Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

10 parismatch DU 19 aU 25 novembre 2020


culture
livres

La petite pr incesse


Marc Lambron
imagine l’arrivée
sur Terre d’une
créature nommée
Greta. Qui
a des idées très
arrêtées sur le
bien et le mal.

Par Gilles Martin-Chauffier

O


n n’en finira jamais avec « Le petit
prince ». Les foules adorent cette
philosophie gnangnan. Quelques-
uns, cela dit, n’en peuvent plus de cette
sucrerie de vieillard, rêveuse et sans la
moindre ironie. Toute cette gentillesse est
épuisante. Marc Lambron, lui, a choisi de
secouer le cocotier. Au lieu d’un pilote, il
met en scène un géologue mais, comme
chez Saint-Ex, on se retrouve en plein
Sahara. Où, entre deux mamelons de
sable, surgit une fillette au visage rond
bordé de nattes blondes. Le sourcil froncé,
les bras croisés, l’air boudeur, elle n’a pas
l’air commode. Sous des airs de ruban, on
devine la souplesse d’une poutrelle. On
voit qu’elle tique devant la vieille Jeep au
diesel du scientifique. Elle exige sur un ton
impérieux qu’il lui dessine une chauve-sou-
ris. Il s’agit de sauver les plants de quinoa qui
poussent sur sa planète. La princesse adore
leurs graines de caviar à la saveur de noi-
sette. Sauf que des insectes les dévorent.
Pas question pour autant d’éradiquer ces
petites fées rurales autrement qu’avec une
délicatesse toute écoresponsable. Solu-
tion : la chauve-souris. Envoyée aux fraises
par le géologue, la princesse, prénommée
Greta, rencontre quelques sages pour
leur demander conseil. Pour Albert, tout
est relatif ; Charlie a des lueurs lubriques
dans la pupille ; Karl écarte les questions

« La princesse et
le pangolin », un conte
de Marc Lambron,
éd. des Equateurs,
92 pages, 10 euros.

d’un revers d’éventail ; Nelson rêve d’une
savane pacifique où le lion flirte avec l’anti-
lope... Greta leur fait un peu peur.
Cette gamine est le mariage du missel
et du fouet. Plus coléreuse qu’un chameau,
on sent qu’elle pense tout ce qu’elle dit. Elle
ferait se battre deux frères siamois. Avec
elle, l’air pur et la tyrannie partageront vite
la même chambre. Elle regarde la Terre
avec des yeux de propriétaire excédée par
ses locataires. La nature, cet éternel tyran
capricieux, semble bel et bien prête à se
débarrasser des hommes qui l’entre-
tiennent. Lambron, lui, se régale. On
devine qu’il observe amusé la caravane des
vœux pieux écolos avancer sans hâte dans
un désert de solutions. Prudence et gentil-
lesse ne font pas bouillir la marmite. La

A lA recherche de l’enfAnce perdue


cruche verte ne verse que ce qu’elle
contient et elle contient un peu trop de
peur. A force, on finit par prendre des pré-
cautions excessives pour des modèles de
sagesse. De son côté, Greta est tombée
sur une espèce d’artichaut à l’envers frémis-
sant des écailles, ondulant du postérieur et
sortant un petit museau pointu. Bienvenue
dans l’univers des pangolins. Sous le
charme, elle compte bien le ramener sur sa
planète. Mais catastrophe! un virus fait des
ravages. Voilà Greta confinée sur Terre. Et
le géologue avec elle. Rien à voir avec le
happy end habituel des contes et légendes.
Il va devoir cohabiter avec ce frelon aux
grâces de papillon. Miracle à la dernière
page. Elle s’en va. Direction : l’Onu. Bon
courage aux Casques bleus. n

C’est l’histoire d’un voyage. Celui de Siam, jeune
Vietnamienne décidée à retrouver son père, James, ancien
soldat américain. Accompagnée par les oiseaux chantants, la
jeune fille traverse les océans entre son pays natal et
San Francisco. Les dessins d’Olivier Latyk accompagnent les
chansons douces où Gérard Jugnot, Juliette ou encore Sara
Giraudeau ont posé leur voix. Un conte musical en soutien à
l’association le Rire médecin aussi joli à l’oreille qu’à l’œil. C.D
« Siam au fil de l’eau », éd. Flammarion Jeunesse,
48 pages, 23,90 euros.
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