Les Echos - 13.03.2020

(sharon) #1

04 // EVENEMENT Vendredi 13 et samedi 14 mars 2020 Les Echos


RetrouvezNicolas Barrédans


le journalde7hpour«L’éditoéco»


dansle6h-9hdeMatthieuBelliard


« Nous sommes tous des Italiens. »
Dans un italien parfait teinté
d’accent germanique, la présidente
Ursula von der Leyen a adressé
mercredi soir sur Twitter un mes-
sage de soutien et d’admiration à

niveau européen, c’est ce que
demande Giuseppe Conte. Para-
phrasant le « whatever it takes » de
l’ancien président de la BCE Mario
Draghi pendant la crise de l’euro,
Giuseppe Conte a appelé ses parte-
naires et la Commission à faire
« whatever is necessary » pour
endiguer la propagation d u corona-
virus et limiter ses désastreuses
conséquences économiques.
L’Italie s’alarme du manque de
réaction plus ferme de la part de ses
voisins allemands et français
jugeant « inconsciente leur non-
prise en considération du péril que
représente la maladie ». Elle se
plaint de la rétention des exporta-
tions de matériel sanitaire entre
pays d e l’UE e t estime b ien t ardive l a
décision d’une mise en commun
entre les 27 des données sur les
stocks disponibles en vue d’une
éventuelle mutualisation.

Flexibilité budgétaire
bienvenue
Le gouvernement de Giuseppe
Conte se félicite en revanche de
toute la flexibilité nécessaire dont il
pourra bénéficier en suspendant
son respect du Pacte de stabilité. La
Commission européenne, comme

elle le fait pour soutenir les pays
face à une crise ponctuelle et excep-
tionnelle, exclura les mesures liées
à la lutte contre l’épidémie de l’éva-
luation du déficit du pays. « Nous ne
sommes pas intéressés par les déci-
males », a déclaré Paolo Gentiloni,
le commissaire européen a ux Affai-
res économiques et monétaires. Le
plan d’aides de 25 milliards d’euros
annoncé par Giuseppe Conte fera
bondir le déficit transalpin à au
moins 3,3 % du PIB cette année.
L’Italie n’attend cependant pas
seulement une adaptation des
règles budgétaires, mais des aides
concrètes pour stimuler son écono-
mie qui entrera en récession. La
presse t ransalpine r aille le « Corona

Response Fund » de 25 milliards
d’euros pour l’ensemble de l’UE
annoncé par Ursula von der Leyen
pour conjurer le risque de faillites
des entreprises. Cela équivaut en
effet à l’effort que l’Italie a déjà
prévu d’assumer seule.
De quoi alimenter les polémi-
ques eurosceptiques de Matteo Sal-
vini. « Si l’Europe existait vraiment,
dès lundi prochain, tout le continent
serait une zone rouge, a déclaré le
leader de la Ligue. Mais elle manque
de c ourage. Le virus devient une occa-
sion pour mener des guerres com-
merciales contre les entreprises ita-
liennes. »
Confindustria partage égale-
ment la crainte que le made in Italy
ne perde des parts de marché à
l’étranger. S es représentants
demandent d’urgence un plan
d’aide européen tout en criti-
quant les mesures trop excessives
de confinement qui vont paralyser
l’outil de production. « Tout fermer
serait une très grave erreur et signifie-
rait mourir, explique Vincenzo
Marinese, le président de Confin-
dustria Venise-Rovigo. Nous som-
mes déjà attaqués par nos concur-
rents prêts à profiter d e nos moments
de faiblesse. » —O. T.

l’Italie, frappée par la crise sanitaire
du coronavirus et par la crise éco-
nomique qu’elle provoque. « Votre
famille ne vous laissera pas seuls »,
a-t-elle ajouté.

Un « whatever is neces-
sary » pour l’Italie
Le gouvernement italien a surtout
retenu l es accents de solidarité de la
part d’une Commission de Bruxel-
les stigmatisée ces d ernières
années (et à nouveau ces derniers
jours), pour avoir laissé trop long-
temps seule la Péninsule affronter
la crise migratoire. Des actes rapi-
des, concrets et coordonnés au

Rome attend des aides concrètes et rapides de l’Europe


Une totale flexibilité
budgétaire sera consentie
à l’Italie par l’Union
européenne pour affronter
l’impact économique du
coronavirus. Mais le pays
attend des gestes concrets
et rapides, sur le plan
sanitaire comme sur
le soutien budgétaire.

