Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

28 parismatch DU 19 aU 25 novembre 2020


D


’apparence, Vianney est exactement comme on l’imagine.
Beau gosse, sympa, affable, bienveillant. Tout ce qu’il faut
pour séduire, plaire et réussir. Quand il nous ouvre les
portes de son antre de Clichy, l’ancienne maison où il vivait en
colocation qu’il a rachetée pour la transformer en studio, Vianney
apprend que près de 7 000 copies de son nouvel album ont déjà
trouvé preneur en deux jours – malgré la fermeture des magasins
de disques et des rayons culture des grandes surfaces. Preuve que
son public l’attend. « On a discuté avec mon label de l’opportunité
de sortir ou pas le disque pendant cette période. Mais c’est un parti
pris réfléchi. Notre mission c’est de proposer un plan d’évasion aux
gens. Une lumière qui peut permettre d’encaisser ce que l’on tra-
verse. Si je n’avais pas sorti l’album, je me serais trahi. »
Car oui, Vianney, avec toutes les bonnes manières du monde,
est un chanteur engagé. « Cela vient de mon enfance, où je pou-
vais vraiment me mettre dans des états pas possibles dès que j’étais
confronté à l’injustice. Et ça m’est souvent arrivé. J’étais le genre
de gamin qui se battait très vite. » Heureusement la musique a
adouci ses mœurs et désormais Vianney utilise les mots pour déco-
cher les flèches. « Dès que l’on est suivi ou exposé, on se doit de
prendre la parole sur certains sujets. On ne peut pas, dans notre
monde, dénoncer les violences policières et ne rien dire quand un
enseignant se fait décapiter. » Vianney chante dans son nouvel
album le dégoût que lui inspire la mort de George Floyd, raconte
sur les réseaux sociaux son besoin de parler. « Vu ce qu’il se passe
en ce moment, celui qui ne ressent pas de colère est un robot. La
question c’est : comment va-t-on la transformer, cette colère?

J’ essaie, moi, d’en faire une détermination dans mon travail comme
dans ma manière de chanter. J’ai toujours eu une sensibilité à fleur
de peau tout en étant un combattant. »
Combattant, il l’est aussi sur le terrain de l’amour, lui qui est
tombé follement amoureux de Catherine Robert, sa violoncelliste
et déjà mère d’une petite fille de 9 ans. « On nous élève avec l’idée
que les histoires d’amour existent et qu’elles peuvent rendre heu-
reux. En revanche vivre avec un enfant qui n’est pas le sien on en
parle moins. Et là j’ai été bousculé comme jamais, découvrir que
l’on peut aimer un enfant qui n’est pas le sien au point d’y penser
chaque jour, d’envisager son avenir, ce n’est pas rien. » Alors il a
écrit « Beau-papa », carton radiophonique des dernières semaines.
Il y a aussi sur ce troisième album quelques jolies ritournelles adres-
sées à sa dulcinée, mais Vianney le jure : « Je ne dis pas tout. Je
maintiens une pudeur qui me rend libre. »
Mais, de disque en disque, l’homme se dévoile. Il moque cette
fois les « imbéciles », cette vision étriquée du succès, constatée lors
de nombreuses conférences données dans les collèges de France.
« J’y suis souvent allé avec ma gratte pour raconter mes chansons.
Et la plupart du temps on me demandait combien je gagnais. Je
suis convaincu que ni l’argent ni la notoriété ne
sont des réussites. » Autre source d’agacement, la
bienséance actuelle, celle qui consiste à défendre
l’évident. « #MeToo, le féminisme, c’est la
bien-pensance générale, ce n’est pas très nouveau.
Je remarque juste que dans le cinéma certains
s’interdisent de défendre l’œuvre de Polanski

Vianney


saint


pa t r o n


culture

avec son sourire, ses bonnes
manières et sa guitare acoustique,
il est devenu le poids lourd de la
chanson. alors que sort son excellent
troisième album, rencontre avec un
jeune homme tout sauf lisse.

musique

Par Benjamin Locoge @BenjaminLocoge
Photo Hélène Pambrun

14 000
disques
vendus
malgré le
confinement
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