Le Monde - 14.03.2020

(WallPaper) #1
PALAIS EN TOUS GENRES ; premier adjoint qui
fait le cri du cochon quand un opposant prend la parole
en conseil municipal ; enfants que l’on ne peut inscrire
aux activités sportives de la commune en raison de ses
opinions politiques alors que d’autres reçoivent pour
Noël des mini-Caddie remplis à craquer de cadeaux :
bienvenue à Puteaux, bourgade des Hauts-de-Seine, sise
au pied des gratte-ciel du quartier de la Défense.
Bienvenue dans la ville où règne depuis un demi-siècle
la famille Ceccaldi-Raynaud. Le père, d’abord, Charles,
décédé en 2018. La fille, ensuite, Joëlle, actuellement
candidate à sa propre succession et dont le visage juvé-
nile, alors qu’elle a officiellement 69 ans, s’étale sur les
affiches de campagne. Le fils de celle-ci, enfin, Vincent,
40 ans, l’homme au cri de cochon.
À Puteaux, cette famille « municipale » – comme il y a des
familles royales – a ouvert, en plus de différents palais
(culture, musique, sport, etc.), une piscine avec bassins
intérieurs et extérieurs chauffés toute l’année et déve-
loppe une vision pour le moins personnelle de la notion
d’opposition en démocratie. À Puteaux, on a donc vu
les rejetons de quelqu’un qui émettait des doutes quant
à la probité des Ceccaldi-Raynaud interdits de colonie de

Au programme


vacances, alors qu’il restait des places. À Puteaux, il est
impossible d’acheter Le Canard enchaîné quand paraît un
article sur les comptes en Suisse et les lingots d’or de
madame la maire. Puteaux a décidément tout pour plaire
à notre journaliste Laurent Telo, qui est allé à la rencontre
des Putéoliens et Putéoliennes et a promené son regard
singulier sur une ville qui n’est pas moins... singulière.
Le même adjectif va comme un gant à Betty Catroux,
muse, amie, sœur « de loucherie » d’Yves Saint Laurent,
à laquelle une exposition est consacrée à Paris. Un
long gant de cuir noir sans doute pour cette septuagé-
naire blond platine, fine comme un crayon, toujours
habillée comme un garçon et qui ne reçoit qu’à la nuit
tombée, derrière ses lunettes fumées, un verre de
gewurztraminer à la main. C’est ainsi qu’elle a reçu
Pascale Nivelle, qui lui consacre un portrait tendre et
amusé. C’est ainsi qu’elle a vécu. C’est ainsi qu’elle a
survécu à Yves Saint Laurent, Pierre Bergé et à tous
ceux qui ont traversé leurs brillantes années. C’est
ainsi qu’aujourd’hui son allure et sa désinvolture
entrent dans la légende...

Marie-Pierre LANNELONGUE

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