Les Echos - 13.03.2020

(sharon) #1
aériennes françaises auprès du
gouvernement.
Reçus mercredi et jeudi par le
secrétaire d’Etat aux Transports,
Jean-Baptiste Djebbari, et son
homologue de Bercy, Agnès Pan-
nier-Runacher, les professionnels
ont dressé un tableau alarmant
du secteur après quatre semaines
de crise sanitaire. Avant même la
décision américaine d’interdire
l’entrée de son territoire aux voya-
geurs en provenance des 26 pays de
l’espace Schengen, les compagnies
aériennes françaises ont vu dispa-
raître « entre 33 % et 34 % » de leurs
clients en mars, selon un proche du
dossier, et la b aisse des réservations
atteindrait déjà 50 % en avril et mai.

De quoi assécher totalement la
trésorerie d e n’importe quelle c om-
pagnie aérienne, compte tenu de
l’importance des frais fixes.

Un manque à gagner
de 2 milliards d’euros
Au total, le manque à gagner pour
les compagnies aériennes françai-
ses s’élèverait déjà à quelque 2 mil-
liards d’euros. Et la crise sanitaire
en Europe ne fait que commencer.
« Dans l’hypothèse où cette crise
durerait encore deux ou trois mois,
toutes les compagnies auront besoin
d’aide. Le gouvernement semble
l’avoir compris », souligne l’un de
leurs représentants. La première
demande des compagnies aérien-

nes, comme de toutes les entrepri-
ses confrontées à une chute brutale
de leur a ctivité, est de pouvoir béné-
ficier d’un report de paiement des
charges sociales et des taxes, ainsi
que de possibilités de recours au
chômage partiel. « Cela semble
acquis », estime l’un d’eux. Le gou-
vernement a déjà donné des instruc-
tions. » Le paiement de la fameuse
« éco-contribution », entrée en
vigueur en janvier pour financer
la rénovation des infrastructures
ferroviaires et routières, pourrait
ainsi être reporté jusqu’e n 2021.
« Cependant, il ne faut pas seule-
ment des reports de taxes, mais bien
des exonérations, car si nous devons
effectuer en septembre les verse-

ments des mois précédents, les com-
pagnies se retrouveront à court de
cash l’hiver prochain », souligne-
t-on du côté des entreprises.
Autre mesure évoquée par les
compagnies aériennes : d es contrô-
les sanitaires au départ des aéro-
ports français, avec la prise de tem-
pérature à l’enregistrement, afin de
rassurer les voyageurs mais aussi
les pays de destination. Les trans-
porteurs veulent en effet éviter
par-dessus tout que d’autres pays
suivent l’exemple américain. Sur-
tout, les transporteurs prient pour
que le gouvernement français ne
suive pas l’exemple italien, en
imposant à son tour des restric-
tions aux déplacements. —B. T.

Les compagnies françaises en appellent à l’Etat


Avec le coronavirus, le transport
aérien français vit la crise la plus
grave de son histoire. Et, sans un
soutien rapide et efficace des pou-
voirs publics, des faillites et des
licenciements seront inévitables à
brève échéance. Tel est le message
délivré ces derniers jours par les
représentants des compagnies


Les représentants des
compagnies aériennes
demandent à bénéficier
de report et même d’exoné-
ration de taxes, afin d’éviter
la panne de trésorerie.
Mais aussi de mesures
de contrôle sanitaire
dans les aéroports.


et près de 20 % du chiffre d’affaires.
Cependant, l es quelque
3.500 vols entre les 26 pays euro-
péens concernés – parmi lesquels
ne figurent pas le Royaume-Uni et
l’Irlande – ne vont pas tous s’arrêter
samedi. Air France-KLM, ainsi que
Lufthansa, ont en effet l’intention
de maintenir autant de liaisons et
de vols que possible sur les Etats-
Unis, à l’intention des passagers
non concernés par les restrictions
d’accès. A savoir, les citoyens amé-
ricains ainsi que les résidents, mais
également tout passager qui
n’aurait pas « séjourné » en Europe
durant les deux dernières semai-
nes. Ce qui pourrait concerner tous
les passagers internationaux en
correspondance à Roissy-CDG,
Amsterdam-Schiphol et dans les
autres grands hubs européens.

