Paris Match - France (2020-11-12)

(Antfer) #1

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Après cette piqûre,
« indolore », dit-il,
Thomas restera une heure
en observation.

SileSréSultatS
SontpoSitifS, l’eSSai
dephaSe 3 pourrait
démarreraupremier
trimeStre 2021

vigueur: «Aprèsla piqûre,vousdevezresteruneheureenobser-
vation.Desréactionsallergiquesgraves,detypeanaphylactique,
peuvent survenir dans un délai très court. Elles sont rares, et
consenties,maiscerisquenécessiteuntempsdesurveillance,
avecadrénalineinjectableà dispositionetlaproximitéd’une
réanimation.» Thomasconfirmeavoirgardélethermomètre
etlarègle,le«kit» quipermetà chaqueparticipantdetrans-
mettresacourbedetempératureainsiquedemesurerl’éventuel
boutonquipeutseformerautourdupointd’injection.Est-ce
rouge? Est-ceboursouflé? Aumoindreeffetsecondaire,à la
moindrequestion,lesvolontairesontla possibilitédecomposer,
de jour comme de nuit, un numéro mis exclusivement à leur dis-
position.Thomasn’ajamaiseunifièvrenipustule.Dansquinze
jours,il reviendraaucentrepourunbilan.
A 100 mètres,lapharmaciecentraledel’hôpitalCochin
reçoitparfaxunenouvelleprescription.CorinneGuérinet
JérémieZerbit,docteursenpharmacie,s’activent.«Entre le
moment où l’on sort le vaccin du congélateur et celui où on
l’injecte,expliqueCorinne,ona uneheure.Pasdavantage.Dès
réceptiondela prescription,il fautfoncersurunsite,entrernos
codespoursavoircequidoitêtrepréparé: vaccinouplacebo.
Noussommeslesseulsà détenircetteinformation.Vousvoyez
cegrosclasseurbleu? Vousn’ytoucherezpas! Il contientles
dossiersdetouslesvolontaires.Notretravailconsisteàgarantir
leuranonymatet à préserverle secretdudoubleaveugle.» Dans
lesas,Jérémieenfiledéjàsacombinaison.Corinnedécrypte:
«Lesdosesd’essaisontpréparéesdanscettezonestérile,sous
unehotteà fluxlaminairequifiltrel’airenpermanence.» Avant
denousquitter,elleracontequellea étésonémotion,enaoût,
lorsqu’ellea reçulesfiolesdecandidatsvaccins.«Lorsdela
premièrevague,c’étaitl’horreur.Onrecevaitdescaissesde
médicamentspourlesproblèmesrespiratoireset les“finsdevie”.
Là,enfin,c’étaitl’espoir...» Les usines de productionsontgar-
déessecrètes.Toutjusteapprend-onqu’ellessesituentenFrance.
Aucentred’investigationclinique,l’accueilnedésemplit
pas.Ingénieurenlaboratoirederecherche,Aurélie, 34ans,a déjà
reçulesdeuxinjectionsprotocolairesdephase1. Ellevientpour
unevisitemédicale: «TempératureOK.Constantesparfaites.On
passeà la prisedesang,vousêtesprête?» demandel’infirmière.
Auréliesourit: «Ladernièrefois,il y avait 18 tubes.Là,il n’yena
que 8 !» Entrelesdeuxinjections,unbilandesantéestnécessaire
pouranalyserle contexteimmunologiqueducandidat.Aurélie
nesauraquedansdouzeoutreizemois si elle a reçu levaccinou
le placebo. Elle ne craint pas les effets secondaires. Sonsangpré-
levéseraenvoyéaucentrederecherchebio-
logique,puisdansunlaboratoireindépendant
chargéd’étudiersaréponseimmunitaire.«Ils
analysentlesanticorpsdéveloppésafindevoir
s’ilssontneutralisantsvis-à-visduCovid-19,
expliqueOdileLaunay,quicoordonne les pro-
tocoles. Mais pas que... Ils s’intéressent aussi à
laréponsecellulaire.Leslymphocytesjouent
unrôleimportantdansla réponseà l’infection.
Peut-onespérerunvaccinen 2021? C’estprobable.Enprincipe,
l’élaborationprenddesannées.Maislà,toutvatrèsvite.C’est
inéditsurle planscientifique.Danstoutemacarrière,je n’avais
jamaisvuça.» Pourcevaccin,dontla licencea étérachetéepar
lelaboratoireaméricainMSD(MerckSharpandDohme),on
passed’unstadeacadémiqueà unstadeindustriel.
A l’InstitutPasteur,oùtouta commencé,l’émotionest
palpable.«Cent trente-cinqans après la découverte duvaccin


contrela rage,noséquipessedonnentà fond», vibreChristophe
d’Enfert,directeurscientifique.Tousattendentpourprendredu
reposquele vaccinsoitsurle marché.Onn’yestpasencore.Si
lesrésultatssontpositifs,l’essaidephase3 évaluantlaprotection
conféréepourraitdémarreraupremiertrimestre2021.Onaura
alorsbesoind’aumoins 30000 participants.Plusde 35000 pos-
tulantssontdéjàinscritssurlaplateformeCovireivacdel’In-
serm.Vingt-cinqpourcentd’entreeuxontplusde 65 ans.
«On aura aussi besoin de plus jeunes et de personnes ayant
des pathologies chroniques les exposant au risque de formes
sévères, prévoit Odile Launay. Les essais de cette dernière phase
dépendentdelacirculationduvirus.Pourévaluerl’efficacité
d’unvaccin,il fautquelesparticipantssoientinfectésdansla
vieréelle,malgrélesmesuresdeprotectionhabituelles.»
Comment les autorisations seront-elles données?
Commentorchestrerlavaccinationdelapopulation? On
saitquelesAllemandsvontréquisitionnerdeshangarset
vaccinerenmasse.LesItaliensenvisagent,eux,d’avoirrecours
auxmédecinstraitantsetauxpharmaciens.EnFrance,onne
sait pas encore,maislesmédecinstraitantspourraientjouer
unrôlemajeur.«Onnepeutpasallerplus
vite?» s’impatientaittoutà l’heureThomas.
«Plus vite pourrait être la possibilité d’ino-
culervolontairementlevirusà despartici-
pantsafindetestertoutdesuitela protection,
luia réponduOdileLaunay.Çaa unnom:
“essaischallengehumain.”LaFrances’est
positionnéecontrelaréalisationdecetype
d’essais,mêmesi lesBritanniques ont donné
leurfeuvertpourlesmettreenplace.Cequiposedesques-
tionsd’éthique.Peut-onprivilégierlebénéficecollectif,l’ur-
gencesanitaireparrapportà unrisqueindividuel? Jen’aipas
la réponse.»Thomas non plus. Nul ne sait si le liquide qui lui a
été administrécontientle vaccinousonplacebo.Onle regarde
commeunhéros.Lui,plushumblement,neseposequ’uneseule
question: «Sera-t-il à l’heure au rendez-vous quil’attend?»n
@gaellelegenne
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