Cécile Thibaud
@CecileThibaud
—Correspondante à Madrid

Le gouvernement espagnol a pré-
senté jeudi un « plan choc » pour
soutenir les entreprises, au moment
où l’une des membres de l’exécutif, l a
ministre de l’Egalité, Irene Montero,
compagne du vice-président Pablo
Iglesias, vient d’annoncer qu’elle est
affectée par le coronavirus. Les
mesures annoncées par le chef du
gouvernement, Pedro Sánchez, met-
tent l’accent sur l’aide aux PME avec
un moratoire sur les cotisations
sociales et le report des échéances
fiscales, ainsi que l’ouverture de
lignes de crédit pour le secteur tou-
ristique particulièrement affecté.

Faciliter le chômage partiel
Ce dispositif établit aussi une
meilleure couverture des personnes
touchées par le virus ou placées en
confinement préventif. Il prévoit,
dans un deuxième temps, de simpli-
fier les mécanismes de mise en chô-
mage partiel et prépare une presta-
tion spéciale pour les parents qui
réduisent leurs horaires pour assu-
rer la garde de leurs enfants dans les
zones où les écoles sont fermées.
Ce plan choc, promis depuis une
semaine, semble arriver tard, alors
que le secteur touristique est en
berne et que l’industrie commence à
fonctionner au ralenti. De fait, les
usines du secteur automobile (Seat
et VW) n’ont pas attendu pour com-
mencer à réduire le temps de travail
et activer les mesures de chômage
partiel faute d’approvisionnement
de leurs fournisseurs asiatiques.
A Madrid, zone rouge de l’épidé-
mie, la vie se complique, sans école
ni université, avec les centres spor-
tifs, musées, théâtres ou lieux de
concerts, fermés... et sur fond de
rumeurs de mise sous cloche immi-
nente de la ville, qui ont provoqué
une ruée sur les supermarchés où
les rayons de riz, pâtes et papier
hygiéniques ont été vidés. Mais les
appels à limiter la vie sociale e t éviter
les agglomérations ou déplace-
ments semblent avoir eu un impact
limité. A l’heure de l’apéritif, les ter-
rasses étaient pleines, jeudi, dans le
quartier de Malasaña, t rès fréquenté
par les étudiants décidés à profiter
de leurs vacances forcées. « Ceux qui
viennent de province sont rentrés chez
leurs parents exporter le virus... tou-
tes ces mesures ne riment à rien »,
affirme un étudiant qui peste contre
la fermeture des discothèques.

« Responsabilité
et discipline sociale »
Face à cette insouciance, Pedro Sán-
chez, multiplie les appels à « la res-
ponsabilité et la discipline sociale »
pour freiner la contagion et « proté-
ger les plus vulnérables ». Il annonce
« des semaines d ifficiles », alors que le
pays compte plus de 3.000 conta-
gions (bilan jeudi à la mi-journée) et
que l’avancée de l’épidémie a
échappé à tout contrôle dans la
région de Madrid.
Après avoir laissé jusqu’ici le pre-
mier plan aux techniciens, le gou-
vernement central et toutes les
administrations régionales ont fait
volte-face et multiplient les déci-
sions pour limiter la mobilité et les
rassemblements. « Nous travaillons
pour ne pas arriver à une situation à
l’italienne », insiste le ministre de la
Santé, qui a du mal à dissimuler le
manque de coordination. « Ce week-
end, nous allons assister à une grosse
augmentation de contagions », pré-
vient de son côté la présidente régio-
nale de Madrid en annonçant que
les trois prochaines semaines vont
être critiques, alors que les hôpitaux
de la région sont déjà saturés.n

L’ Espagne


lance un plan


d’aide pour


les entreprises


Avec la montée en flèche de
l’épidémie dans la région
de Madrid, le gouvernement
annonce un « plan choc ».

