Le Monde - 21.02.2020

(Grace) #1

16 |économie & entreprise VENDREDI 21 FÉVRIER 2020


0123


Airbus, à la peine dans la défense


et le spatial, supprime 2 362 postes


L’Allemagne, principale base industrielle, est le pays le plus touché


L

a restructuration était at­
tendue, mais son ampleur
a surpris. Airbus a an­
noncé mercredi 19 février
son intention de supprimer 2 362
postes sur 34 000 d’ici à 2021 dans
sa division Defence and Space, re­
groupant les activités d’arme­
ment et de spatial de l’avionneur
européen. L’Allemagne, principale
base industrielle, sera la plus tou­
chée avec 829 postes supprimés,
suivie par l’Espagne (630). La
France sera affectée à hauteur de
404 postes, le Royaume­Uni de
357, et 142 dans les autres pays.
Dirk Hoke, le patron de la bran­
che défense et espace d’Airbus
dont le siège social est à Munich, a
dévoilé ce projet lors d’un comité
d’entreprise européen. Le premier
groupe de défense en Europe s’est
engagé « à fournir des précisions
sur ses intentions et à poursuivre
un dialogue constructif avec les re­
présentants du personnel ». Ces
derniers avaient été avertis en dé­
cembre 2019 que des coupes
étaient à prévoir dans les effectifs.
Si Airbus n’a jamais livré autant
d’avions commerciaux, le groupe
a publié le 13 février, une perte
nette consolidée de 1,4 milliard
d’euros en 2019 (contre un profit
de 3 milliards l’année précé­
dente). Cette contre­performance
est largement la conséquence de
l’amende de 3,6 milliards d’euros
que l’avionneur a dû acquitter
aux autorités françaises, améri­
caines et britanniques pour faits
de corruption.

Mais, après trois ans d’enquêtes,
Airbus s’était préparé à régler
cette pénalité. La restructuration
est la conséquence de la mauvaise
passe que traversent ses activités
à la fois dans la défense et dans le
spatial. « Pour la troisième année
consécutive », les livraisons sont
inférieures aux commandes net­
tes, précise le groupe, « principale­
ment en raison de l’atonie du mar­
ché spatial et du report de plu­
sieurs contrats de défense ».
Côté défense, rien ne va plus, ce
qui explique d’ailleurs la volonté
farouche du Parlement allemand
de remplir le carnet de comman­
des des usines outre­Rhin avec le
programme franco­allemand de
l’avion de combat du futur. En
particulier, une provision supplé­
mentaire de 1,2 milliard d’euros a
été dotée dans les comptes 2019
d’Airbus pour faire face aux diffi­
cultés persistantes de l’avion de
transport militaire A400M. Ré­
cemment, l’armée de l’air alle­
mande a refusé la livraison de
deux appareils.

« Nous avons revu à la baisse le
nombre de contrats export que
nous pouvions signer », explique
Guillaume Faury, le nouveau di­
recteur général d’Airbus, dans une
interview à La Tribune publiée
mercredi 19 février, même s’il pré­
cise : « L’année 2019 a très large­
ment confirmé une nette améliora­
tion de l’avancée du programme. »
En outre, Airbus signale qu’il est
pénalisé par « la suspension de li­
cences d’exportation de matériels
de défense à l’Arabie saoudite par le
gouvernement allemand, aujour­
d’hui prolongée jusqu’en mars
2020 ». Berlin a, en effet, décrété
un embargo sur les ventes d’ar­
mes vers le royaume après l’assas­
sinat du journaliste Jamal Khas­
hoggi le 2 octobre 2018. Le groupe
européen avait chiffré à 221 mil­
lions d’euros l’impact négatif sur
ses comptes 2019 de cette déci­
sion qui a notamment entravé
son activité dans la sécurisation
électronique des frontières.

