La fibre ANATOMIQUE
de Jeanne Vicerial.
TÊTE CHERCHEUSE
Croisant mode, art et science, Jeanne
Vicerial est un électron libre qui se
méfie des étiquettes. À 30 ans à peine,
la créatrice-chercheuse-artiste a créé
un « espace pour penser et panser
le vêtement, baptisé “Clinique
Vestimentaire”, une signature qui [lui]
permet d’écrire des articles scienti-
fiques, de proposer des collections de
mode, de réaliser des expositions... ».
Avant de lancer son label, cette
« chirurgienne du vêtement » a suivi
une longue formation. Diplômée de
l’École nationale supérieure des arts
décoratifs, elle rejoint l’atelier d’Hus-
sein Chalayan pour perfectionner sa
technique du patronnage, puis elle
prépare un doctorat dans le labora-
toire SACRe (sciences art création et
recherche) créé par l’université Paris
Sciences et lettres. Sa thèse, soutenue
en octobre 2019, propose un nouveau
paradigme vestimentaire : le « prêt-
sur-mesure », pour, comme son nom
l’indique, réconcilier sur-mesure et
prêt-à-porter. « Depuis l’avènement
du prêt-à-porter, c’est le corps qui
s’adapte aux mensurations imposées
par l’industrie. Toute ma démarche
consiste à replacer le corps au cœur
de la mode. En étudiant l’anatomie, j’ai
observé que nous avions un système
textile incroyable sous notre épi-
derme. » Elle crée alors des
enveloppes anatomiques en guise de
vêtements à partir de fils recyclés. Son
premier modèle – une robe en forme
d’épine dorsale – est fabriqué avec
un fil unique, long de 150 kilomètres,
à l’aide d’une technique d’assemblage
inédite – le « tricot-tissage » – réalisée
avec de la résine déposée à la seringue
entre le fil et des aiguilles de chirur-
gien. Il lui a fallu huit cents heures pour
créer cette robe. Une cadence impos-
sible à tenir pour une production à
grande échelle... Elle développe alors,
avec le laboratoire de mécatronique
de l’École des mines de Paris, un outil
numérique qui reproduit son geste
pour créer des pièces sur mesure.
La machine réalise en sept minutes
ce que la créatrice mettait sept heures
à faire à la main, à une vitesse proche
de celle d’une imprimante 3D et
sans aucune chute de matière.
« On peut imaginer de nouvelles
manufactures 2.0 dans lesquelles
on créerait des pièces uniques,
avec des matières trouvées sur place. »
En attendant de formaliser ce
projet écoresponsable, Jeanne Vicerial
poursuit son travail de recherche
comme pensionnaire à la Villa Médicis
– « un lieu qui m’a acceptée dans ma
pluridisciplinarité ». Trop rare pour ne
pas être souligné. Sophie ABRIAT
CLINIQUEVESTIMENTAIRE.FR
Jeanne Vicerial (ci-dessus)
et sa robe Épine dorsale,
constituée d’un fil recyclé
de 150 km de long.
LE GOÛT
Maxime Imbert. Mathieu Faluomi
PeterHandke
AlainFrançon
création
3–29mars 2020
5mars–
5avril2020
YasminaReza
http://www.colline.fr
15rueMalte-Brun,Paris20e
métroGambetta
Alain Françon
création