Paris Match - France (2020-11-12)

(Antfer) #1

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MATCH
DE LASEMAINE
POLITIQUE

PARISMATCH DU 12 AU 18 NOVEMBRE 2020

COMMENT JEAN-LUC MÉLENCHON


VEUT SE RÉINVENTER
Pour sa troisième candidature, le chef des insoumis se voit en «candidat commun» de la gauche.
Une nouvelle stratégieloindubruitet de lafureurd’antan.
Par GhislaindeViolet
@gdeviolet

Son état d’esprit
Officiellement, il consultait ses «amis» depuis
des semaines. En pratique, Mélenchon était fin
prêt. Le report pour cause de confinement
d’une réunion des parlementaires insoumis,
prévue le 7 novembre et qui devait aborder
la question de sa candidature, n’a pas empêché
le tribun de sortir du bois dimanche sur TF1.
«Il y a un an, je l’ai vu qui s’interrogeait
sur la place qu’il pouvait avoir, confie son
lieutenant Alexis Corbière. Aujourd’hui, je
le sens déterminé et galvanisé par la période.»
En rupture avec La France insoumise,
le politologue Thomas Guénolé nuance:
«Il craint d’être marginalisé par une autre
candidature à gauche, alors il essaie d’être
le premier. C’est un geste foncièrement
défensif.» Marie-Noëlle Lienemann, l’amie
de trente ans, dément: «Jean-Luc ne va pas à
l’abattoir. Il pense que le match Macron-Le Pen
n’est pas plié d’avance.» Comme lors de ses
précédentes tentatives, celui qui a frôlé les
20% des voix en 2017 privilégie une campagne
longue. Mais à la tonalité différente.

Son organisation
A chacune de ses campagnes, Mélenchon a créé une
«marque»: le Front de gauche en 2012, La France insoumise
en 2017... Pour 2022, cette nouvelle structure pourrait
logiquement s’intituler «Causes communes». «L’objectif
est de faire émerger une force, même si LFI reste le pilier»,
note le député insoumis Eric Coquerel. Autour de ce pilier
s’agrégeraient des «partenaires» (mouvements politiques,
syndicaux, citoyens) en accord avec le programme.
Les députés LFI seront aussi amenés à jouer un rôle central.
Paul Vannier ou Clémence Guetté, respectivement
collaborateur parlementaire du candidat et secrétaire générale
du groupe à l’Assemblée nationale, pourraient diriger
la campagne. Au risque de se notabiliser alors que
le candidat Mélenchon avait joué la carte «populaire»
en 2017? C’est ce que craignent d’anciens compagnons de
route, qui déplorent que le député de Marseille ait mis La
France insoumise «à la remorque du groupe parlementaire».

Son style de campagne
Le député de Marseille l’a décrété lui-même: fini la
stratégie de la «conflictualité». Mis en sourdine, le registre
«populiste» de 2017. Place au candidat constructif et
apaisé, qui sollicite le parrainage de 150000 citoyens.
«Jean-Luc est dans une nouvelle étape, décrypte
Marie-Noëlle Lienemann. Le bruit et la fureur, ce n’est
plus adapté au moment de crise sanitaire que nous vivons.
Il s’agit de proposer des solutions, de porter un discours
de sortie de crise radical, mais sans faire peur.»
Celui qui a confessé se sentir «une vocation de candidat
commun» a déjà trouvé le maître mot de sa campagne:
les «causes communes». Derrière la formule, la volonté
de «fédérer le peuple» autour de luttes sociales et
environnementales. Et d’unir la «gauche», un mot revenu
en grâce dans son vocabulaire. ■

Ses failles
S’il reste fort à gauche –quoique concurrencé
par Hidalgo dans les sondages–, l’insoumis
ne manque pas de talons d’Achille. Son coup
de sang lors de la perquisition du siège de LFI
en 2018 a marqué l’opinion. L’homme des
grands meetings pourrait aussi être handicapé
par la pandémie. Au sein de LFI, on craint
par ailleurs que les enquêtes judiciaires visant
le mouvement n’aboutissent en pleine
campagne. Enfin, le positionnement du chef
sur la laïcité et l’antiracisme divise. D’aucuns
voient dans la «créolisation», concept promu
par le candidat, un expédient pour réconcilier
les sympathisants mélenchonistes partisans
de l’universalisme républicain et les militants
plus complaisants avec une vision
communautariste de la société. «Mélenchon
essaie en permanence de marier la carpe
et le lapin», analyse Thomas Guénolé.

r iii n ielle

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