Paris Match - France (2018-07)

(Antfer) #1

Malgr le draMe,


pas question pour Fabienne,


35 ans, de quitter la r gion :


elle aime trop chasser le chamois,


l -haut dans la montagne


Saint-Martin-Vésubie,
cinq jours après le passage d’Alex.
La rivière déborde encore
largement de son lit.


A l’entrée du village le lendemain
de la tempête. Un torrent de
boue a emporté le parking et une
partie de cette maison.

pendant la guerre, ont été reconnus Justes de France. A Tende,
c’est un jeune adjudant-chef blessé « avec ses points de suture
au visage » qui a ému Emmanuel Macron : « Il s’est vu mourir
mais il est reparti à l’assaut, plein de courage. »
En bas, sur la route qui menait jadis à Saorge, des pelleteuses
sont en action avec cinq camions. Une vingtaine de Bérets verts
apparaissent, les bras chargés de provisions : les légionnaires du
1 er régiment étranger de génie. On reconstruit la route à une
vitesse déconcertante, un pont a déjà pris forme et un convoi
alimentaire a pu être acheminé vers Saorge, premier village
« libéré » de la Roya. Mais on y arrive à pied ou en quad, pas en
voiture – trop d’effondrements. Dans la salle de l’église, on récep-
tionne les colis sous le regard éploré d’une « Mater misericordiae » :
des pâtes, du riz, des conserves et même des packs de lait en
poudre. « C’est presque trop... A Saorge, on ne compte que deux
ou trois nouveau-nés! » soupire une habitante à lunettes roses.
Ces montagnards ont toujours su vivre avec peu. « Même si, là,
on a l’impression d’être retourné mille ans en arrière, observe
Francisco, un père de famille italien de 35 ans. Coupés du monde,
on a relevé nos manches et bricolé des solutions, avec les moyens
du bord. » Plus d’eau potable? Reste la source. Plus d’électri-
cité? On remet en route un ancien four communal et on vide
les frigos, se relayant midi et soir aux fourneaux du Lou Pountin
pour concocter des plats chauds. Et l’école? Place de l’église,
José, prof de maths à la retraite, a repris du service. Mais, comme
l’indique une ardoise, le « vendredi, c’est ballet » : au son des
violons et des accordéons, danses folkloriques entre camarades,
le temps de retrouver un peu d’allégresse. Car, comme la boue,
ce fond d’angoisse ne s’assèche pas : « Gorgé d’eau, le village
peut à tout moment s’effondrer », confie une maman traumatisée.
Même élan de solidarité à Saint-Martin-Vésubie, dans
l’autre vallée sévèrement touchée. Devant la mairie, des per-
sonnes âgées, sans maison, patientent sur des chaises en plas-
tique ; d’autres attendent des nouvelles d’un proche ou d’un
voisin. Pour se réchauffer, on sert des repas avec l’aide du
Secours populaire. Au menu : daube provençale, offerte par le
comité des fêtes. Les vivres sont arrivés après trois heures de
route sur le col de Turini, avec les marmites en cuivre, 160 kilos
de viande, 40 kilos de pâtes, 80 litres de vin. Un habitant, les
yeux humides, confie : « Cette solidarité nous aide à panser nos
plaies. » De ce côté-ci, elles sont terribles : 94 maisons empor-
tées, 65 touchées, au moins cinq morts, et encore une vingtaine
de disparus après dix jours de recherches. Le PC de crise se
tient dans la salle des fêtes. On travaille les yeux cernés, cha-
cun avec ses moyens et sa débrouillardise : les sauveteurs de
haute montagne ont mis au point un système de tyroliennes.
Le major Loszach explique au directeur général de la gendar-
merie, Christian Rodriguez, comment fonctionne son réseau de
communication, même avec des câbles coupés. Le gendarme
lui annonce la mise en place de tests ADN rapides pour identi-
fier les victimes. Ce jeudi, à 13 heures, une jeune femme est en
Free download pdf