Paris Match - France (2020-11-12)

(Antfer) #1

98 parismatchDU 12 aU 18 novembre 2020


H ritiers ou


convertis,


ils ont l’amour


du travail


bien fait dans


le sang et


l’air du temps


dans la t te


ParArthurLoustalot


neextraterrestre», seprésente-t-elle.Dorothée
Kendallorganiselarécoltede«l’orblanc» des
maraissalantsdel’îledeRé.Ellegèrelesstocks
etlesventes,promeutsonproduitphareetrare,
lafleurdesel,reprenantunelonguetradition
d’«agriculteursdelamer» dontnilesgestesni
lesoutilsn’ontchangédepuisleXIIesiècle.Ce
n’étaitpasgagné,carle motmêmede«saunier»
étaitenpassededisparaître.Maisc’étaitavant.
Quandle métierétaitendanger.Aujourd’hui,lesmaraissalants
sontundestrésorsdel’île.OnvoudraitcroirequeDorothéeest
l’héritièred’unevénérablelignéedepêcheursdesel.Cen’estpas
si simple.Avant...ellevivaitenAfrique.AuBénin,auBurkina
Faso,enAfriqueduSud,enCôted’Ivoire,partoutoùelletrou-
vait«unephilosophiedeviehumaine». Avant,elletravaillait
danslabière,puisdansleslubrifiantspourmachines...Mais
ellen’apaschangédemaxime.Elles’affirmepour«lesavoir-
êtreavantlesavoir-faire». Ilssontdeplusenplusnombreux
commeelle.Acommencerparlessauniers.Ceuxdel’îledeRé
ontde 28 à 85ans.Certainsontétéprofdephilo,comptable,
géologue...Unevie,cen’estplusassezpourunseulhomme.
ClaraSolvitetLucienDumondfontpartiedecettegéné-
rationY qui,enquêted’authenticité,troquentle claviercontre

letablier.Pourcesnéo-fromagers,letournanta eulieuil y
a quatreans.Aprèsquelquesannéesdanslemarketing,Clara
apprendenalternancel’affinage,ladécoupeetladégustation
chezLaurent Dubois, Meilleur ouvrier de France. Et elle
entraîne Lucien, son amoureux, saunier et étudiant en photo-
graphie. Ils ont un coup de cœur pour l’une des plus anciennes
fromageries de Paris, 75, rue Jean-de-La Fontaine. Mais aussi
pour nombre de producteurs. Avec leurs fromages fermiers, ce
sont des histoires de passionnés qu’ils mettent en avant.Comme
celledeDavidBodin,plombier électricien reconvertidansl’éle-
vagedechèvres.Unexpertquipeutidentifierses 120 bêtesau
premiercoupd’œil.
Il y a encore troisans,FranckChabert présidait une
associationsportiveà Clermont-Ferrand.«J’avaisunbesoin
immensede liberté.De passer mes journées dehors.» Il
s’activeaujourd’huidansunemicroferme–«à taillehumaine»,
précise-t-il–nommée«LedomaineduKheir», enhommageà sa
femme,Kheira,et aussi«parcequ’enarabe“kheir”veutdire“le
bien”.» Lecoupley pratiqueunmaraîchagecertifiéagriculture
biologiqueavecl’obsessionduretourà «unsavoir-fairedisparu,
sansproduitschimiques». Paillageetdésherbagemanuel,sur-
élévationdesplanchespourréchaufferlaterre,plantationsde
fleurspourattirerlesabeilles,créationd’unécosystème...Un
métierphysiquequeFrancka apprisenquelquesmois.Courges
musquéesdeProvence,radisrosesdeChine...Lapremière
saisonest«merveilleuse», la deuxièmes’annonceaussibonne.A
Peschadoires,Kheirajurequ’ellea trouvéson«lifestyle» idéal:
«Ontravailleseptjourssursept,maisenfamille!» Surle mar-
ché,Yamine, 9 ans,et Assia, 11 ans,conseillentdéjàlesclients.
Trouveront-ilsleur«vocation» commeSylvainBessierre,
à 14ans? Quand d’autres rêvent encore d’être pompiers, ce
filsdemenuisierdécidequ’ilseracharcutier-traiteur.Il débute
à Angers,Laval,NantesetParis,puissemetà soncompteà
Rennes,en1999.Il exercedepuisplusdetrenteanset,pourtant,
il éprouvetoujoursla mêmepassionaumomentdes’enfermer
danssonlaboratoirepour«inventer». Fairedel’authentique,
pourlui,c’estpermettreauxsouvenirsderemonter.Sa«made-
leine», c’estuneterrinedeboudinnoirà lasaveurduverger,
agrémentéedepommeset depoires.Il a reçule labelQualichef,
lagarantiequel’artisana réalisélui-mêmelesdixproduits
populaires,del’iconiquejambonblancà l’andouille.Président
descharcutiers-traiteursdeBretagne,il rêvedesusciterdes
vocationsetsesentunpeul’âmed’unpsy: «Pasdeviesans
commercesdequartier.Nousavonsdesclientsquiviennent
chaquejourpourlecontacthumain.» Samission: «Faireplai-
sir! Mettezdesgenspourdiscuterautourd’unetable.Ajoutez
dela charcuterie.L’ambiancen’estplusla même!»
Laconvivialité,c’estlagrandevaleurà défendre.Il y ena
pourtouslesgoûts,pourtouslescoûtsaussi...Parexemple,le
caviaraussi,çapeutêtredupartage.«Etenplus,c’estsexy!»
affirmeRaphaëlBouchez.Lui,sonpère,il l’achoisi: Jacques
Nebot,expertencaviariranien.«Commeunsecondpapa,il m’a
apprislemétier.» En2001,ilsfondentKaviari.Septansplus
tard,alorsquele commercedecaviarsauvageestinterdit,Karin,
la filledeJacques,lesrejoint.Ladirectricegénéralevalesaiderà
ouvrirle chapitrecaviard’élevage.Si lesFrançaisontl’habitude
detransmettreunsavoir-faire,danscedomaine,ilsle reçoivent:
Jacqueset Raphaëlvontenseignerle leurauxéleveurs.Dupré-
lèvementdela «rogue» (poched’œufs)jusqu’àl’affinagedans
leslaboratoiresd’Ivry-sur-SeineparBrunoHigos,«master
encaviar», chaque étape répond à un cahier des charges où

«
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