Concurrence accrue
Côté spatial, le constat n’est guère
plus flatteur. Or, c’est dans ce sec­
teur que travaille une bonne par­
tie des salariés qui occupent les
7 300 postes d’Airbus défense et
espace en France. Le site le plus
important du groupe se trouve à
Toulouse. Les discussions avec les
syndicats sur la répartition des
coupes démarreront mi­mars.
Les opérateurs de satellites sont
confrontés depuis plusieurs an­
nées, sur fond de concurrence ac­
crue, à une baisse du marché des
télécoms qui pèse sur leur chiffre
d’affaires. Thales Alenia Space
(TAS), le grand concurrent franco­
italien d’Airbus, qui emploie 8 000
salariés, avait affiché dès 2019 son
intention de supprimer 452 postes
sur ses sites de Cannes et de Tou­
louse. « Nous prévoyons de nom­
breuses opportunités pour notre
activité spatiale. C’est pour cela que
nous voulons aborder cette période
avec une base de coûts appropriée
à la situation du marché », a indi­
qué M. Faury à La Tribune.

Alors que la conquête de l’es­
pace a été relancée, notamment
sous l’impulsion des acteurs pri­
vés du « New Space » Elon Musk et
Jeff Bezos, les satellites devien­
nent soit de plus en plus lourds et
complexes, soit de plus en plus
petits à l’image des nano­satelli­
tes lancés sous forme de constel­
lations. Dans les deux cas, le mar­
ché se concentre sur quelques
commandes majeures que les
opérateurs ne peuvent pas se per­
mettre de perdre.
D’où la nécessité de maintenir
leur compétitivité. Ce qui repose
la question d’un rapprochement
entre les activités spatiales d’Air­
bus et Thales Alenia. Le vieux ser­
pent de mer de l’espace.
isabelle chaperon

Pour la troisième
année, dans
ces activités,
les livraisons
sont inférieures
aux commandes
nettes

Le programme de l’avion de combat


franco­allemand franchit une nouvelle étape


Dassault obtient le premier contrat de 150 millions d’euros pour développer
ce projet. Celui­ci renforcera l’autonomie stratégique européenne à l’horizon 2040

L’


avion de combat du futur
suit, presque, son plan de
vol, et ce n’est déjà pas
une mince affaire, compte tenu
des obstacles qui encombrent la
route de ce programme lancé en
juillet 2017 par le président Em­
manuel Macron et la chancelière
allemande, Angela Merkel.
Jeudi 20 février, une étape im­
portante devait être franchie
pour faire voler des démonstra­
teurs du chasseur nouvelle géné­
ration en 2026. Cet avion est la
pièce maîtresse du système de
combat aérien du futur (SCAF),
qui comprendra également dro­
nes et autres satellites, afin de
renforcer, à l’horizon 2040, l’auto­
nomie stratégique européenne.
La ministre des armées Florence
Parly et son homologue alle­
mande Annegret Kramp­Karren­
bauer devaient parapher en ce
sens un « arrangement d’applica­
tion », une sorte d’avenant, à l’ac­
cord­cadre établi lors du salon du
Bourget, en juin 2019. Dans la fou­
lée, la direction générale de l’ar­
mement (DGA) devait notifier la
commande de démonstrateurs à
Dassault, leader pour l’avion de

combat. Dassault, Airbus, Thales,
Safran, MBDA, MTU et bientôt
l’espagnol Indra se partagent les
rôles sur les cinq « piliers » identi­
fiés – avion, moteur, « cloud » de
combat, drones d’accompagne­
ment, management global.
Ce contrat de recherche et de
technologies, d’une valeur de
150 millions d’euros, est financé à
parts égales par la France et l’Alle­
magne. L’Espagne étant montée à
bord plus tard, elle contribue peu,
à ce stade, aux dépenses, mais un
accord tripartite devait également
être signé jeudi par Ángel Olivares
Ramírez, secrétaire d’Etat auprès
de la ministre de la défense espa­
gnole Margarita Robles.

