Le Monde - 14.03.2020

(WallPaper) #1

Un PA R IS très réussi.


MALGRÉ L’ÉPIDÉMIE DUE AU CORONAVIRUS ET EN DÉPIT
DE QUELQUES ANNULATIONS, LA FASHION WEEK PARISIENNE
A TENU TOUTES SES PROMESSES. LA SAISON 2020-2021 EST
D’ORES ET DÉJÀ À RANGER PARMI LES CRUS D’EXCEPTION.

Il y a un an, en février  2019, Felipe Oliveira
Baptista avait fait le choix de partir en vacances. Il
ne voulait pas être à Paris pendant la Fashion
Week, sentir la folie gagner le microcosme de la
mode et rester simple spectateur. Cette saison,
deux ans après avoir quitté non sans douleur
Lacoste, c’est en tant qu’acteur de premier plan
qu’il a réintégré le calendrier officiel : le voilà
depuis juillet 2019 directeur de la création de
Kenzo. La marque à l’extraordinaire popularité,
propriété du groupe LVMH, l’a nommé au poste
que se partageaient depuis 2011 Carole Lim et
Humberto Leon, les fondateurs du concept store
américain Opening Ceremony. Un grand change-
ment. De style, de personnalité, de culture. Ce fut
aussi, cette saison, alors que le milieu est souvent
soumis au fameux jeu des chaises musicales,
la seule « première » d’un nouveau directeur artis-
tique au sein d’une grande maison.
Et pour bien comprendre ce qui s’est joué mer-
credi 26 février, au milieu des arbres qui com-
mençaient à fleurir dans le jardin de l’Institut
national des jeunes sourds, sous la tente en plas-
tique réutilisable qui servait de décor transparent
au premier show de FOB pour Kenzo, il faut
refaire les présentations. Felipe, comme tout le


1 – FELIPE OLIVEIRA BAPTISTA, KENZO SOUS UN NOUVEAU JOUR.

monde l’appelle, bénéficie depuis dix-huit ans
d’une énorme cote d’amour dans le milieu.
Difficile de lui trouver des détracteurs. Bosseur,
déterminé, charmant quadra qui circule à vélo,
styliste, dessinateur et photographe talentueux,
sincèrement empathique et sympathique, père
de deux enfants et amoureux de sa femme,
Séverine, qui travaille avec lui depuis ses débuts
et assure aujourd’hui la fonction de directrice de
studio chez Kenzo, prompt à la fête et à la rigo-
lade, d’une grande douceur physique et morale,
étranger au mauvais goût... Il coche beaucoup de
cases. « L’année où Felipe a remporté le Grand Prix
au Festival d’Hyères, en 2002, Karl Lagerfeld était
président du jury. C’est donc pour moi un beau sou-
venir à double titre, se souvient Jean-Pierre Blanc,
son fondateur. Il a tout de suite fait l’unanimité.
C’était une évidence. On sait souvent dès la récep-
tion du dossier s’il va ou non se passer quelque
chose. Ce fut le cas cette fois, rien qu’en voyant la
photo de la robe en compétition. Une robe noire à
volants, immensément simple mais qui dégageait un
charme indéfinissable. » La légende veut que
Séverine et lui aient dû vendre leur voiture pour se
payer les tissus de leur toute première collection,
achetée, dans la foulée du concours, par le concept

store Colette.
Depuis lors, Blanc et Oliveira Baptista sont restés
amis. FOB est un fidèle. Pour son baptême du feu
chez Kenzo, il a invité Sylvie Grumbach, qui fut son
attachée de presse quand il avait sa propre marque
(de 2003 à 2014). « Je l’ai vu au fil du temps acqué-
rir une maturité assez exceptionnelle et, rapide-
ment, un style un peu plus tailleur que fluide. J’ai été
un peu triste quand il est parti, mais c’est le lot de
tous les bureaux de presse indépendants. On avait
une relation sympathique et facile, il m’a manqué...
Mais j’ai continué à suivre son travail. Il m’invitait
aussi quand il était chez Lacoste. Quasiment per-
sonne ne fait ça, car les nouveaux attachés de
presse invitent rarement les anciens... »
Le 26 février, Felipe Oliveira Baptista a aussi
convié Kenzo Takada à son défilé. Voir un styliste
culte assister au renouveau de la marque qu’il a
créée il y a cinquante ans et qui porte encore
son nom est émouvant et symbolique. Comme
un pacte d’allégeance du petit nouveau aux
racines du style et à l’esprit maison. Felipe, qui
trouve aussi incongru de ne pas faire référence au
fondateur que si l’on « avait demandé à Karl
Largerfeld chez Chanel de ne jamais évoquer
Coco », se sent des affinités naturelles avec

Texte Caroline ROUSSEAU — Photos Chloé LE DREZEN

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LE GOÛT

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