Les Echos - 13.03.2020

(sharon) #1
et en sécurité », a redit jeudi matin
sur France Inter Anne Hidalgo, can-
didate à sa réélection dans la capi-
tale. Jeudi, les instituts de sondages
n’en anticipaient pas moins une
baisse de la participation en raison
de l’épidémie. Selon un indicateur
d’OpinionWay, la participation
n’atteindrait que 38% dans les com-
munes de plus de 3.500 habitants,
soit 14 points de moins qu’il y a une
semaine (52%).
La crise sanitaire vient, de plus,
perturber une élection qui s’annon-
çait difficilement lisible pour les
électeurs. Sous la Ve République, les
élections municipales ont souvent
servi aussi à sanctionner le pouvoir
en place. L’élection d’Emmanuel
Macron en 2017 a bouleversé la
donne, quand, par exemple, des
maires sortants Les Républicains
(LR) seront aussi soutenus par La
République En marche (LREM).

Incertitude sur l’abstention
« Le vote sanction contre le gouverne-
ment, souvent présent dans les scru-
tins locaux, se heurte à la dispersion
des oppositions et le duel LREM-RN,
qui s’est installé au niveau national,
n’a pas de réplication locale », cons-
tate Bruno Jeanbart, directeur des
études politiques d’OpinionWay.
Pour son premier scrutin munici-
pal, LREM mise plus sur des sou-
tiens à des maires sortants, principa-
lement venant de la droite, pour
atteindre son objectif de 10.000 élus
municipaux. A commencer par
Le Havre, où Edouard Philippe joue
gros en repartant à la conquête de la
ville qu’il a dirigée entre 2010 et 2017.
Les perspectives de victoires par des
candidats étiquetés 100 % LREM
apparaissent très faibles. Les stratè-
ges de LREM évoquent la métropole
de Lyon, Strasbourg ou encore
Besançon, et c’est à peu près tout
pour ce qui concerne les grandes vil-
les. A Paris, où Agnès Buzyn a rem-
placé au pied levé Benjamin Gri-
veaux, plus grand monde n’y croit.
Même si Emmanuel Macron a
déclaré en janvier qu’il ne tirerait pas
« de manière automatique des consé-
quences nationales » de ce scrutin, la
majorité s’attend à vivre des

moments difficiles après cette
contre-performance annoncée.
A droite, Les Républicains comp-
tent sur ces élections pour marquer
leur retour, après leur triple déroute
des présidentielle et législatives de
2017 et des européennes de 2019
(8,48 % des voix). Avec Rachida Dati,
LR se met même à rêver d’une vic-
toire à Paris, ce qui n’est ne lui est pas
arrivé depuis 1995. Le PS compte,
pour sa part, conserver ses bastions,
à commencer par Lille, Rennes ou
encore Nantes.
LFI a fait l’impasse sur cette élec-
tion, tandis que le RN espère affi-
cher des victoires au premier tour
dans ses bastions comme Fréjus ou
Béziers. Mais la principale incon-
nue de ce scrutin reste l’ampleur de
la poussée écologiste.
Dans de nombreuses villes,
comme Bordeaux, Lyon ou encore
Rouen, les candidats EELV affi-
chent des intentions de vote très éle-
vées au premier tour. Mais cette
dynamique de premier tour ne
signifie pas des victoires automati-
ques à l’issue du second, faute de
réserves de voix suffisantes.n

lFace à l’ampleur de la pandémie,


le premier tour des élections


de dimanche passe au second plan.


lLes instituts de sondage anticipent


une abstention en forte hausse.


Le premier tour des municipales


plombé par l’épidémie de coronavirus


Jaurès, Emeric Bréhier, dans
une étude. Même si, pointe-t-il,
« le brouillard n’a pas été levé
entre deux options stratégiques
antagonistes : s’ancrer dans
une opposition à la majorité
présidentielle actuelle en deve-
nant le nouveau pôle d’attraction
de la gauche [...], ou bien, tout en
s’opposant aux choix politiques
de l’actuelle majorité présiden-
tielle, faire de la question de la
lutte contre le changement clima-
tique le nouvel axe de clivage de
la scène politique nationale et
européenne ».
Le défi est d’autant plus grand
que la plupart des autres forces
politiques ont verdi leurs pro-
grammes. Depuis un an, les
inquiétudes liées au dérègle-
ment climatique ont nettement
progressé dans l’opinion publi-
que. L’AFP, qui a scruté le nom
de plus de 1.200 listes de candi-
dats dans 134 villes de plus de
50.000 habitants, a relevé que
le champ lexical lié à l’é cologie
était de loin le plus employé.

