Le Monde - 21.02.2020

(Grace) #1

4 |international VENDREDI 21 FÉVRIER 2020


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Covid­19 :


une épidémie


mieux connue


Une vaste étude chinoise lève en


partie le voile sur la transmission


de la maladie qui ébranle le pays


U


n peu plus de
deux mois après
le début de l’épi­
démie de Co­
vid­19, le par­
tage de données
scientifiques à une échelle et à
une rapidité inédites permet de
lever une partie du voile sur cette
forme d’infection respiratoire et
sur le nouveau coronavirus qui
en est responsable, le SARS­CoV­2,
mais une partie seulement.

Connaît­on l’origine du virus?
Il est bien établi que la maladie
est provoquée par ce virus in­
connu jusqu’alors, mais l’origine
du SARS­CoV­2 reste incertaine. Il
semble bien avoir pour ancêtre
un coronavirus trouvé chez des

chauves­souris, qui serait com­
mun avec son cousin responsable
du SRAS (syndrome respiratoire
aigu sévère).
Le SARS­CoV­2 présente une
forte similitude avec un corona­
virus hébergé par un autre mam­
mifère, le pangolin. Il est vrai­
semblable que le coronavirus de
chauve­souris soit passé par un
hôte intermédiaire, a priori le
pangolin, en évoluant génétique­
ment, puis que ce virus, après de
nouvelles mutations, soit devenu
apte à infecter les humains.
Mais on ignore encore les cir­
constances dans lesquelles le
SARS­CoV­2 est parvenu jusqu’à
l’homme. L’épidémie a été dé­
couverte avec les cas groupés
autour du marché aux poissons

de Huanan, à Wuhan, mais on a
appris depuis l’existence de
quelques cas antérieurs chez des
personnes qui ne l’avaient pas
fréquenté.

Que sait­on sur la maladie Co­
vid­19? La durée moyenne d’in­
cubation entre la contamination
et le début des symptômes
tourne autour de six jours. Elle
peut aller jusqu’à douze jours,
d’où le choix d’isoler pendant
quatorze jours les personnes
ayant été en contact avec un sujet
infecté. A quelques exceptions
près, l’immense majorité des cas
de contamination survient au
contact de personnes présentant
déjà des manifestations de la
maladie. Le Centre chinois de
contrôle des maladies (CCDC) a
publié les caractéristiques épidé­
miologiques d’un grand nombre
de malades, pour les trois quarts
dans la province du Hubei, dont
près de 45 000 cas confirmés en
laboratoire. Cet article, publié le
17 février, donne une idée plus
précise de cette infection.
Elle est considérée comme bé­
nigne dans 80 % des cas et semble
fatale à 2 % des personnes infec­
tées. Celles qui décèdent sont
plutôt âgées : 80 % d’entre elles
avaient au moins 60 ans. Aucun
des 416 enfants de moins de
10 ans contaminés n’est mort.
L’existence d’une pathologie
préexistante augmente forte­
ment le taux de létalité : il est de
0,9 % chez les personnes par
ailleurs en bonne santé, mais
bondit à 10 % en présence d’une
maladie cardiovasculaire, à 7 % en
cas de diabète et à 6 % si le patient
présente une maladie respira­
toire chronique.
Il est encore trop tôt pour éva­
luer les séquelles chez les patients
guéris. « Il serait naïf de les mino­
rer, prévient le professeur Denis
Malvy, responsable de l’unité ma­
ladies tropicales du centre hospi­
talier universitaire (CHU) de Bor­
deaux. On sait que certaines ma­
ladies infectieuses ont des mani­
festations à long terme. »

Peut­on espérer des traite­
ments? Il n’existe aucun traite­
ment contre le SARS­CoV­2, mais
plus de 80 essais cliniques sont
en cours. Il s’agit, le plus souvent,
des mêmes molécules, seules ou
en combinaison. Parmi elles, le
remdesivir, du laboratoire améri­
cain Gilead, testé sans succès
pendant l’épidémie d’Ebola. « Il
s’attaque à la machinerie du virus
en inhibant l’activité de l’enzyme
qui lui permet de se répliquer »,

explique le professeur Denis
Malvy. « Il s’administre par perfu­
sion et est donc réservé à des ma­
lades déjà hospitalisés », précise­
t­il. Le patient hospitalisé dans
son service et sorti guéri le 13 fé­
vrier en a bénéficié dans un con­
texte d’urgence, mais il faudra at­
tendre le résultat des essais com­
paratifs pour savoir s’il apporte
un réel bénéfice.
« Les réserves cliniques de
remdesivir sont actuellement limi­
tées, mais nous nous efforçons de
les augmenter aussi rapidement
que possible », indique Sonia
Choi, porte­parole du groupe aux
Etats­Unis. « Nous les utilisons en
ce moment pour répondre aux de­
mandes d’usage compassionnel
[permettant des traitements par
des médicaments non autorisés]
et aux deux essais cliniques prévus
en Chine », explique­t­elle.
La combinaison de deux antivi­
raux – le lopinavir et le ritonavir –
indiqués dans le traitement du
VIH, semble également promet­
teuse. Commercialisée sous la
marque Kaletra par le laboratoire
AbbVie, elle a déjà été adminis­
trée à des patients infectés par
d’autres coronavirus – le SRAS et
le MERS, apparus en 2012 au
Moyen­Orient. « Ce ne sont que
des données empiriques. Le niveau
de preuve de l’efficacité est très fai­
ble. Les médecins l’essaient dans
les cas désespérés », souligne So­
phie Fages, directrice médicale
d’AbbVie en France.
Sollicité par les autorités chinoi­
ses, le laboratoire américain a
donné l’équivalent de 14 millions
de yuans (1,85 million d’euros) de
son médicament. S’il s’avère utile,
la firme essaiera de répondre à la
demande, mais « la priorité sera
donnée aux patients VIH », indi­
que Sophie Fages : « On ne va pas
les priver de leur traitement. »
Au côté de molécules classiques
comme la chloroquine – un anti­
paludique –, des thérapeutiques

