Paris Match - France (2018-07)

(Antfer) #1

34 parismatch DU 15 aU 21 octobre 2020


Match
de La SeMaine
econoMie

Guerlain


LE PARFUMEUR


FRANÇAIS SÉDUIT


LA CHINE
A la tête de la filiale de LVMH depuis un an, Véronique
Courtois mise sur le développement international.
Par Marie-Pierre Gröndahl

O


n est tous nés avec un peu de
Guerlain autour de nous », sou-
rit Véronique Courtois, dont le
premier parfum fut –  et
demeure – Shalimar, le jus his-
torique de la maison créée en


  1. Formée chez Shiseido
    par Chantal Roos, l’un des
    grands noms du secteur, la
    nouvelle dirigeante avait déjà
    passé dix ans dans l’entreprise
    (rachetée par LVMH en 1994,
    elle a réalisé en 2018 un chiffre
    d’affaires de plus de 5 mil-
    liards d’euros dans les par-
    fums et cosmétiques)


entre 2000 et 2010, avant son départ pour
Dior Couture, puis Parfums Christian
Dior. Elle ne cache pas son enthousiasme
d’avoir été choisie pour diriger cette
entreprise « singulière », qui accélère son

internationalisation depuis son entrée au
sein du numéro un mondial du luxe. Tou-
jours dans le top 4 en France, son marché
historique, Guerlain se classe 8e en Chine,
notamment grâce à sa gamme de soins
Abeille Royale, inaugurée en 2010.
« Depuis ses origines et les créations de
Pierre François Pascal Guerlain, un alchi-
miste, la maison s’est implantée à l’étran-
ger grâce à ses parfums », explique
Véronique Courtois, 50 ans, deux enfants,
bretonne, passionnée par la mer et la
marche, qui s’est replongée dans les
archives pour analyser les origines des
produits, les matières premières utilisées
et les filières d’approvisionnement.
Au cœur de ses explorations figure
l’abeille, à la fois emblème de la marque,
productrice du miel utilisé dans les soins
et « sentinelle de l’environnement ». En
2020, Guerlain s’inscrit dans le partena-
riat lancé pour une durée de cinq ans avec
l’Unesco et la Fondation GoodPlanet, de

Yann Arthus-Bertrand, grâce à l’impul-
sion d’Antoine Arnault, fils aîné de
Bernard Arnault, fondateur et P-DG de
LVMH, engagé dans la mise en place de
la stratégie environnementale du groupe.
« Peu de gens savent combien
les abeilles sont essentielles
pour la sauvegarde de la bio-
diversité, explique la diri-
geante, qui a passé son enfance
à Ouessant, classée réserve de
biosphère par l’Unesco, où vit
l’abeille noire. Sans elle, nous
perdrions un tiers de la pro-
duction agricole mondiale.
Voilà pourquoi nous créons le
programme Des femmes pour
les abeilles, qui va former des
apicultrices, après une école
spécialisée, la Bee School,
pour les élèves du primaire. »
Côté stratégie, Guerlain,
qui emploie 3 700  salariés,
continue de miser sur une certaine exclu-
sivité. « La maison incarne la “haute cou-
ture” du parfum », souligne Véronique
Courtois, pour justifier le choix d’un cir-
cuit de distribution restreint, en particu-
lier aux Etats-Unis, et la préférence de
l’entreprise pour l’Asie. Ne pas être par-

tout, mais là où il faut. En Chine, cette
approche sélective séduit des consomma-
trices traditionnellement plus acquises
aux soins qu’aux parfums, mais dont les
goûts évoluent. Le parfumeur dispose
d’un patrimoine de plus de 1 000 créa-
tions où les équipes peuvent puiser pour
enrichir les 350 produits du catalogue. « Si
le passé demeure une source d’inspira-
tion, l’esprit de Guerlain consiste à être
de son temps », nuance sa P-DG. n

un patriMoine de pLuS
de 1 000 créationS

C’est un livre à contre-courant d’une époque où le libéralisme
fait figure de gros mot. Michel de Rosen, énarque, ancien inspec-
teur des finances et aujourd’hui dirigeant d’entreprise, pointe dans
un essai dense (285 pages) les ravages de ce besoin d’égalité sur
l’économie française. Il relève que la France est le seul pays qui a
inscrit dans sa devise le mot « égalité ». Une passion nationale qui a
conduit, au fil de l’Histoire, à mélanger égalité des droits et égalité
des conditions. L’ex-directeur de cabinet d’Alain Madelin dresse un

état des lieux à la fois statistique et philosophique. Précis, il concède
que les Français surestiment le niveau d’inégalités par rapport à
nos voisins. A fortiori dans cette période de crise sanitaire où l’écart
entre riches et pauvres s’est encore accentué. Michel de Rosen
recommande en guise de conclusion « pragmatisme » et « fruga-
lité » dans la gestion des dépenses publiques et appelle nos poli-
tiques à repenser l’Etat providence devenu obèse. B.J.
« L’égalité. Un fantasme français », éd. Taillandier.

L’égalité : passion et confusion françaises


«

Véronique Courtois,
P-DG de Guerlain depuis
le 1er novembre 2019.
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