Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

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Le coin jardin du
bateau : dans les bacs, radis
et graines germées.

Avec ses trois fils, Nikita,
Virgile et Maé, et leur chien,
Mechka, été 2020.

A bord d’« Energy Observer » devant le glacier Tunabreen au Spitzberg en 2019.

et devient modèle pour Armani et Benetton,
puis joue dans une série pour ados, « Le miel
et les abeilles ». Mais c’était juste « pour
acheter du matériel de plongée et des appa-
reils photo ». Aux groupies, il préférera tou-
jours les requins. Sans doute les juge-t-il
moins collants.
Jérôme Delafosse se définit comme
« explorateur environnementaliste ». Un
métier d’aventures. Première grande frayeur
en banlieue parisienne, dans une galerie
souterraine de la Seine qu’il explore pour le
compte de la Comex. « Plus d’air dans le
casque, j’ai vu ma vie défiler, je pensais
mourir. » A bord du navire d’exploration « L’Archéonaute »,
il participe, près de Marseille, aux fouilles de la grotte Cosquer,
le « Lascaux englouti » (20 000 ans environ av. J.-C.). « Les
peintures de manchots et de phoques, semblables à des repré-
sentations sacrées, m’ont révélé le lien ancestral de l’homme
avec la nature. » Suivront, entre autres, une participation aux
fouilles du palais de Cléopâtre, au fond du port est
d’Alexandrie , un reportage avec les forces spéciales du com-
mando Hubert, et la révélation, à bord du submersible scien-
tifique américain « Johnson Sea Link » : à 30 ans, Delafosse
découvre que les abysses sont « un miroir du cosmos », avec
leurs animaux qui produisent de la lumière en guise d’étoiles.
« Mes plus belles plongées. »
De 2006 à 2015, pour « Les nouveaux explorateurs »
sur Canal +, il produit 25 documentaires sur les peuples de
l’eau, capables du pire comme du meilleur : pêcher à la dyna-
mite ou au cyanure, survivre
à l’invasion du plastique.
Plongée dans le lac Titicaca,
à 3 800 mètres d’altitude
dans la cordillère des Andes.
Rencontre avec les derniers


Indiens du Pacifique. Navigation de 2 000 kilomètres sur le
fleuve Congo, voyage dans l’ancien lit asséché de la mer d’Aral.
Sortie, au Pérou, avec les pêcheurs de « diables marins » les
calmars géants. « Je me suis fait des frissons, encerclé par ces
mollusques de 2 mètres et 100 kilos! »
Mais son truc à lui, c’est le requin. Il totalise 800 plon-
gées avec ces poissons vieux de 420 millions d’années, dieux
vénérés de l’Océanie et désormais massacrés. « En cin-
quante ans, l’homme les a exterminés. Il en pêche 10 000
toutes les heures, 100 millions par an! Une bombe à retar-
dement. Ils sont au sommet de la chaîne alimentaire, leur
disparition entraînerait celle de la biodiversité. » Il se fait leur
avocat. Sa première plaidoirie : « Les requins de la colère »,
un film-enquête – « engagé mais pas militant », précise-t-il –
diffusé sur Canal + en 2015, lui a demandé deux années de

travail. « Mafia des océans » suivra en 2016. Jérôme Delafosse
est six mois par an en voyage, essentiellement sous l’eau. A
49 ans, il estime avoir consacré la moitié de sa vie à la mer.
La partie sur terre, il la réserve à ses quatre enfants, âgés de
8 à 22 ans. Tous ont plongé avec leur père. Maé, 17 ans, veut
marcher dans son sillage. Pour eux, et pour tous les hommes,
ils réclament qu’enfin on protège les océans. « Ils sont notre
respiration : 70 % de notre oxygène. Ils régulent la moitié des
gaz à effet de serre. Hélas, aujourd’hui, on s’y conduit comme
dans le Far West, c’est une zone de non-droit. Et pourtant...
Il suffirait de transformer 30 % de leur surface en réserve
intouchable pour les sauver. » n

« 70 % de notre oxygène vient des océans,
ils sont notre respiration »

(Suite page 102)
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