Carlo Sangalli, le représentant
des entreprises commerciales ita-
liennes, demande un moratoire
sur les paiements des impôts
auquel il ajoute celui des loyers,
comme dans l es cas de catastrophe
naturelle. « Nos entreprises sont en
train de vivre une crise dramatique
et feront de toute façon leur devoir.
Elles le feront, aussi bien celles qui
ferment pour préserver notre santé,
que celles qui continueront à assu-
rer la distribution des produits ali-
mentaires et des biens de première
nécessité », affirme-t-il. « Celles qui
ferment ne doivent pas le faire pour

toujours et doivent être mises en
mesure de rouvrir au plus vite. Nous
demandons avec force des ressour-
ces extraordinaires pour soutenir
les liquidités des entreprises et les
emplois. C’est leur avenir qui est en
jeu, celui des travailleurs et du pays
dans son ensemble », estime Carlo
Sangalli.

L’ Italie championne
du commerce de détail
L’Italie est en effet le pays européen
avec le plus grand nombre d’entre-
prises dans le commerce de détail,
qui emploient 1,9 million de person-

nes. Avec plus de 606.000 commer-
ces, elle dépasse la France (507.
environ), suivie par l’Espagne
(487.000). Quelque 90 % d’entre
eux n’ont pas plus de 10 salariés et
assurent 40 % des ventes et 60 %
des ressources humaines dans le
secteur de l a distribution et du com-
merce de proximité.
La faiblesse de ce secteur sera
exacerbée par la récession désor-
mais inéluctable : 32.000 magasins
ont fermé depuis 2011. En 2019,
5.000 activités commerciales
avaient baissé définitivement leur
rideau, soit une tous les 14 j ours, vic-

time notamment de la concurrence
d’Amazon et des magasins d’usine.
Confesercenti, qui les représente,
réclamait déjà un plan d’action
organique pour soutenir les dépen-
ses des ménages et accompagner
les investissements indispensables
pour la modernisation e t la numéri-
sation des commerces. « Nous som-
mes face à une crise gravissime et per-
sonne ne semble s’en apercevoir »,
avait déclaré sa présidente, Patrizia
de Luise. Celle du coronavirus
pourrait constituer le coup de grâce
du petit commerce, ou l’occasion de
sa renaissance.n

Olivier Tosseri
@Olivier Tosseri
—Correspondant à Rome


« L’Italie ferme pour battre le
virus. » C’était, jeudi, le titre una-
nime de la presse transalpine. Au
moins jusqu’au 25 mars, tous les
commerces du pays, à l’exception
de ceux relevant des secteurs de
l’alimentation et de la santé, reste-
ront fermés. Les bars, les pubs et
les restaurants devront donc bais-
ser leur rideau, mais la livraison à
domicile r estera autorisée. Les ser-
vices bancaires, postaux et d’assu-
rance resteront ouverts, mais tour-
nent déjà au ralenti. Reste la
possibilité de faire circuler l es mar-
chandises, mais les usines et les
entreprises sont invitées à placer
au plus vite leurs salariés en télé-
travail ou à leur octroyer des con-
gés anticipés.


Moratoire sur les impôts
et les loyers?
En réponse, ce cri de détresse lancé
par le secteur du commerce et des
services i talien : « Le coronavirus est
en train de nous t uer. » Avant c e nou-
veau renforcement des mesures de
confinement pour endiguer la pro-
pagation du coronavirus, Confcom-
mercio estimait à près de 4 mil-
liards d’euros le recul de la
consommation des ménages qui
devrait en résulter.
Cela pourrait provoquer la fer-
meture de 15.000 PME et la perte de
60.000 emplois. Une véritable ago-
nie pour un secteur vital pour la
péninsule, où le tissu économique
est composé d’une myriade de
PME/PMI et de petits commerces.
Ce secteur assure 56,4 % de son PIB
et représente près de 879 milliards
d’euros d’activité. En Lombardie,
c’est 60 % des activités économi-
ques de la région, pour une valeur
de 206 milliards d’euros.


Le gouvernement
Conte a frappé fort
en prenant jeudi des
mesures draconiennes
de confinement sur
toute la péninsule qui
met à l’arrêt tous les
magasins, sauf ceux
liés à l’alimentation
et à la santé.


La fermeture des commerces suscite


une onde de choc en Italie


« Si l’Europe
existait vraiment,
dès lundi prochain,
tout le continent
serait une zone
rouge. »
MATTEO SALVINI
Leader de la Ligue

Des magasins non-alimentaires fermés à Rome, jeudi. Photo by Alberto PIZZOLI / AFP
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