Paris Match - France (2018-07)

(Antfer) #1

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Premier dîner en Suisse, chez
Sébastien, près de Neuchâtel, avec
Nino et Matéo, 18 ans, l’un des fils
de sa belle-fille Séverine.

ses interlocuteurs des Affaires étrangères.
« Selon l’appréciation de nos services,
c’était un leurre », confie un ancien
responsable. Sûr de son fait, Chadaud-
Pétronin publie un livre, un polar qui dit
tout sauf le fond de l’affaire. Au Quai
d’Orsay on répète que « le président
Macron a bien été impeccable ». On dit
aussi qu’« il a demandé aux services de
faire le maximum ». On peut donc penser
que le maximum a été fait. Ce qui ne
signifie pas l’impossible. Et libérer les
chefs djihadistes capturés par les soldats
de Barkhane, cela relevait de l’impossible.
Le 25 mars 2020, les djihadistes
attrapent enfin un gros poisson : dans la
région de Tombouctou, Soumaïla Cissé et
son équipe de campagne tombent dans
une embuscade. La réaction du gouver-
nement malien est immédiate. Deux
émissaires foncent à Kidal pour ouvrir les
discussions. Un chef d’Aqmi leur remet
une feuille quadrillée, sans en-tête ni tam-
pon. Publiée par Serge Daniel, le corres-
pondant de RFI à Bamako, la missive
évoque « la libération de membres du
Jnim [le groupe terroriste d’Iyad Ag
Ghali affilié à Al-Qaïda] » dont « la liste a
été transmise par un autre canal ». L’autre
canal serait-il la France? Difficile de le
savoir. Toujours est-il que les services de
la sécurité de l’Etat du Mali sont saisis et


peuvent travailler main dans la main avec
leurs homologues français.
« Les prisonniers qui ont été réclamés
par le Jnim sont retenus à Bamako mais
ne sont pas tous sous l’autorité du Mali,
précise Cheick Amadou Diouara.
Certains, capturés par l’armée
française, sont sous celle de
Barkhane. » D’où la nécessité
d’une action concertée.
Lorsque le Premier ministre,
Jean Castex, expliquera que la
France n’a pas participé aux
négociations entre le gouver-
nement malien et les djihadistes, il n’a pas
tort, mais il ne dit pas tout. Car la France
a bien négocié... avec l’Etat malien.
Tout cela échappe aux deux malheu-
reux qui attendent au milieu du désert, les
oreilles collées à leur poste de radio bran-
ché sur RFI. Ils croient entendre de leurs
ravisseurs qu’il n’y a plus que 20 kilo-
mètres à parcourir. Ils vont encore rouler
pendant vingt-quatre heures. Jeudi matin,
10 heures, lorsque les charters des prison-
niers libérés seront tous arrivés, les deux
otages seront conduits à un premier point
de rencontre. « Il y avait plein de voitures,
raconte Cissé. Ils ont amené les Italiens,
des habits neufs, du savon et du parfum. »
Encore plus de trois heures de route et les
voilà entre les mains des deux intermé-

diaires, Ahmada Ag Bibi et le colonel
Ibrahima Sanogo. Alors, les véhicules des
sous-traitants d’Aqmi disparaissent tandis
que ceux du HCUA, un groupe armé
touareg du Nord, prennent la relève. Puis,
à l’approche de l’aéroport, ce sont les
forces de l’Onu qui les
escortent. A chaque zone son
autorité dédiée, qui n’est
jamais l’Etat du Mali, absent
de ce territoire.
De retour à Paris, Sophie
Pétronin, visiblement trou-
blée par ses années de capti-
vité manifeste vite son envie de revoir les
enfants du Mali et sa fille adoptive. Elle
déclarera que ses ravisseurs n’étaient pas
des djihadistes, mais des « combattants ».
Les a-t-elle vraiment vus? « Moi, nous
apprendra Cissé, je n’ai vu que des petits,
des sous-traitants. » Une chose est sûre,
si elle envisage de retourner à Gao, les
services de l’Etat ne seront pas les seuls
à vouloir l’en dissuader. « Si Sophie nous
lit quelque part, nous dit Cheick Amadou
Diouara, il faut qu’elle sache qu’elle a
toute l’admiration, l’estime et la recon-
naissance des populations de Gao. Mais il
faut qu’elle sache aussi qu’aujourd’hui la
ville est un no man’s land où il n’y a plus
de Blancs et où personne ne peut assurer
sa sécurité. » n François de Labarre @flabarre

JEAN CASTEX NE DIT
PAS TOUT. LA FRANCE
A BIEN NÉGOCIÉ... AVEC
L’ETAT MALIEN
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