Le Monde - 23.02.2020 - 24.02.2020

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D I M A N C H E 2 3 - L U N D I 24 F É V R I E R 2 0 2 0

« Vélotafer » :


s’y mettre


et persévérer


Les grèves des transports cet hiver


ont créé l’occasion (ou l’obligation) d’enfourcher


son vélo pour se rendre au « taf ». Cinq


commandements pour s’accrocher au guidon


Marlène Duretz

EN SELLE


Ta distance, tu évalueras
Tout cycliste occasionnel, voire inconnu au bataillon
du deux-roues jusqu’ici, peut se mettre facilement
en selle dès lors qu’il ne s’attaque pas d’emblée
à l’ascension du mont Ventoux. « Huit kilomètres
aller-retour, c’est rien, estime Julien Rabier, 32 ans, qui
a adopté le vélo pour se déplacer à La Rochelle,
en 2017. Juste quelques dizaines de minutes sans
forcer, tu n’as même pas le temps de transpirer. » Pour
le créateur du blog « Cestbiendetrebien.com »,
consacré au running, trail et bikepacking, « pas
besoin d’avoir de grosses bases. Tu prends vite le pli,
et tu progresses rapidement ».
2 % d’actifs français rejoignent leur travail à vélo
pour des distances majoritairement inférieures
à 5 km, rarement plus de 10 km. C’est même
le mode de déplacement qui rend « le plus heureux »,
selon les conclusions d’une étude de l’université du
Minnesota. Et c’est assez rapide en ville : de 10 km/h
à 16 km/h en moyenne – autour des 20 km/h pour
le vélo à assistance électrique, ou VAE. « Le vélo
est surtout utilisé lorsque le lieu de travail se trouve
jusqu’à 4 kilomètres du domicile, et décroît au-delà,
observent Frédéric Tallet et Vincent Vallès, auteurs
de l’étude Partir de bon matin, à bicyclette (Insee
Première, janvier 2017). Pour les distances de plus
de 15 kilomètres, les vélotafeurs sont moins de 0,5 %. »

Ton biclou, tu choisiras


« La condition physique n’est pas déterminante


dans le choix du vélo, mais l’usage qu’on en fait au


quotidien, si, considère Olivier Oudin, cofondateur


de Monsieur Cycles, vélociste à Saint-Maur-


des-Fossés (Val-de-Marne) depuis 2013. De plus,


tout ce qui apporte du confort sur un vélo, c’est du poids


en plus à déplacer. » Le cycle adopté par le vélotafeur,


qu’il le préfère VTT, « tout-chemin », électrique,


hollandais ou pliant, dispose au minimum d’une selle


suffisamment confortable pour qu’il n’en garde


pas le souvenir une fois qu’il en est descendu, d’une


chaîne graissée, d’une sonnette audible à plus


de 50 mètres, de pneus en bon état et bien gonflés,


ainsi que de deux dispositifs de freinage efficaces.


Et d’un éclairage en état de marche.


« Pour garantir le meilleur rendement, le vélo doit être


adapté à la taille du cycliste, lui permettre d’être plutôt


assis que couché pour une meilleure visibilité en ville


et disposer de grandes roues pour lui offrir le plus grand


déploiement possible et une meilleure adhérence, pré-


conise Olivier Oudin. Côté réglages, la pointe des pieds,


a minima, vient toucher le sol pour assurer les arrêts


en toute sécurité, et le gonflage des pneus est à vérifier une


fois par mois », selon ce spécialiste du vélo hollandais.


Même s’il reste cinq fois plus cher en moyenne


qu’un vélo classique, le VAE représente désormais


13 % du marché français du cycle (Observatoire


du cycle, 2018). A recommander pour les longues


distances, donc, et pour les mollets en quête d’une


assistance électrique au pédalage.


La sécurité, tu privilégieras
Outre le respect du code de la route qui s’applique
aux cyclistes, et sauf dispositions spécifiques
à une ville, la sécurité à vélo passe par trois fonda-
mentaux selon Olivier Schneider, président de
la Fédération des usages de la bicyclette : préparer
son trajet, être visible et équipé de bons freins. « Il
est primordial que le néophyte détermine l’itinéraire
qu’il va emprunter, privilégiant les infrastructures
cyclables sur son chemin, plus sécurisées », insiste
M. Schneider. Son vélo doit par ailleurs être obliga-
toirement équipé de feux de position, non cligno-
tants, de catadioptres (dispositifs rétroréfléchis-
sants), blancs à l’avant, rouges à l’arrière, et de
catadioptres orange sur les pédales et les roues.
Pour accentuer sa visibilité, sac, veste et/ou gilet à
bandes réfléchissantes sont à endosser, ce dernier
étant obligatoire hors agglomération de nuit
et par faible visibilité (pluie, neige, brouillard).
Quant au casque, obligatoire pour les moins
de 12 ans : « Je ne le décourage pas », explique
M. Schneider, qui défend le principe de « la sécurité
par le nombre », selon lequel « plus il y a de vélos sur
l’espace public, plus ils sont prévisibles par les autres
usagers, mieux ils sont vus et plus le risque d’accident
décroît ». Un casque qui, s’il est adopté, est ajusté
et léger, aux sangles bien réglées. En cas d’accident,
le casque réduit les traumatismes crâniens, mais
« ne peut rien contre un SUV de 2 tonnes », souligne
M. Schneider. Il reste toutefois « fortement
recommandé » par la Sécurité routière.
Enfin, à vélo, pas de casque audio, d’écouteurs ou
d’oreillettes, pas plus que de smartphone à la main,
infraction passible d’une amende de 135 euros,
sans perte de points sur le permis de conduire.

