Le Monde - 14.03.2020

(WallPaper) #1

3 – RETOUR AUX SOURCES.
Il en faut de l’énergie pour arracher un sourire au public
de la mode, à plus forte raison lorsqu’on arrive à l’avant-
dernier jour de la Fashion Week, autour de 19 heures...
Et de l’énergie, Lamine Kouyaté, le fondateur de Xuly.Bët
(« ouvre grand les yeux », en wolof), n’en manque pas car,
face à son défilé, même les plus blasés ont applaudi
chaudement. « Je voulais une collection tournée vers la
jeunesse, le futur. La mode, c’est faire de l’argent, mais
aussi donner de l’amour », rappelle le créateur de 57 ans.
Si ses créations étaient présentées ces dernières années
à New York, cela faisait quinze ans que Kouyaté n’avait
pas défilé à Paris. Sensation des années 1990 – accla-
mations des critiques, popularité, prix de l’Andam
en 1996 –, le travail du Malien installé en France avait
quelque chose d’avant-gardiste, puisqu’il se fondait sur
deux concepts aujourd’hui primordiaux : l’inclusivité
(tailles différentes, diversité des mannequins, large
fourchette de prix) et le surcyclage (le fait de donner vie
à de nouvelles pièces en utilisant des tissus anciens).
Aussi le défilé du 2 mars a-t-il eu lieu à la ressourcerie
L’Alternative, dans le Sentier, « un endroit qui doit faire
réfléchir notre secteur sur la possible réexploitation de
choses encore utiles ». Les invités étaient assis sur des
bancs en bois ou des fauteuils vintage, entourés de
fripes, de jeux de société ou de vinyles d’occasion, tan-
dis que les modèles – avec les amies de toujours Rossy
de Palma et Michèle Elie en guest stars – zigzaguaient
joyeusement. Hommes et femmes se déhanchaient en
chemises à carreaux et vestes à boutons cuivrés, panta-
lons évasés, tailleur jupe et doudounes surgonflées, le
tout marqué d’une large étiquette à logo ou strié de
coutures apparentes rouges, signature du label.
Depuis le dernier défilé de Xuly.Bët, en 2005, la Fashion
Week parisienne s’est développée mais fait toujours peu
de place aux créateurs africains. « Paris reste une ville
fermée. Il faut qu’elle considère davantage sa périphérie,
estime Lamine Kouyaté, dont l’atelier est installé à Ivry-
sur-Seine (Val-de-Marne). On n’est pas là pour faire de la
figuration, on veut être acteurs de ce secteur. »


4 – SCIENCE-FICTION?
Si Rick Owens continue d’émerveiller les professionnels
avec son esthétique rétrofuturiste, il se découvre une des-
cendance... Étonnante collection de Julien Dossena chez
Paco Rabanne. À la croisée d’inspirations médiévales,
Renaissance, exotiques... des personnages féminins
valeureux défilent sous les voûtes de la Conciergerie.
Capes ou masques de métal, robes qui empruntent leurs
codes à l’armée, au romantisme anglais, aux poupées
russes, ces femmes semblent mener un combat : la fin de
la phallocratie, de la religion, du monde?
Dans ce registre, Marine Serre écrivait déjà dans la note
d’intention de son défilé automne-hiver 2019-2020 :
« L’apocalypse a frappé. Les crises écologiques et les guerres
climatiques sont en train de détruire les derniers vestiges de
la civilisation telle qu’on la connaissait. Cependant, (...)
quelque chose se prépare. » Dans son dernier show, des
rescapés habitent des planètes où la vie subsiste. Inspirée
par Dune, le roman de Frank Herbert, la créativité de Serre
semble se nourrir de dystopie. Ses vêtements sont à la fois
protecteurs (robes avec masques intégrés, manteaux-
habitacles, petit sac de baroudeur accroché à la jambe),
expérimentaux (robes à pans de tissus upcyclés, tops
créés à partir de tapis chinés...) ou réconfortants, comme
ces total-looks rose fluo par lesquels jaillit l’espoir.

3 - Xuly.Bët.
4 - Paco Rabanne. 4 - Marine Serre.

4 - Rick Owens.

Ismaël Moumin. Paco Rabanne. Valerio Mezzanotti/NowFashion. Étienne Tordoir.
Lorris Dumont. Nicolas Kuttler. Shoji Fujii
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