bien plus expérimentales ont fait
leur apparition en Chine dans la
liste des essais cliniques : infusion
de cellules souches, cocktails de
plantes médicinales, transfusion
de plasma de patients guéris...
Des vaccins sont aussi en cours
de développement, mais ils ne se­
ront pas disponibles avant des
mois. Le CEPI, une coalition qui fi­
nance des recherches dans le do­
maine des maladies infectieuses,
a déjà mis 19 millions de dollars
(17,6 millions d’euros) sur la table
pour financer quatre vaccins. Le
département de la santé améri­
cain a par ailleurs conclu deux
partenariats distincts avec le
géant américain Johnson & Jo­
hnson et le français Sanofi.

Quelle peut être l’évolution de
l’épidémie? Toute tentative de
prévision paraît prématurée. Un
tassement du nombre de nou­
veaux cas quotidiens a bien été
enregistré – à l’exception d’un pic
brutal, le 12 février, lié à un change­
ment de la définition des cas –, no­
tamment dans la province du Hu­
bei, mais on ne peut exclure l’ap­
parition d’autres foyers en Chine.
Tedros Adhanom Ghebreyesus,
le directeur général de l’Organi­
sation mondiale de la santé
(OMS), répète que la riposte de
Pékin face à l’épidémie offre un
répit que le reste du monde doit
mettre à profit afin de se prépa­
rer à faire face à ce virus, plus fa­
cilement transmissible que le
SRAS ou le MERS. A l’heure ac­
tuelle, vingt­six pays autres que
la Chine et les régions qu’elle ad­
ministre ont signalé des cas sur
leur territoire. Hormis le bateau
de croisière Diamond­Princess,
où plus de 600 cas d’infection
ont été dénombrés, il n’existe pas
de foyer épidémique actif hors de
Chine. C’est la nuance qui expli­
que que l’OMS n’ait pas encore re­
qualifié l’épidémie en pandémie.
Cette évolution reste toutefois
possible, avec des craintes parti­
culières dans le cas de foyers s’éta­
blissant dans des pays ayant un
système de santé moins robuste
que celui de la Chine, notamment
en Afrique. Le rôle du change­
ment de saison, avec la fin de la
période hivernale, a été étudié par
l’équipe de Mauricio Santillana
(Harvard University). Selon son
estimation, l’augmentation de la
température et de l’humidité ne
devrait pas entraîner à elle seule
de baisse des infections sans la
mise en œuvre de mesures de
santé publique à grande échelle.
paul benkimoun
et chloé hecketsweiler

UN TASSEMENT 


DU NOMBRE DE NOUVEAUX 


CAS QUOTIDIENS


A BIEN ÉTÉ ENREGISTRÉ, 


NOTAMMENT DANS LA 


PROVINCE DU HUBEI, MAIS 


ON NE PEUT EXCLURE 


L’APPARITION D’AUTRES 


FOYERS EN CHINE


Prise de la
température
corporelle d’une
habitante de
Wuhan, dans la
province chinoise
du Hubei,
le 17 février.
CHINA DAILY/REUTERS

C O R O N A V I R U S


JérômeFenoglio, Jean-Hervé Lorenzi,
Directeur duMonde Président duCercle des économistes

COMMENT RECONCILIER LA


FRANCEAVEC SES TERRITOIRES?


Dans un contexte social explosif où les citoyens réclament une
consultation plus directe de leurs opinions et alors que c’est au niveau
territorial que les Français ont le plus confiance dans leurs élus, quelrôle
accorder aux territoires?

À une semaine des élections municipales, le Cercle des économistes et
Le Monde vous invitent à débattre de cette question avec des
intellectuels, économistes, entrepreneurs, politiques etreprésentants de
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Avec entre autres : Philippe AGHION, Xavier BERTRAND, Maxime de
ROSTOLAN, Philippe d’ORNANO, Marie ELOY, Jérôme FENOGLIO, Michel
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MARTIN, Christian SAINT-ETIENNE...

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Programme et inscriptions sur
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OUVERTURE DES PORTES ÀPARTIR DE 8H
---------
Auditorium de la Cité de l’Architecture et du patrimoine
7, avenue Albert-de-Mun, 75116PARIS

0123


ONT LE PLAISIR DEVOUS CONVIER À LA CONFÉRENCE


LE VENDREDI 6 MARS DE 9H À 13H

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