Les éléments, tu contreras
Le vélotafeur va forcément essuyer une averse impromptue, se
démener contre un vent glacial ou suer à grosses gouttes sous un
soleil de plomb ou sous le poids d’une doudoune inadaptée. « Le
vélotafeur porte en général des vêtements de saison qu’il va garder tout
au long de la journée. Ou du moins essayer! », explique Julien Rabier.
En hiver, l’ultratraileur accro de la petite reine superpose les
couches à la manière d’un oignon, l’air interstitiel l’isolant du froid.
En toute saison, il privilégie les tissus respirants et garde à portée
de main un pantalon et une veste (ou cape) de pluie, ainsi que
des couvre-chaussures. « Je déconseille le port de la capuche, qui gêne
la visibilité latérale. De toute façon, t’es censé avoir ton casque... »,
dit-il. Les plus frileux ajouteront à leur panoplie des gants et une
cagoule, à glisser sous le casque. Préférer le tour de cou à l’écharpe
au long cours qui aime à flirter avec les rayons de roue. Enfin,
pour éviter les « coups de chaud », diminuer la vitesse de ses tours
de pédalier le temps que le corps s’habitue à l’effort.

En pragmatisme,
tu gagneras
Arrivé sur son lieu de travail, tout le petit
barda du vélotafeur, humide ou détrempé,
appréciera d’être séché, ou ne serait-ce qu’aéré,
accroché à même le vélo s’il est entreposé
dans un local, ou suspendu à un portemanteau.
Eviter le séchoir au beau milieu du bureau,
ou la liquette malodorante sur le dossier de
la chaise. « Je fais sécher ma veste sur un cintre
accroché à l’armoire de mon bureau, et le panta-
lon, si besoin, sur le convecteur », explique Anna,
26 km par jour en VAE, depuis dix ans, en ré-
gion parisienne. Dans son caisson, la quinqua
dispose d’une paire de chaussures et d’une
tenue de rechange cohabitant avec une pompe
à vélo. « Ma chef accroche ses vêtements mouillés
au paper board, personne n’ose rien dire. »
Panier et/ou sacoche(s) amovibles, ainsi qu’un
sac à dos imperméable, viennent agrémenter
sa monture, engrangeant au gré des saisons
le protège-selle, la gourde, le déo, les lunettes
de soleil, ou transparentes pour ne pas verser
sa larme, les emplettes ou encore la pince à
vélo, le short à glisser sous la jupette à défaut
du Poupoupidou, pince à jupe aimantée.

Pratique


A embarquer : le support
vélo smartphone, étanche
à l’eau et à la poussière, et
une appli de navigation,
telle que Strava, Geovelo et
Bikemap, ainsi qu’en site fa-
vori la carte des pompes à
vélo en libre-service en Ile-
de-France (Parisenselle.fr/
services-velo).

A empocher : depuis
le 1er janvier, le « forfait mobi-
lité » en 2020, ex-IKV (in-
demnité kilométrique vélo),
est une mesure qui permet
aux collaborateurs d’une
entreprise d’être indemnisés
à hauteur de 0,25 euro/km
s’ils vélotafent, dans la limite
de 400 euros/an. Cette
prime, bien que facultative
pour l’entreprise, est
défiscalisée pour le salarié.

A lire : Vélotaf, mode d’em-
ploi du vélo au quotidien
(Larousse, 2019).

A écouter : la playlist de
papychanteur sur Deezer,
et sa sélection de 18 titres
autour du vélo, de la « Bicy-
clette, de Bourvil » au « Vélo,
de Bénabar » (Deezer.com/
fr/playlist/581857485)
et aussi le podcast « Pause
vélo » (Soundcloud.com/
pausevelo).

A réviser : l’index du vélo du
site Lecyclo.com, pour dis-
tinguer la fourche de la po-
tence (Lecyclo.com/outils/
dictionnaire-du-velo.html).

A expérimenter : la fixation
pour installer un parapluie
sur le guidon. Ce dispositif,
fortement déconseillé
par grand vent, ne main-
tient pas les pieds au sec
des Mary Poppins en herbe
(Hollandbikes.com/
299-porte-parapluie).
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