Répartition équitable
Les industriels avaient espéré une
commande de démonstrateurs
dès le Salon du Bourget, mais
deux obstacles politiques ma­
jeurs ont dû être levés en préala­
ble. Le premier concernait les con­
trats d’exportation. L’embargo dé­
crété par l’Allemagne sur les ex­
portations d’armes vers l’Arabie
saoudite, après l’assassinat du
journaliste Jamal Khashoggi le

2 octobre 2018, avait entravé les
industriels français dont les maté­
riels contenaient des composants
allemands. Il n’était pas question
pour Paris de laisser Berlin déci­
der à qui la France pouvait vendre
le SCAF, d’autant que le modèle
économique du projet repose sur
une commercialisation auprès de
tiers. Le 16 octobre 2019, lors du
sommet franco­allemand de Tou­
louse, Emmanuel Macron et An­
gela Merkel avaient annoncé un
accord sur ce volet.
Autre difficulté, il a fallu obtenir
l’aval du Parlement allemand qui
valide tout investissement supé­
rieur à 25 millions d’euros. Or

outre­Rhin, sur fond de tensions
entre industriels, le sentiment est
que la France se taille la part du
lion. Ne serait­ce que parce qu’elle
a le leadership sur le SCAF, pro­
gramme beaucoup plus vaste que
celui sur le char du futur, piloté
par l’Allemagne. « Le choix a été de
construire sur des compétences
existantes. La répartition sera équi­
table, mais le retour industriel de­
vra être jugé sur la durée du pro­
gramme et de façon globale », indi­
que­t­on au ministère des armées.
Le 12 février, le Bundestag a voté
l’enveloppe pour les démonstra­
teurs, tout en affichant la volonté
de veiller aux retombées du SCAF
pour l’industrie allemande. La
grande question désormais est de
savoir si l’avion franco­allemand
pourra survivre à la fin de la
grande coalition formée par An­
gela Merkel.
Face à ce risque, la France veut
avancer le plus rapidement possi­
ble pour ­ si Berlin avait un jour
des doutes sur ce programme
chiffré à 4 milliards d’euros d’ici à
2025, 8 milliards d’ici à 2030 ­ jeter
l’éponge ne soit plus une option.
i. ch.

L’inflation reste


particulièrement stable


en ce début 2020


En janvier, sur un an, les prix à la
consommation ont progressé de 1,5 %

A


vec une hausse de 1,5 %,
en janvier, des prix à la
consommation sur les
douze derniers mois – le même
rythme qu’en décembre 2019 –,
l’inflation reste parfaitement sta­
ble en France, selon l’Insee, jeudi
20 février. Si les prix de l’alimen­
tation et du tabac ont légèrement
ralenti en janvier, ces économies
pour les ménages ont été contre­
balancées par une progression
des prix de l’énergie. Mais cette
hausse de 1,5 %, souligne Denis
Ferrand, directeur général de
Rexecode, permet de « préserver le
pouvoir d’achat » des ménages,
puisque le salaire mensuel de
base a augmenté à un rythme lé­
gèrement supérieur à l’inflation.
Comme tous les ans, les soldes
de janvier ont fait baisser les prix
d’un certain nombre de biens de
consommation – jusqu’à – 11,2 %
pour l’habillement et les chaussu­
res, par exemple –, ce qui se tra­
duit dans l’indice des prix par une
diminution de 0,4 % en janvier.
Les prix alimentaires ont, eux,
augmenté de 0,4 % en janvier, ti­
rés par les produits frais, dont les
étiquettes ont progressé de 2,8 %.
En revanche, les tarifs des trans­
ports ont baissé en janvier (moins
7,3 %), après les rabais et autres
remboursements proposés par la
SNCF et la RATP pour compenser,
auprès de leurs usagers, les grèves
de décembre.
De manière surprenante, dans
un contexte de chute des prix du
pétrole, les tarifs de l’énergie ont
augmenté de 0,5 % en janvier et
de 4,5 % sur un an. En revanche,
les prix des services, eux, n’ont
pas bougé. Enfin, le tabac a aug­
menté de 0,1 % en janvier et de
14,4 % sur les douze derniers
mois. « Hors prix du tabac, on ne
constate pas d’accélération de l’in­
flation », précise M. Ferrand.
Corrigés des variations saison­
nières, les prix à la consomma­
tion augmentent de 0,3 % en jan­
vier, après +0,2 % en décembre.
Si l’inflation reste contenue en
France, les prix à la consomma­
tion y sont plus élevés qu’en Alle­

