Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

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Navigation au large.
Vaisseau futuriste et
pirogue ancestrale : deux
mondes se croisent.

contre le réchauffement climatique et
la pollution de l’air, puisqu’il n’émet ni
carbone ni particules fines. Nous testons
ses technologies, y compris en milieu
extrême, et démontrons qu’elles peuvent
être utilisées partout : à l’échelle d’une
maison, d’un quartier ou d’une ville. Nos
partenaires s’intéressent de près à ces
questions pour leurs activités, notamment
dans le domaine du transport routier et
de l’hôtellerie. Combiné à l’éolien et au
solaire, l’hydrogène, c’est l’avenir.
Les décideurs vous prêtent-ils l’oreille?
Ils montent même à bord! Le lan-
cement s’est fait avec Anne Hidalgo, sur
la Seine. Nous avons aussi embarqué
Edouard Philippe, des ministres portugais,
le maire de Venise, la présidente du Sénat
italien, le roi de Suède, des industriels...
Un bateau, ça interpelle : c’est concret, et
ça fait rêver. A chaque escale, nous ren-
controns également des acteurs du chan-
gement, très mobilisés. Ainsi, à Marseille,
Thierry Dufresne, ancien patron du luxe,
qui a tout arrêté pour se lancer dans
la protection des abeilles. En Tunisie,
Mabrouk Jabri, lui, se bat pour sauver
la dernière oasis d’une côte désertique.
J’ai été très touché par David Faiman, le
père de l’énergie solaire en Israël. Pour
lui, le développement des énergies renou-
velables permettra aussi de favoriser la
paix au Moyen-Orient.
Et à bord, qu’avez-vous découvert?
Avant, pour moi, l’énergie était une
facture à la fin du mois. Notre société vit
dans l’illusion de ressources infinies alors
qu’elle fonce dans le mur. Et de plus en
plus vite! Sur le catamaran, on ne peut
pas dépenser plus qu’on ne produit. Nous
sommes une dizaine et vivons conforta-
blement, avec de bons repas, des douches
chaudes, des prises pour nos caméras, etc.
Mais nos ingénieurs ont élaboré un pro-
gramme qui évite de trop consommer : si
on prend un café à la machine à expresso,


ça ralentit légèrement le bateau. Alors on
fait attention. Le rapport à l’énergie est
plus concret.
charcot, grand navigateur malouin,
menait des expéditions scientifiques à
bord du “pourquoi pas ?”, un nom qui res-
semble à votre défi...
Nous en avions tant rêvé que j’ai eu
les larmes aux yeux quand on est sortis du
port de Saint-Malo. Il a suffi d’appuyer
sur le bouton “on”, et ça marchait! Autre
instant fort, quand on a aperçu les pre-
miers glaciers du Spitzberg à l’horizon.
Le catamaran avait réussi à atteindre les
régions polaires. D’autant plus émou-
vant que c’est la zone la plus touchée
par le réchauffement climatique.
Début 2020, vous étiez sur
le point d’entamer votre plus
grand périple, mais le virus
vous a barré la route!
Nous visions les Jeux
olympiques de Tokyo, où
nous devions porter la
flamme. La pandémie arrive,
tout est annulé. Nous décidons de partir
quand même pour l’Amérique, mais notre
départ est retardé par des tempêtes dans
le golfe de Gascogne. Victorien et moi
passons quelques jours à Paris... et nous
attrapons le Covid. C’est à ce moment-là
que la météo présente une accalmie favo-
risant le départ, alors la transat s’est faite
sans nous. Nous n’avons pu rejoindre le
bateau que début mai, à Fort-de-France.
Le monde était toujours en partie confiné.
Les îles antillaises n’autorisaient pas le
débarquement. Mais c’était l’occasion
de prouver les capacités d’autonomie
d’“Energy Observer”. Nous avons décidé
d’effectuer une odyssée dans les Caraïbes.
Et vous voilà partis pour un confinement
de deux mois, mais au large...
Par endroits, c’était sinistre, avec
des cargos immobiles et des plages
vides de touristes. Mais l’humanité, bien

malgré elle, offrait un répit à la nature.
Nous pouvions mieux que jamais en
saisir la beauté et l’intelligence. Dans
ces eaux pauvres en plancton – la base
de la chaîne alimentaire –, la vie surgit
autour du corail, allié à d’autres espèces :
la coopération l’emporte sur la compé-
tition. Certaines éponges produisent du
verre à seulement 5 °C. Les écailles de
requin sont des pièces d’orfèvrerie qui
permettent une nage exceptionnelle.
On peut s’en inspirer pour les parois de
trains, de bateaux, d’avions... La biodi-
versité compte 380 millions d’années de
recherche et développement. C’est une
mine de solutions indispensables.
Où en êtes-vous maintenant du projet?
Avec la deuxième vague
du Covid, nous ne bougeons
pas. Dès que la situation
s’améliorera, nous mettrons
le cap sur le Japon et les J.O.
de Tokyo. Prévus en 2020, ils
ont été repoussés à l’été 2021.
Entre la pandémie et la crise
économique, l’urgence environnementale
semble oubliée. Qu’en pensez-vous?
Le Covid est une mise en garde qui
doit nous éclairer sur nos limites. Si l’on
se précipite vers une reprise sauvage,
on sera vite confrontés à des problèmes
beaucoup plus graves, entre le boulever-
sement climatique et l’effondrement de
la biodiversité. Les énergies durables
ne sont qu’une partie de la solution. Il
faut repenser notre modèle de société.
Né avec la révolution industrielle, il
est devenu obsolète. N’attendons pas!
Chacun peut agir à son échelle. Par
exemple, en achetant la production d’un
maraîcher local. C’est bon pour l’envi-
ronnement, ça sauve des richesses chez
nous... et ça rend heureux. n
* Des aventures à suivre sur
energy-observer.org et sur MyCanal :
« Energy Observer, l’odyssée du futur ».

« Avec le confinement,
l’humAnité, bien
mAlgré elle, offrAit
un répit à lA nAture »
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