Renault
qui a le plus utilisé ce levier l’an
dernier, avec 61.624 VD sur douze
mois et un pic à 8.272 en décem-
bre, mais aussi un a utre à 10.291 e n
juin, possiblement dicté par la
volonté de relever un peu les r ésul-
tats semestriels.
Sur l’année, les VD représentent
15,1 % voitures particulières écou-
lées par la marque au losange, ce
qui est inférieur à la moyenne du
marché. Avec 46.940 VD seule-
ment sur l’année (12,3 % de ses
immatriculations), Peugeot est
encore plus sage. Citroën (14,3 %)
reste, lui, aussi inférieur à la

moyenne des constructeurs.
Ce n’est pas le cas d’Opel, qui
affiche 19.435 VD sur 66.901, soit
29 % des immatriculations de
2019 réalisées par les concession-
naires. Quand PSA s’est offert la
marque allemande, cette dernière
vendait environ 4 voitures sur 10
en Europe à ses concessionnaires
ou aux loueurs courte durée.

Atteindre les objectifs
de Bruxelles
Un score qui traduit vraisembla-
blement la volonté, comme chez
un certain nombre d’autres mar-
ques, d’écouler avant le 31 décem-
bre les stocks de modèles trop
pénalisants en termes d ’émissions
de CO 2 , afin d’atteindre plus facile-
ment les objectifs fixés par Bruxel-
les sur ce sujet en 2020. Volkswa-
gen, avec 22,4 % de VD, semble
être dans le même cas de figure.

Fiat (21,8 % de VD en 2019) est lui
aussi au-dessus de la moyenne du
marché français, mais moins
qu’Alfa Romeo (36,7 %), autre
marque du groupe FCA promis à
la fusion avec PSA.
Les constructeurs de berlines
allemandes ont eux aussi mis
l’accent sur les immatriculations
par le réseau l’année dernière :
Mercedes a écoulé par ce biais
18.990 voitures (dont 2.493 pour l e
seul mois de décembre), soit 27 %
de ses ventes dans l’Hexagone.
BMW est dans la même situation,
avec 24 % de VD. Dans les deux
cas, il s’agissait sans doute là aussi
de se débarrasser de certains
modèles trop émetteurs de CO 2 ,
mais aussi de devancer le durcis-
sement du malus au 1er jan vier,
particulièrement prononcé pour
les grosses cylindrées.
— L. S.

Smart en pointe des « ventes tactiques » l’an dernier


Av ec un bond de 27,7 % sur un an
des immatriculations, le mois de
décembre 2019 a été exceptionnel-
lement favorable pour le marché
automobile français. Mais ce
bond des ventes de voitures neu-
ves était largement en trom-
pe-l’œil : selon les statistiques
fournies par l e spécialiste des don-
nées automobiles AAA Data, sur
les 211.194 voitures écoulées ce
mois-là, près de 1 sur 4 a été imma-
triculée comme véhicule de
démonstration (VD) ou de cour-

La volonté d’esquiver
le durcissement du malus
automobile au 1er janvier
ou de réduire les émissions
de CO 2 a poussé plusieurs
marques à avoir la main
lourde sur les immatricu-
lations artificielles
l’an dernier, en particulier
en décembre.

Lionel Steinmann
@lionelSteinmann


Av is aux candidats à l’achat d’une
voiture : les opportunités d’acheter
chez un concessionnaire un véhi-
cule neuf ou quasiment neuf avec
un joli rabais o nt s ensiblement aug-
menté ces dernières semaines, et le
phénomène devrait régulièrement
se reproduire cette année, avec un
pic attendu au dernier trimestre



  1. Des bonnes affaires consé-
    cutives à des immatriculations de
    circonstance, faites pour stimuler
    artificiellement les ventes, ou pour
    esquiver des durcissements de la
    fiscalité ou des normes anti-CO 2.
    Ces coups de pouce aux chiffres
    ne sont pas une nouveauté. Dans
    le jargon du secteur, on parle de
    « ventes tactiques », qui viennent
    s’ajouter à celles réalisées auprès
    des particuliers et des entreprises.
    Avec deux principaux leviers : les
    ventes aux loueurs de courte durée
    (Avis, Hertz, Europcar, etc.) qui se
    font avec une très faible marge,
    mais aussi les immatriculations
    réalisées par les concessionnaires
    eux-mêmes, sous le motif de véhi-
    cules de démonstration (VD) ou de
    véhicules de courtoisie (lorsqu’il
    s’agit de dépanner un client).
    « Derrière ces immatriculations,
    il y a souvent un vrai besoin
    , avance
    Guillaume Paoli, cofondateur
    d’Aramisauto.com, l’un des leaders
    du marché de l’occasion en France.
    Les concessionnaires ont besoin
    des VD pour faire essayer les
    nouveaux modèles aux clients.
    Ils s’en servent aussi pour motoriser
    leurs forces de ventes. »