Au moins sept destinations
américaines maintenues
Dans un communiqué jeudi, Air
France annonce ainsi le maintien
des dessertes d’Atlanta, Chicago,
Detroit, Los Angeles, New York
JFK, San Francisco et Washington,
au moins jusqu’au 28 mars. « A ce
stade, A ir France est d ans l ’attente d e
précisions de la part des autorités

nents, les délégations officielles et
les représentants d’organisations
internationales et tous ceux qui se
verront accorder des exemptions,
au nom de l’intérêt national, ces
flux de trafic devraient permettre à
Air France-KLM et son partenaire
Delta de surmonter la crise, même
si les remplissages et les recettes ne
seront pas au même niveau. S’y
ajoute également le trafic cargo, q ui
n’est pas concerné par l’interdic-
tion américaine.
En revanche, pour les malheu-
reux passagers qui ont déjà pris
leurs billets et qui n’auront pas
l’autorisation d’entrer aux Etats-
Unis, le maintien des vols d’Air
France présente un inconvénient
majeur. Si le vol n’est pas annulé, la
compagnie ne sera pas obligée de
les rembourser. Elle pourra se con-
tenter de leur proposer un simple
avoir valable un an. Ce qui ne fera
pas forcément l’affaire de tous,
mais ce qui permettra à Air France
d’épargner un peu sa trésorerie.
Néanmoins, Air France-KLM,
qui prévoyait mercredi encore de
limiter à 13 % seulement la réduc-
tion de capacité sur son réseau
long-courrier en avril, se retrouve
désormais confronté à la perspec-

tive de perdre une part encore plus
conséquente de son trafic et de ses
recettes : de l’ordre de 28 % à 27 %
en avril et mai, selon une première
estimation du cabinet d’analystes
Bernstein. En conséquence, le
groupe va certainement devoir en
passer par des mesures d’écono-
mies beaucoup plus drastiques.

La Compagnie, Corsair et
French bee plus mal loties
Toutefois, Air France et KLM ne
sont pas les plus mal lotis. En
France, Corsair, French bee et La
Compagnie, qui ne bénéficient pas
du trafic en correspondance d’Air
France, risquent d’avoir encore
plus de difficultés à surmonter seu-
les le choc de l’arrêt des vols pour
les Etats-Unis. Pour French bee, la
fermeture de l’escale de San Fran-
cisco risquerait de compromettre
l’économie de la ligne de Papeete.
Pour Corsair, c’est peut-être un
coup d’arrêt à sa desserte de Miami.
De plus, ces deux premières doi-
vent inaugurer e n juin une desserte
quotidienne de New York. Quant à
La Compagnie, qui avait échappé à
la faillite de sa cousine XL Airways
en 2019, son activité repose à 100 %
sur la desserte de New York.n

Bruno Trévidic
@BrunoTrevidic


La décision de Donald Trump
d’interdire l’entrée des Etats-Unis
aux voyageurs en provenance des
26 pays européens de l’espace
Schengen à partir de ce vendredi
soir, pour une durée de 30 jours, est
un terrible coup supplémentaire
pour les compagnies aériennes
européennes, déjà fortement
impactées par la crise du coronavi-
rus. En particulier p our Air France.
Si le groupe Lufthansa et son
partenaire United Airlines sont les
plus exposés, avec 36 % de parts de
marché sur l’Atlantique Nord, Air
France-KLM et son actionnaire
Delta arrivent juste derrière, avec
près de 30 % de ce marché. L’exploi-
tation conjointe de leurs quelque
200 vols transatlantiques dans le
cadre de leur coentreprise vir-
tuelle, génère à elle seule quelque
12 milliards de dollars de recettes
annuelles et 15 % du chiffre d’affai-
res d’A ir France-KLM. Rien que
pour Air France, les Etats-Unis
représentent 121 vols par semaine


AÉRIEN


Neuf pays interdisent
désormais l’accès à leur
territoire aux personnes
en provenance
de France. Les droits
des voyageurs français
varient en fonction
de leur situation.

lL’ interdiction d’entrer aux Etats-Unis pour les voyageurs en provenance des 26 pays


de l’espace Schengen est un terrible coup pour les compagnies aériennes européennes.


lAir France-KLM est déterminé à maintenir autant de vols que possible.


