Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

«


S


i j’étais une plante, je serais l’aubépine. Très douce et...
piquante! » Anaïs Kerhoas annonce la couleur : elle
a du caractère. Et il en faut pour devenir agricultrice
aujourd’hui. Son combat, la Bretonne, productrice de
plantes aromatiques et médicinales, le raconte dans un
livre. Elle y crie sa colère contre la misogynie des profs,
les obstacles administratifs, le mépris des agriculteurs
conventionnels, les difficultés économiques. Elle y clame aussi
son amour pour les plantes. « Camomille, ortie, verveine... Ce
sont mes “collègues” de travail, sourit-elle. Elles sont parfois
cool, parfois indisciplinées. Comme moi! » Anaïs n’a pas la
langue dans sa poche, ce qui explique sans doute le succès du
documentaire qui lui a été consacré en 2014, regardé par plus
d’un million d’internautes. Comme si son jusqu’au-boutisme et
sa quête de sens avaient fait d’Anaïs une héroïne des temps nou-
veaux. « J’ai choisi ma vie. Elle est rude, mais je ne la subis pas.
Ça a dû toucher les gens », avance notre tisanière. A ses débuts,
elle perçoit le RSA et vit dans une caravane sans eau chaude.
« Depuis, j’ai réussi à acheter mon terrain entre Saint-Malo et
Le Mont-Saint-Michel, j’ai monté mon entreprise et mon site
Internet. Je vends le fruit de mon travail et je gagne bien ma
vie, jusqu’à 1 200 euros par mois. » Adepte de la sobriété heu-
reuse, Anaïs se consacre corps et âme à ses précieuses plantes.
Des semis à la mise en sachet, elle fait tout elle-même. Le résul-
tat est à la hauteur : ses tisanes


  • biologiques – restituent si
    bien les arômes des plantes
    fraîches qu’elles ont séduit le
    grand chef Olivier Rœllinger,
    l’un de ses premiers clients.
    Ses secrets? « Je désherbe, je
    trie les plantes à la main, je
    les récolte au sécateur et je
    les fais sécher sans les chauf-
    fer, car la chaleur détruit les
    principes actifs. Souvent, les
    plantes du commerce sont
    récoltées au tracteur. Du coup,
    on trouve plein de mauvaises
    herbes dans les sachets. Quant
    aux infusettes, ce n’est que de
    la poussière à laquelle on
    ajoute des arômes qui sont mauvais pour la santé. » La santé,
    sujet sensible pour notre petite sorcière... « Les plantes médi-
    cinales ont des vertus incroyables, mais le diplôme universi-
    taire d’herboriste a été supprimé en 1941, sous Pétain. Il existe
    un certificat d’herboriste, que j’ai obtenu, mais je ne peux pas
    exercer. Seuls les pharmaciens en ont l’autorisation, alors que
    la plupart d’entre eux ne connaissent pas l’herboristerie, qui
    ne fait pas partie de leur formation. Cherchez l’erreur! » Nou-
    velle étape pour Anaïs : retrouver son amoureux, Seydou, au
    Sénégal. « On aimerait partager notre vie entre ma Bretagne et
    sa Casamance pour cultiver ensemble. En Afrique, je voudrais
    développer la culture de l’Artemisia, puissamment antivirale,
    qui permet de prévenir et de traiter le paludisme. Hélas, pour
    protéger les grands laboratoires, l’Organisation mondiale de la
    santé en interdit l’usage. Ça me révolte. Car si,
    ici, on peut aider les gens avec les plantes, là-bas,
    on peut les sauver. » Anaïs la guerrière a trouvé
    sa prochaine bataille. n
    lestisanesdanais.fr.


La tisane


« doudou »
d’anaïs
« En ce moment, on a
tous besoin de douceur.
Rien de tel qu’une tisane
mêlant basilic, verveine
et rose de Provins.
Mettre une pincée de
chaque et faire infuser dans
une tasse d’eau bouillante
pendant cinq minutes. »

a lire

« Anaïs s’en
va-t-en guerre »,
éd. des Equateurs.
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