    Mais, peu à peu, les profession-
    nels ont pris l’habitude de gonfler
    artificiellement le nombre d’imma-
    triculations en recourant aux VD.
    Cela peut être une demande du
    constructeur, qui amène ses con-
    cessionnaires à prendre chacun
    quelques VD supplémentaires pour
    soutenir les volumes de production
    et les chiffres de ventes. Mais cela
    peut aussi être à l’initiative d’un
    distributeur. « Leur rémunération
    inclut des bonus basés sur le nombre
    d’immatriculations
    , explique
    Guillaume Paoli. A quelques unités
    près, les VD peuvent permettent
    d’atteindre l’objectif. »


Une voiture neuve sur
quatre en décembre 201 9

Les uns comme les autres se
sont accoutumés à enjoliver
les chiffres avec ce levier. Et ces
dernières années, ils ont forcé la
dose. Alors qu’en 2016, AAA Data
avait recensé 290.000 immatricu-
lations réalisées par les réseaux,
ce chiffre a grimpé l’an dernier
à 382.118! soit 17 % des ventes de


AUTOMOBILE


« Derrière ces
immatriculations,
il y a souvent
un vrai besoin. Les
concessionnaires
ont besoin
des véhicules
de démonstration
pour faire essayer
les nouveaux
modèles
aux clients. »
GUILLAUME PAOLI
Cofondateur d’Aramisauto.com

vo itures neuves en 2019. La ten-
dance a été particulièrement forte à
la fin 2019, avec 114.000 immatricu-
lations VD et garage sur le dernier
trimestre, dont 47.254 sur le seul
mois de décembre. Soit près d’une
voiture écoulée sur quatre ce
mois-là.
Ce pic conjoncturel a deux expli-
cations. Le durcissement du
barème du malus écologique au
1 er jan vier, tout d’abord : « Il y a des
modèles qu’il fallait immatriculer
absolument avant cette date pour
éviter un durcissement du malus de
plusieurs milliers d’euros » , expli-
que un concessionnaire.
Par ailleurs, les constructeurs
sont sous la pression des objectifs
de CO 2 f ix és p ar B ruxelles : depuis le
1 er jan vier, ces derniers ne doivent
pas dépasser, sous peine de fortes
amendes, un niveau moyen d’émis-
sion d e CO 2 d e 95 grammes par kilo-
mètre sur l’année 2020.

Des modèles à déstocker
massivement
Po ur atteindre plus facilement
l’objectif, la plupart des marques
ont taillé dans leur catalogue l’an
dernier en arrêtant de fabriquer
les modèles et les versions ayant
un bilan CO 2 médiocre. Elles ont
dû ensuite déstocker les voitures
déjà produites, en veillant à les
immatriculer avant le 31 décembre.
Quitte, lorsqu’elles ne trouvaient
pas d’acheteurs, à les immatriculer
en VD.

Conséquence, les réseaux de
ventes se sont retrouvés avec un
nombre conséquent de VD sur
leurs parkings début janvier. Une
situation qu’ils n’ont pas intérêt à
faire traîner, car ces voitures en
stock pèsent sur leur bilan. De sur-
croît, « immatriculer un véhicule
neuf, c’est lui donner une date de
naissance , explique Christophe
Maurel, président de la branche
concessionnaires du Centre natio-
nal des professions de l’automobile.
Il se déprécie ensuite au fil des mois. »

De bonnes affaires en vue
Po ur accélérer la vente, les conces-
sions mettent en avant ces « occa-
sions zéro kilomètre », et prati-
quent des discounts allant jusqu’à
30 % du prix catalogue. Les clients
sont logiquement au rendez-vous :
selon les statistiques du spécialiste
de l’o ccasion AutoScout24, les
ventes de voitures ayant moins
d’un an d’ancienneté ont augmenté
en janvier de 15 % sur un an, et de
17,5 % en février, deux hausses à
chaque fois supérieures à celle du
marché de l’occasion.
Et ces bonnes affaires devraient
à nouveau se représenter dans
les mois à venir, en particulier en
fin d’année. Pour atteindre leurs
objectifs CO 2 , les constructeurs
doivent immatriculer d’ici à fin
2020 des dizaines de milliers de
véhicules électriques. « Or, rien ne
dit que la demande des clients sera
là , pointe un professionnel. Si la
mayonnaise ne prend pas, il est très
probable que les marques qui auront
mis tardivement leurs modèles à
batteries sur le marché seront ame-
nées à faire des immatriculations
de circonstance à tour de bras en
décembre pour éviter les amendes
de Bruxelles. » Ce qui se traduirait
par un afflux de voitures électriques
neuves à prix réduit dans les
concessions en janvier 2021.n

Les constructeurs
sont sous la pression
des objectifs de CO 2
fixés par Bruxelles.

BMW et Mercedes
ont sans doute
cherché à devancer
le durcissement
du malus
au 1 er janvier,
particulièrement
prononcé
pour les grosses
cylindrées.
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