Paris Match - France (2018-07)

(Antfer) #1
Sept mille kilomètres
en treize jours et un quatrième road-trip
américain pour Johnny, 73 ans.

Goetghebeur : « Viens, prends ta caméra, on va
discuter. » Il se raconte une énième fois. Puis,
au bout de vingt minutes, s’adresse au réalisa-
teur : « C’est bon. Arrête de me filmer, tourne ta
caméra, regarde le paysage. » Au même moment, Goetghebeur
s’aperçoit qu’il n’a pas déclenché l’enregistrement, que ces
vingt minutes d’entretien sont perdues à tout jamais. Mais il lui
reste cette phrase, « Tourne ta caméra », et cette vision du Grand
Canyon dans la nuit. Immensité d’un espace qui rappelle com-
bien la vie peut être futile. « Le lendemain, on s’est quittés. Pas
dans les larmes, mais presque. » Si chacun a vécu pudiquement
le cancer de Johnny, ce dernier n’ayant parlé à personne de ce
qu’il endurait, ces mêmes potes seront là tous les jeudis, de sep-
tembre à décembre 2017, pour dîner avec lui. Johnny tapait régu-
lièrement du poing pour voir ce « putain de film ». Goetghebeur
s’est exécuté, trouvant quatre monteurs pour l’aider, greffant
une bande-son. Le jeudi 30 novembre 2017, cinq jours avant sa
mort, tout le monde s’est retrouvé dans la salle de projection
du chanteur, à Marnes-la-Coquette. « Je suis parti un peu tard,
se souvient Billon. Il était fatigué. Il m’a dit : “Ça va aller ?” Je
lui ai répondu : “Evidemment. L’année prochaine, si tu veux, on
part de Santa Fe.” C’est la dernière fois que je l’ai vu. »
Trois ans plus tard, Billon, Fatien et Billy ont déjà refait
deux fois le même road-trip à moto. « Parce que c’est ce que
Johnny voulait. Alors on y a été, exactement le même voyage.
Et dans le fond, c’est comme s’il était encore avec nous. » Maxim
Nucci a demandé à être effacé du film, désormais remonté, pré-
senté dès le 23 octobre au public. Il n’apparaît dans aucun plan,
n’est jamais mentionné par les uns ou les autres. « Il a donné
beaucoup de lui pour le disque posthume, sa relation avec Johnny
était vraiment très forte et il a besoin de tourner la page », estime
un proche. Si Laeticia, Jade et Joy interviennent dans la version
finale du film, c’est pour mieux saluer la mémoire de l’homme
qu’elles ont tant aimé. Mais l’histoire retiendra que pour sa der-
nière équipée sauvage c’est avec ses potes que Johnny a décidé,
une ultime fois, de se réinventer en motard. « Born to be wild ».
Le loup solitaire avait encore faim. n Benjamin Locoge @BenjaminLocoge


face au


grand canyon,


johnny dit :


« arr te de me


filmer, regarde


le paysage »


Affiche du film de François
Goetghebeur sur le road-trip de
Johnny, « A nos promesses ».
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