magne, ce qui peut expliquer des
perceptions négatives des ména­
ges sur l’évolution de leur pouvoir
d’achat. Les comparaisons effec­
tuées par Eurostat sur un panier de
biens et services similaire mon­
trent que le niveau des prix dans
l’Hexagone est supérieur de 5,7 %
en France par rapport à l’Allema­
gne. En comparaison à la zone
euro, la différence s’élève même à
7,3 %. « Si l’on considère qu’en
France le niveau de revenu par ha­
bitant est inférieur de dix points à
celui de l’Allemagne, alors l’écart de
pouvoir d’achat devient significa­
tif », ajoute M. Ferrand.

Une méthode « plus précise »
A noter, par ailleurs, que cet in­
dice des prix à la consommation
est le premier calculé par l’Insee,
selon une nouvelle méthode. Plu­
tôt que d’effectuer, chaque mois,
30 000 relevés sur le terrain, les
enquêteurs ont désormais accès
aux tickets de caisse des grandes
surfaces (supermarchés et hyper­
marchés), soit près de 80 millions
de produits vendus (alimentaire,
entretien, hygiène­beauté...).
« L’exhaustivité de la source per­
met de produire des indices plus
précis », souligne l’Insee. Cela lui
permettra également de mieux
évaluer les quantités vendues
pour chaque produit ainsi que le
prix ou chiffre d’affaires associé,
ou bien de calculer des indices de
prix à l’échelle régionale. Cepen­
dant, cette méthode ne concerne
que 10 % des produits inclus dans
le « panier » fixe de biens et servi­
ces qui sert de base à l’indice des
prix. L’institut de statistiques uti­
lise également 500 000 prix rele­
vés de façon dématérialisée (ta­
rifs, consommation Internet,
données administratives...).
béatrice madeline

Virgin Galactic s’envole en Bourse


Quelques mois seulement après son arrivée à Wall Street, fin oc-
tobre 2019, la compagnie de tourisme spatial Virgin Galactic est
devenue l’une des actions les plus en vue à la Bourse de New
York. Sa valeur a bondi de 223 % depuis le début de l’année. Mer-
credi 19 février, le titre a encore pris 23,27 %, après sept séances
consécutives de hausse. Fondée en 2004 par Richard Branson,
Virgin Galactic prévoit d’envoyer ses premiers clients dans l’es-
pace d’ici à l’été 2020 dans son vaisseau, un voyage à environ
250 000 dollars (232 000 euros). Il est en concurrence avec Blue
Origin, fondé par le patron d’Amazon, Jeff Bezos. – (AFP.)

LES  CHIFFRES


10,9  MILLIARDS
C’est, en euros, le chiffre d’affai-
res enregistré, en 2019, par la
branche défense et espace, mar-
quant une baisse de 1 % sur un
an. Elle représente 15 % de l’ac-
tivité globale du groupe qui s’est
élevée à 70,4 milliards d’euros,
en hausse de 11 % sur un an.

881  MILLIONS
Telle est, en euros, la perte d’ex-
ploitation (EBIT) de l’activité dé-
fense et espace en 2019, contre
un bénéfice de 676 millions
l’année précédente. Le groupe,
quant à lui, connaît un résultat
de 1,339 milliard, en chute
de 73 % par rapport aux
5 milliards de 2018.

34 
C’est le nombre de salariés de la
branche défense et espace d’Air-
bus, ce qui représente le quart
des effectifs totaux du groupe,
soit 134 931 personnes.

Pour calculer
l’indice des prix,
l’Insee
a désormais
accès aux tickets
de caisse
de la distribution

L’appareil est la
pièce maîtresse
du système
de combat aérien
du futur, qui
comprendra
aussi drones et
autres satellites

Evolution mensuelle de l’ination
en France, en % (glissement annuel)

2,3 %
Juillet 2018

Janv.
2017

Janv.
2018

Janv.
2019

Janv.
2020

1,

1,

0,
0,

1,

1,

Source : INSEE

du lundi
au vendredi

11H –11H


Florian


Delorme


L’esprit
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