Vote crucial des jeunes
Au-delà de cette concurrence
inédite, les écologistes auront
aussi besoin du vote crucial des
jeunes. C’est notamment grâce
aux bulletins des 18-34 ans qu’ils
ont fait un tel score aux euro-
péennes. Or l’abstention, qui
pourrait être plus importante
que prévu en raison du corona-
virus, serait plus marquée chez
les plus jeunes par rapport au
reste de la population, si l’on en
croit les sondages. Et avec la pan-
démie, l’écologie guidera-t-elle
autant les votes qu’imaginé il y
a encore quelques semaines?
Ce vendredi et ce samedi, des
associations ont appelé la jeu-
nesse à se mobiliser à nouveau,
pour « contraindre nos élus à agir
à la hauteur de l’urgence ». Des
marches et des actes de déso-
béissance civile sont prévus
dans plusieurs villes. Ça sera
sans Greta Thunberg, qui a
renoncé à venir en France
« pour des raisons familiales ».n

Muryel Jacque
@MuryelJacque

« Je suis très pessimiste... C’est
comme ça qu’on a de bonnes
surprises. » Dans la dernière
ligne droite avant le premier
tour des municipales, Julien
Bayou, le secrétaire national
d’Europe Ecologie Les Verts
(EELV), affiche un certain opti-
misme. Après des années diffici-
les, la percée du parti aux élec-
tions européennes (13,47 % des
voix) et la prise de conscience
face aux enjeux climatiques ont
redonné de l’élan aux Verts. « On
ne peut plus se contenter d’être à
côté du conducteur et tenter
d’infléchir la direction, il faut pilo-
ter », a lancé récemment l’euro-
député EELV Yannick Jadot,
dans une i nterview aux
« Echos ». « Il faut faire confiance
aux écologistes, ils sont prêts. »
EELV, qui ne compte qu’un
seul maire dans une commune
de plus de 100.000 habitants


  • Eric Piolle à Grenoble –, fonde
    « beaucoup d’espoir » dans
    plusieurs autres grandes villes,
    dit Julien Bayou. Il cite Stras-
    bourg, Besançon, Rouen, Bor-
    deaux, Lyon ou Villeurbanne
    où les intentions de vote sont
    très encourageantes.
    Quoi qu’il arrive, le maillage
    vert du territoire devrait être
    bien plus large qu’au lendemain
    des municipales de 2014, et
    l’ancrage plus fort : cette fois-ci,
    EELV conduit une liste dans la
    quasi-totalité des quarante plus
    grandes villes, contre 17 seule-
    ment il y a six ans.
    EELV fait des municipales un
    moment fort de sa tentative de
    déploiement, explique le direc-
    teur de l’Observatoire de la vie
    politique de la Fondation Jean-


Les écologistes veulent
confirmer leur percée
des européennes aux
municipales. La prise
de conscience face au
réchauffement climati-
que joue en leur faveur.

La percée des Verts


encore incertaine



  • PROMISCUITÉ
    Les « situations de promiscuité pro-
    longée » doivent être limitées, souli-
    gne le ministère, qui préconise
    notamment un marquage au sol
    destiné à maintenir « une distance
    suffisante » d ’environ un mètre entre
    électeurs, à chaque étape du vote.
    Les files d’attente à l’extérieur doi-
    vent être évitées.

  • NETTOYAGE ET HYGIÈNE
    Le nettoyage des lieux où se déroule
    le scrutin fait l’objet d’un vade-
    mecum détaillé : lavage du bureau
    avant et après le vote, des tables, des
    isoloirs et des urnes plusieurs fois
    par jour. Il est recommandé d’aérer
    régulièrement les locaux. Un point
    de lavage des mains ou, à défaut, du
    gel hydroalcoolique doit être mis à
    disposition à l’entrée et à la sortie du
    bureau de vote. Aux membres des
    bureaux d e vote, il est demandé de se


l’électeur qui en serait porteur, se
pose la question de la vérification de
son i dentité. Si le masque n’empêche
pas la vérification, « il n’est pas tenu
de l’enlever ». Dans le cas contraire,
les membres du bureau sont fondés
à lui demander de l’ôter « momenta-
nément, faute de quoi l’électeur ne
sera pas autorisé à voter ».


  • DÉPOUILLEMENT
    Le port de gants n’est pas recom-
    mandé sur le plan sanitaire, mais le
    lavage des mains doit être assuré
    régulièrement. Si le dépouillement
    demeure public, il sera demandé
    aux électeurs ou aux délégués des
    candidats de se maintenir à une dis-
    tance « adaptée ».

  • SYMPTÔMES
    LORS DU VOTE
    Le président du bureau ne pourra
    pas empêcher un électeur manifes-
    tement malade de voter s’il a pris des
    mesures de protection (port du mas-
    que notamment), mais il pourra
    « mettre à l’écart » un électeur non
    protégé et contacter le Samu.
    —Avec AFP


laver les mains plusieurs fois par
jour et de privilégier le contrôle
visuel des pièces d’identité ou de la
carte électorale. Aux électeurs, il est
également demandé de limiter les
contacts avec les autres personnes
présentes dans le bureau et de se
laver les mains avant et après le vote.
« Il ne peut ê tre refusé toutefois le droit
de voter à des électeurs qui refuse-
raient de se laver les mains au risque
de porter atteinte à la sincérité du
scrutin », prévient le ministère.


