10 |france DIMANCHE 23 LUNDI 24 FÉVRIER 2020
0123
Premier prêche pour la femme
imame Kahina Bahloul
A
gauche dix femmes, à droite douze hommes et,
leur faisant face, l’imame. Une femme, Kahina
Bahloul, doctorante en islamologie, qui s’inscrit dans
la tradition soufie. Pour la première fois, des fidèles de la mos
quée libérale Fatima ont pu se réunir ensemble, côte à côte,
pour la prière, dans une petite salle louée à Paris, vendredi 21 fé
vrier. C’est la première manifestation publique de ce projet de
mosquée totalement mixte, l’un des deux qui existent à Paris.
L’autre, Simorgh, a tenu son premier office il y a six mois, en
septembre 2019. Dans les deux cas, les fonctions d’imam seront
exercées indifféremment par des hommes et des femmes, et
les fidèles se côtoieront dans la même salle.
Dans l’un et l’autre cas, pour des raisons de sécurité, les initia
teurs ont choisi de tenir secret le lieu de la réunion. Le bouche
àoreille a permis aux adeptes de se retrouver pour cette ini
tiative, qui sent le soufre pour certains adeptes d’un islam
traditionaliste. « La mixité comme ici est interdite dans presque
toutes les mosquées, mais pratiquée à La Mecque », a ironisé
l’autre cheville ouvrière du projet, le professeur de philosophie
Faker Korchane, tenant d’une inspi
ration mutazilite, un courant ratio
naliste de l’islam.
L’assistance est plutôt jeune.
Ahmed est venu avec ses deux filles,
de 13 et 10 ans. C’est la première fois
qu’il peut prier à leurs côtés hors
de chez lui. Qu’elles puissent accom
plir ce rite entre elles, c’est l’une
des raisons qui l’ont poussé à venir.
« L’islam en France est de plus en plus
fragmenté, affirme ce bon connaisseur des milieux musul
mans. Il y a des islams de plus en plus privés. Des groupes d’affi
nités se forment, avec des pratiques très hétérogènes. Mais ils
sont de taille réduite, et cela peut prendre du temps avant de
trouver celui qui vous convient. »
« Une possibilité de prière juste »
Auparavant, Michel Leboutet, membre du bureau de l’asso
ciation, pratiquait paisiblement à Limoges. Lorsqu’il s’est
installé en IledeFrance, racontetil, il a découvert « un islam
plus dur, plus sur les apparences ». Le projet Fatima lui a per
mis de reprendre ses aises.
Mariés, Hanifa et Adel sont eux aussi heureux d’avoir, enfin,
pu prier ensemble. Dans la plupart des mosquées traditionnel
les, les femmes sont reléguées dans une petite salle secondaire,
quand ce n’est pas au soussol. « Pour moi, c’est inespéré, cela
me réconforte. C’est une possibilité de prière juste », témoigne
Hanifa. Adel a apprécié la prédication de Kahina Bahloul.
« C’était réconfortant et rassurant. Elle apporte de la sensibilité.
Les hommes sont plus dans le machisme plus dur », assuretil.
Pour son premier prêche, la jeune femme a choisi de parler
de l’amour divin, « en ces temps où l’islam est devenu synonyme
de terreur, de peur, de séparatisme ». Elle a cité plusieurs au
teures, dont une sainte du VIIIe siècle et une mystique.
Trouver à louer une salle a été particulièrement difficile.
« Dès que l’on prononçait le mot “islam”, les propriétaires se ré
tractaient », témoigne Kahina Bahloul avec une pointe d’amer
tume. Il faut aussi assurer le financement de la location,
ce qui ne va pas de soi. Deux autres rendezvous sont, néan
moins, programmés en mars.
cécile chambraud
C’EST LA PREMIÈRE
MANIFESTATION
PUBLIQUE DU PROJET
DE MOSQUÉE FATIMA,
TOTALEMENT MIXTE
Les objections des magistrats
au rapport Thiriez
Le directeur de l’Ecole de la magistrature critique les propositions du texte
sur la réforme de la haute fonction publique remis mardi à Matignon
L
a mission de Frédéric
Thiriez sur la haute fonc
tion publique n’est ma
nifestement pas parve
nue à rassurer les magistrats ju
diciaires après la remise offi
cielle, mardi 18 février, de son
rapport au premier ministre. La
méfiance s’était instaurée dès
l’annonce de cette mission con
fiée à l’avocat au printemps 2019
par le premier ministre, Edouard
Philippe, alors que l’Elysée s’était
interrogé sur une éventuelle sup
pression de l’Ecole nationale de
la magistrature (ENM) avec celle
promise de l’Ecole nationale
d’administration (ENA).
Aujourd’hui, le directeur de
l’ENM, le magistrat Olivier Leu
rent, sort de sa réserve pour dé
noncer derrière ce rapport « le re
flet d’une méconnaissance de ce
qu’est l’école [de la magistrature] et
de son ouverture sur la société ». De
fait, à lire les « constats » auxquels
il consacre les premières pages de
son rapport, lesquels concernent
presque exclusivement l’ENA, la
formation des juges et des procu
reurs ne semblait pas la préoccu
pation de départ de M. Thiriez.
