Le Monde - 14.03.2020

UNE EXPOSITION SUR LES

LIENS ENTRE LA CHINE ET L’AFRIQUE

au Centre Pompidou, à Paris? L’idée

est excellente. À un détail près  :

l’institution qui, en novembre 2019,

a ouvert une antenne à Shanghaï, ne

peut se permettre de fâcher son

MAKING OF

Sujet SENSIBLE.

pour éviter tout couac.

Co-commissaire de l’exposition,

Alicia Knock, le martèle néanmoins,

« il n’y a eu aucune censure ». « Nos

partenaires n’interviennent pas sur ce

qu’on fait à Paris », insiste pour sa

part Bernard Blistène, directeur du

Musée national d’art moderne, tout

en admettant qu’il « serait sans doute

compliqué de montrer certains artistes

de l’exposition en Chine ».

Le sujet est, il est vrai, délicat. L’irrup-

tion voilà vingt ans en Afrique d’une

Chine en quête de matières pre-

mières avait d’abord été saluée. À

l’inverse des Occidentaux, ce nou-

veau partenaire se refusait à toute

ingérence politique. Aujourd’hui,

tou tefois, nombreux sont les Afri-

cains à se sentir dupés. « Le discours

facile sur la nouvelle “colonisation”

de l’Afrique par la Chine est une façon

d’évacuer notre propre histoire

coloniale », balaye Alicia Knock, qui

dit vouloir « sortir des opinions sim-

plificatrices ». Pour laisser « décanter

la réflexion », elle s’est donné du

temps, trois ans précisément, en se

plongeant dans les racines d’une

collaboration politique et idéolo-

gique qui remonte au mouvement

des pays non alignés dans les

années 1950. La conservatrice n’a

Pont de l’amitié

sino-malienne #1,

Sotuba, Bamako,

Mali, 2013, par

François-Xavier Gbré.

pas davantage cherché l’exhaustivité

– l’espace qui lui était imparti ne le lui

aurait pas permis. Aussi la liste des

dix artistes, composée avec le cura-

teur Yung Ma, fin connaisseur de la

scène asiatique, s’est-elle construite

intuitivement. « C’est une association

d’artistes qu’on aime, qui sont dans la

pensée critique sans “répondre” direc-

tement au sujet. » Quand Yung Ma

avançait le nom de Wang Bing, Alicia

Knok songeait d’emblée à François-

Xavier Gbré, dont le Centre

Pompidou a récemment acheté une

suite de photos représentant la pis-

cine Modibo Keita à Bamako,

construite en 1967 par l’Union sovié-

tique pour des Jeux africains finale-

ment annulés et rénovée en 2010 par

les Chinois. Si les curateurs ont pu

tenir les pressions diplomatiques à

bonne distance, un événement aussi

ravageur qu’inattendu – l’épidémie

de coronavirus – a failli bouleverser

l’accrochage. À la suite des restric-

tions sanitaires, deux artistes chinois,

Cui Jie et Wang Bing, n’ont pu se

rendre à Paris. Leurs œuvres en

revanche ont bien fait le voyage.

Roxana AZIMI

« CHINE-AFRIQUE », JUSQU’AU 18 MAI,

CENTRE POMPIDOU. CENTREPOMPIDOU.FR

L’ORGANISATION DE L’EXPOSITION « CHINE-AFRIQUE »

AU CENTRE POMPIDOU, À PARIS, A DÛ JONGLER ENTRE

CONTRAINTES DIPLOMATIQUES ET CORONAVIRUS.

partenaire chinois. Initialement pré-

vue à l’automne dernier, concomi-

tamment avec l’inauguration de la

bouture chinoise de Beaubourg,

l’ouverture a été décalée au 4 mars.

Officiellement pour approfon dir

Francois-Xavier Gbré encore plus le sujet. Officieusement

04.03.2020

07.06.2020 MEP·VilledeParis

5/7ruedeFourcy75004Paris

Mercredietvendredi,11h‒20h

Jeudi,11h‒22h

Leweek-end,10h‒20h

Erwin Wurm

Photographs Erwin Wurm,

Outdoorsculpture(Appenzell)

,1998©Erwin

Wurm•Créationgraphique:JoannaStarck