Paris Match - France (2018-07)

(Antfer) #1

MATCH


AVENIR
l’origine de ce parc pas comme les autres, les architectes Marshall
Blecher (australien) et Magnus Maarbjerg (studio de design danois
Fokstrot). Ils redonnent ainsi en pleine ville sa place à la nature.
Plantes et arbres endémiques sont autant de nouveaux habitats
pour les oiseaux. Et la base des îles, des points d’ancrage pour la
faune et la flore aquatiques. Ce parc flottant revêt aussi une
dimension sociale puisqu’il est libre d’accès à tous : flâneurs,
nageurs, pêcheurs, kayakistes, plaisanciers et autres amoureux
des étoiles. Il vient apporter de la vie à ce grand espace public
qu’est le port, devenu quelque peu « dortoir » au fil de sa gen-
trification. L’ensemble est d’ailleurs pensé pour être mobile, les îlots changeront
de place en fonction des saisons. Ainsi, durant l’été, ils seront éparpillés et on
pourra les rejoindre à la nage ou en bateau. L’hiver, mais aussi lors d’événements
– des festivals, par exemple –, ils seront au contraire regroupés et facilement
accessibles depuis les quais.
En 2018, un prototype de 25 mètres carrés a vu le jour : CPH-Ø1 (la lettre
«Ø» est un mot à elle toute seule, qui signifie « île » en danois !). Il ressemble, à s’y
méprendre à une petite île déserte dont la base n’est pas en sable mais en bois!
Du mélèze, plus précisément. De la famille des pinacées, il a la réputation d’être
très résistant, même au contact de l’eau salée, grâce à sa forte teneur en résine.
Tous les matériaux utilisés sont d’origine durable et locale. L’ensemble a été fabri-
qué à la main, dans les chantiers navals de Copenhague, selon des techniques
traditionnelles de construction de bateaux en bois. Plusieurs petits pontons flot-
tants à la base de l’île assurent sa stabilité sur l’eau. En son centre s’élève un grand
arbre de 6 mètres. Pas un cocotier, non, un tilleul!
Cette année, trois îles supplémentaires accueilleront des jardins, des saunas,
des cafés... et même une zone de mytiliculture. Marshall Blecher et le studio Foks-
trot réfléchissent également à un concept de marché aux poissons flottant... Un
beau projet, qui pourrait bien s’adapter à d’autres ports dans le monde. n A.M.


Paris Match. Que peuvent apporter ces nouveaux
parcs flottants, en particulier à Copenhague?
Marshall Blecher. Comme beaucoup d’autres,
le port de Copenhague jouait un rôle central dans le
transport et l’industrie jusqu’à la moitié du siècle der-
nier. Ces cinquante dernières années, il s’est déve-
loppé. Il s’est “gentrifié”. Les voies navigables ne sont
devenues guère plus qu’une vue pour les appar-
tements du quartier. Nous voyons donc ce projet
comme un catalyseur, qui lui redonnera de la vie, de
la fantaisie, des activités... C’est un moyen de repenser
l’usage des ports dans les villes postindustrielles.
Sont-ils également une réponse au réchauffement
climatique, notamment à la montée des eaux?
Ce projet n’offre pas de solution explicite, mais
je pense qu’il laisse entrevoir quelques-unes des idées
les plus radicales et les plus originales à déployer pour
construire des villes vraiment résistantes au change-
ment climatique.
Comment avez-vous réussi à planter un tilleul de
6  mètres au beau milieu de la première île?
Il a été placé dans un conteneur clos en dessous
du niveau de l’eau et nous avons développé un sys-
tème pour réguler la quantité d’eau qu’il reçoit. L’excès
d’eau, qui peut être un problème à Copenhague où il
pleut souvent, est évacué. Interview Aurélie Michel


« C’est un moyen de


RepenseR l’usage des poRts dans


les villes postindustRielles »


MARSHALL BLECHER
ARCHITECTE

Construits avec des
matériaux durables, ces
jardins flottants sont
amovibles en fonction des
saisons et des besoins.
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