L’une des idéesforces de ce rap
port concernant la formation des
futurs hauts responsables est la
création d’un tronc commun de
six mois destiné à « forger une cul
ture partagée par l’ensemble des
cadres supérieurs des trois fonc
tions publiques [Etat, territoriale,
hospitalière] et de la magistrature
et encourager le travail en trans
versalité malgré la diversité des
métiers ». Une fois franchis les
concours d’entrée, les étudiants
partageraient cette période avant
de rejoindre leurs écoles d’appli
cation respectives.
Pour le directeur de l’ENM, un
tel tronc commun aurait du sens
s’il était placé en cours ou en fin
de formation. « Avant leur entrée
dans les écoles, ils n’ont pas
d’identité professionnelle acquise
et n’auront rien d’autre à partager
que ce qu’ils auront acquis avant,
souvent dans les mêmes parcours
universitaires », souligne M. Leu
rent. Il a d’ailleurs proposé à
M. Thiriez un tronc commun qui
pourrait durer plus de sept mois,
mais serait réparti sur les trente
et un mois de la formation ini
tiale à l’ENM.
Le directeur de l’école située
à Bordeaux se dit favorable au
renforcement des échanges et
développement d’une culture in
terprofessionnelle entre les grands
services publics « pour un meilleur
fonctionnement de l’Etat ». Mais
il rappelle qu’« un magistrat n’est
pas un haut fonctionnaire, sa mis
sion est d’être le gardien de la li
berté individuelle ».
Quant à la proposition de
M. Thiriez de créer vingt nouvel
les classes préparatoires inté
grées, M. Leurent y émet plu
sieurs objections. Non sans souli
gner que les trois classes « égalité
des chances » mises sur pied par
l’ENM, réservées à des étudiants
issus de milieux défavorisés ne
pouvant pas payer les prépara
tions privées devenues la norme,
ont permis en dix ans à 150 de
leurs élèves de réussir le concours
de la magistrature, tandis que le
bilan de l’ENA sur la même pé
riode n’est que de 7 étudiants.
M. Leurent s’inquiète du projet
selon lequel ces classes prépare
raient à l’ensemble des concours
de la haute fonction publique.
« Ce serait nier la motivation de
ceux qui veulent être magistrat
plutôt que préfet, sans compter
que les épreuves aux concours dif
fèrent. » Il préférerait obtenir un
budget pour trois classes supplé
mentaires (Strasbourg, Lyon et
Marseille) pour compléter celles
de Douai, Paris et Bordeaux.
« Propositions dangereuses »
Pour répondre à l’objectif de
diversification sociale et géogra
phique des recrutements, M. Thi
riez propose également de créer
un concours d’entrée spécial
pour les élèves issus de ces clas
ses préparatoires intégrées. « Il
serait catastrophique que la sé
lection soit reportée à la sortie,
quand l’école est chargée de déli
vrer un permis de juger ses conci
toyens », estime M. Leurent.
Le Syndicat de la magistrature
dénonce la philosophie du rap
port Thiriez, qui « dénote une ba
nalisation du rôle de l’institution
judiciaire qui devient un corps de
la fonction publique comme un
autre ». L’Union syndicale des ma
gistrats, parle de propositions
« inconséquentes, inadaptées et
même dangereuses. Si elles étaient
retenues, elles conduiraient pour
l’essentiel à un grave abaissement
de la qualité de la formation ac
tuellement dispensée aux futurs
magistrats et à une fonctionnari
sation de la magistrature ».
A contrecourant, Béatrice Bru
gère, secrétaire générale d’Unité
magistrats (FO), se félicite de la
proposition d’un Institut des
hautes études du service public
qui serait créé sur le modèle de
l’Ecole de guerre. « Cela permet
trait de sélectionner et former
dans un parcours des magistrats
appelés à diriger un tribunal ou
une cour d’appel alors que la ges
tion des carrières est aujourd’hui
inexistante dans la justice », sou
ligne la magistrate.
jeanbaptiste jacquin
Selon
le Syndicat de
la magistrature,
la philosophie du
rapport « dénote
une banalisation
du rôle de
l’institution
judiciaire »
LaFameuse Invasion
des oursen Sicile•
LeMystère des
pingouins•LeVoyage
dans laLune•
LeVoyage du prince•
Mafolle semaine
avec Te ss•Pat et Mat
en hiver•Shaun
le mouton :la ferme
contre-attaque•
Wonderland,le
royaume sans pluie•
Sherlock Junior•
Loups tendres
et loufoques•
L’Odyssée de Choum
- Marcheavec
les loups•L’ Équipe
de secours : enroute
pour l’aventure!
Ettrois
avant-premières.
AFCAEet Téléramaprésentent
Du
12fé vrier
au3mars
Avant-
premières,
projections,
animations,
pour partager
le plaisir
du cinéma
dans les
salles
Art et Essai
3,50€
chaque séance
pour tous
avec le pass
dansTélérama
du 12 et 19
février
et sur sa
nouvelle appli