Paris Match - France (2018-07)

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Une « d rive


des continents »


loigne


les cambridge


des sUssex


Par Stéphane Bern


S


i la rupture entre les deux
frères n’est pas réparée d’une
manière ou d’une autre, elle
prendra place, avec la crise
de l’abdication [de 1936] et la
mort de Diana, comme l’un
des traumatismes qui auront
changé la monarchie. » Qui tire
ainsi le signal d’alarme? Non
pas un fossoyeur de la Couronne britan-
nique, mais l’un de ses plus grands défen-
seurs et connaisseurs, l’historien Robert
Lacey, biographe de la Reine, qui ne peut
être soupçonné de malveillance, lui qui a
épousé lady Jane Rayne, fille du huitième
marquis de Londonderry, demoiselle
d’honneur au couronnement de la reine
Elizabeth II, en 1953... Consultant pour
la série à succès de Netflix « The Crown »,
l’historien de 76 ans lâche cette semaine
une bombe dans l’univers feutré de
Buckingham Palace : « Battle of Brothers :
William, Harry and the Inside Story of
a Family in Tumult », éd. William Collins
(« La bataille des frères : William, Harry,
l’histoire d’une famille en plein tumulte »)


  • qui revient en détail sur les relations
    complexes entre « the Heir and the
    Spare », comme on dit à Londres, compre-
    nez « l’héritier et la pièce de rechange ».
    Au cœur de la controverse, l’histoire
    de deux frères inséparables, liés par une
    épreuve commune, celle de la mort de
    leur mère, la princesse Diana, mais que
    la vie, leurs choix et leur tempérament
    ont irrémédiablement séparés. Une sorte
    de « dérive des continents » entre les


Cambridge et les Sussex. William, l’hé-
ritier en second du trône d’Angleterre,
offre avec Kate l’image d’une famille
unie, entièrement mobilisée au service
du royaume. On les a récemment vus
poser aux côtés du naturaliste sir David
Attenborough, venu leur présenter sa
série documentaire, « Notre planète », et
répondre aux jeunes George, Charlotte et
Louis. Le prince William vient de lancer,
avec le pape François et une cinquan-
taine d’autres personnalités, un appel à
résoudre la crise climatique avant 2030. Il
annonce qu’il remettra, à l’automne 2021,
la première édition de son prix consacré
à l’environnement. Doté de 55 millions
d’euros sur dix ans, le prix Earthshot, qui
se veut « le prix environnemental mondial
le plus prestigieux de l’Histoire », « inci-
tera au changement et aidera à réparer
notre planète au cours des dix prochaines
années – une décennie critique pour la
Terre », précise sa fondation.
Promu défenseur de la planète, le
prince William monte en puissance au
sein de la « Firme », comme on surnomme
les Windsor. L’étoile de son frère cadet,
Harry, plus libre et plus proche du citoyen
lambda, au contraire, ne cesse de pâlir. A
défaut d’avoir trouvé un rôle défini dans
le cadre bien rigide de la monarchie, Harry
a conquis le droit de s’exprimer... mais
au risque de sortir des sentiers battus et
de s’exposer aux controverses. Installé
de l’autre côté de l’Atlantique, libéré des
devoirs de la Couronne, il est en roue libre,
et prend même des positions tranchées

qui lui valent, en Angleterre, une volée
de bois vert. Il faut dire qu’à l’approche
de l’élection présidentielle américaine le
duc de Sussex s’est laissé entraîner par
son épouse Meghan sur un terrain glis-
sant. « Il est vital que nous rejetions les
discours de haine, la désinformation et la
négativité en ligne. » Cette petite phrase,
lâchée dans une vidéo enregistrée pour le
classement « Time » des 100 personnalités
les plus influentes de 2020, semblait direc-
tement adressée à Donald Trump. Qui
ne s’y est pas trompé, lui répondant à sa
manière lors d’une conférence de presse :
« Je souhaite bon courage à Harry, il va en
avoir besoin... » Le prince précisait dans
le même temps : « Lors de ces élections, je
ne vais pas pouvoir voter aux Etats-Unis.
Mais comme la plupart d’entre vous le
sait, je n’ai jamais pu voter de ma vie au
Royaume-Uni. » Il embarrasse au passage
la Reine, sa grand-mère. Tous affirment
que le couple a violé les accords de ce qu’il
convient d’appeler le « Megxit », le départ
négocié du couple Sussex en Californie.
Et porterait atteinte à la sacro-sainte
règle de neutralité à laquelle est soumise
la monarchie outre-Manche. Les journaux
conservateurs et proches de la royauté
sont les plus sévères. Le « Daily Tele-
graph » s’est inquiété du coup porté à la
relation diplomatique avec les Etats-Unis.
« The Spectator » titre : « L’avis de Meghan
et Harry sur Trump, tout le monde s’en
fiche! ». Dans l’éditorial du tabloïd « Daily
Mail », l’influent présentateur anglais Piers
Morgan réclame que la Reine leur retire
tous leurs titres... comme d’ailleurs 68 %
des Britanniques interrogés par le maga-
zine « Tatler ».
Autre intrusion du prince dans la
sphère politique, ses récents propos dans
l’« Evening Standard » pour dénoncer
un racisme structurel. « Je n’étais pas au
courant de tous les problèmes qu’il y
avait au Royaume-Uni, mais aussi dans
le monde... Je croyais l’être, mais ce
n’était pas le cas. Quand vous vous ren-
dez dans un magasin avec votre enfant
et que vous ne voyez que des poupées
blanches, est-ce que vous vous deman-
dez pourquoi il n’y a pas une seule pou-
pée noire? Et c’est juste un exemple, car
le monde que nous connaissons a été
créé par des Blancs, pour des Blancs. » Le
prince, qui a accordé cette interview dans
le cadre du Black History Month, un mois
dédié à l’histoire des diasporas africaines
et à la conscience noire, plaide en faveur
d’une société plus égalitaire. « Tant que le
racisme structurel existera, (Suite page 68)

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