Virus : coup de massue américain sur


les compagnies aériennes européennes


Vols annulés :


ce que prévoit


la loi pour


les voyageurs


américaines sur la possibilité de
maintenir la desserte de Miami, Bos-
ton et Houston », précise la compa-
gnie, qui indique travailler « avec
ses partenaires KLM, Delta Air
Lines et Virgin Atlantic à la mise en
place d’un plan de continuité de la
desserte des Etats-Unis pour ses
clients au-delà du 28 mars 2020 ».
Seul Seattle, dont la suspension
était déjà en germe, disparaîtra
donc de l’offre d’Air France. De son

côté, Lufthansa a également
annoncé le maintien de ses desser-
tes de Chicago, Washington et New
York Newark depuis les différents
hubs du groupe.
Sur certains vols entre Paris et les
Etats-Unis, les passagers en corres-
pondance, notamment ceux en
provenance de l’Inde, représentent
30 % du remplissage. Ajoutés à
d’autres clientèles toujours autori-
sées à entrer aux Etats-Unis,
comme les parents de citoyens
américains ou de résidents perma-

Jusqu’à 30 %
de passagers
en correspondance.

Tifenn Clinkemaillie
@tifenn_clkm

Coup de t onnerre. Donald
Trump interdit l’entrée sur le sol
des Etats-Unis des étrangers en
provenance des 26 pays de
l’espace Schengen. Huit autres
pays, dont la Jordanie et l’Inde,
sont également totalement inac-
cessibles pour les Français. Une
situation qui rend contraignant,
voire impossible, le maintien
d’un voyage prévu.
Les passagers dont le vol est
annulé sont chanceux. Les
règles européennes stipulent
que les voyageurs ont le « droit
à un remboursement, un réache-
minement ou un vol retour ».
Les passagers ayant réservé un
voyage à forfait (vol + héberge-
ment) via un tour-opérateur
seront en droit de reporter,
modifier ou annuler leur voyage
gratuitement et de demander
le remboursement des sommes
versées.
La situation est sensiblement
différente lorsque les passagers
n’ont pas le droit d’entrer sur le
territoire, comme c’est le cas aux
Etats-Unis. Leur vol n’est en effet
pas nécessairement annulé
puisque les ressortissants amé-
ricains peuvent encore circuler.

Pour les voyageurs ayant
réservé un forfait voyage via un
tour-opérateur, le Code du tou-
risme prévoit que « le voyageur a
le droit de résoudre le contrat
avant le début du voyage ou du
séjour sans payer de frais de réso-
lution » dans le cas de circons-
tances exceptionnelles et inévi-
tables. Pour les prestations
sèches, en revanche, aucune
disposition n’est prévue par la
loi. « Si le vol n’est pas annulé, il
faudra voir dans la pratique,
explique Khalid Elwardi, de la
Médiation du tourisme et du
voyage. Quand les prestations
sont négociées de façon indivi-
duelle, les compensations sont
aussi négociées individuelle-
ment », détaille-t-il. « Chaque
situation sera jugée au cas par
cas, confirme Camille Bertrand,
juriste au Centre européen des
consommateurs. La géométrie
sera variable en fonction des com-
pagnies aériennes. »
Air France-KLM permet, par
exemple, à ses clients de modi-
fier sans frais leur réservation
pour tout billet acheté avant le
31 mars. EasyJet propose de les
transférer sur un autre vol ou de
les rembourser. « Les hôtels aux
Etats-Unis ne sont pas fermés, les
hôteliers n’ont pas de raisons par-
ticulières de rembourser », souli-
gne Camille Bertrand. « Nous
conseillons aux voyageurs de con-
sulter les conditions d’annulation
ou de négocier un report. »n

Les passagers dont
le vol est annulé
sont chanceux.

ENTREPRISES


Vendredi 13 et samedi 14 mars 2020Les Echos

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