  • STYLO D’ÉMARGEMENT
    Les électeurs pourront apporter
    leur propre stylo à encre bleue ou
    noire indélébile pour émarger. Pas
    question que les assesseurs se subs-
    tituent aux votants pour signer à
    leur place, prévient le ministère de
    l’Intérieur. Pour les machines à
    voter, il est recommandé de nettoyer
    les parties en contact avec les élec-
    teurs toutes les 30 minutes.

  • PORT DU MASQUE
    Il n’y a aucune recommandation
    faite aux membres du bureau de
    vote de revêtir un masque mais pour


Les bureaux de vote ont dû s’adapter


Le ministère de l’Intérieur
a envoyé des instructions
aux maires pour limiter
les risques de transmission
du coronavirus lors du vote.


D
Mode d’emploi


  • Les conseillers municipaux,^
    qui éliront par la suite le maire
    et ses adjoints, sont élus pour
    un mandat de six ans.
    Leur nombre (de 7 à 69) varie
    selon la taille de la commune.

  • Communes de moins
    de 1.000 habitants :
    les candidats se présentent
    individuellement ou par liste.
    L’électeur peut rayer des noms
    (panachage). Sont élus dès
    le premier tour les candidats
    ayant la majorité absolue
    des suffrages exprimés (50 %
    des voix plus une) et au moins
    un quart des voix des inscrits.
    Pour les sièges restants,
    un second tour est organisé
    où sont élus les candidats
    qui ont obtenu le plus de voix.

  • Communes de plus
    de 1.000 habitants : les listes
    comportent autant de noms
    que de sièges à pourvoir,
    sont paritaires. L’élection est
    acquise au premier tour si une
    liste recueille la majorité des
    suffrages exprimés (50 % des
    voix plus une). La moitié des
    sièges lui est automatiquement
    allouée, et les autres sont
    répartis à la proportionnelle
    à la plus forte moyenne entre
    toutes les listes ayant obtenu
    plus de 5 %, y compris la liste
    majoritaire. Si un second tour
    est nécessaire, seules les listes
    ayant obtenu au moins 10 %
    peuvent se maintenir. Elles
    peuvent être modifiées,
    notamment par fusion avec
    d’autres listes ayant obtenu
    au moins 5 % des suffrages.

  • A Paris, Lyon et
    Marseille qui sont soumises
    à des dispositions spécifiques,
    l’élection se fait par secteurs.

  • Les conseillers
    communautaires, qui
    représentent la commune
    dans les intercommunalités,
    sont élus dans les communes
    de plus de 1.000 habitants, sur
    le même bulletin de vote, que
    les conseillers municipaux.

  • Les conseillers de la
    métropole de Lyon sont élus
    au suffrage universel direct.


Grégoire Poussielgue
@Poussielgue


Un symbole. A quelques heures de
sa tenue, le Premier ministre,
Edouard Philippe, a annulé le mee-
ting qu’il devait tenir jeudi
soir au Havre, où il est candidat pour
la mairie. Une évidence : la crise du
coronavirus emporte tout dans son
sillage, à commencer par les élec-
tions municipales dont le premier
tour est programmé ce dimanche.
Après avoir longuement songé à les
reporter, compte tenu de l’aggrava-
ti on d e la crise, Emmanuel Macron a
finalement tranché jeudi en fin de
journée pour leur maintien.
Depuis plusieurs jours, la campa-
gne électorale était déjà perturbée
par la montée de la crise sanitaire.
Affectée depuis de longs mois par la
réforme des retraites, elle devait se
jouer dans les quinze derniers jours,
selon de nombreux observateurs. Il
n’en sera rien. « La campagne, quelle
campagne? » constate le proche
d’un candidat parisien.
L’aggravation de la crise du coro-
navirus pose d’abord la question de
l’abstention, qui avait atteint 36,5 %
au premier tour en 2014. L’exécutif
multiplie les messages visant à ras-
surer les électeurs. Le recours au
vote par procuration a été facilité.
Les candidats se veulent aussi rassu-
rants. « J’appelle vraiment les Pari-
siens à venir voter. Ils seront protégés


« Le vote
sanction contre
le gouvernement
se heurte
à la dispersion
des oppositions. »
BRUNO JEANBART
Directeur des études politiques
d’OpinionWay

ÉLECTIONS


2020


MUNICIPALES


Marseille est la plus grande ville dirigée, depuis 1995, par LR. Sa candidate, Martine Vassal, tient plutôt la corde dans les sondages.

AFP

FRANCE


Vendredi 13 et samedi 14 mars 2020Les Echos

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