Match
de La SeMaine
dipLoMatie
AlexAndre OrlOv bOns bAisers de PAris
Russie rime avec artillerie et diplomatie. Pour la seconde, elle a eu quelques ministres
célèbres : Gromyko, Chevardnadze, Primakov ou encore Lavrov. Dans ce ballet diplomatique
planétaire, Alexandre Orlov ne fut qu’un ambassadeur. Mais quel ambassadeur! Il a
commencé sa carrière sous Leonid Brejnev pour la terminer sous Vladimir Poutine. La plupart
du temps, il était à Paris. Parlant de ses jeunes années sous le communisme, il cite un poète
russe : « On ne choisit pas son époque, on y vit et on y meurt. » Loin d’y mourir pourtant,
il part pour l’étranger, avec son père diplomate. En Italie, il rencontre le chef du Parti
communiste français, Maurice Thorez. Ce dernier mourra le
lendemain! Lire « Un ambassadeur russe à Paris » (éd. Fayard), c’est
faire le voyage insolite d’un Moscovite dans la France de Pompidou
et de ses successeurs. Les relations entre les deux pays se doublent
souvent, selon lui, d’incompréhension et de méfiance. Son dernier
fait d’armes remonte à 2017 avec la rencontre à Versailles entre
Macron et Poutine. Cet espoir d’un réchauffement aura tardé
à se concrétiser. Elle donna naissance au Dialogue de Trianon, dont
Orlov est toujours le secrétaire général. Régis Le Sommier
LeS RecetteS
SecRèteS
du chef
de L’eLySée
Dans un livre, fruit de six ans de travail,
Guillaume Gomez décortique des menus
emblématiques de la présidence sous les
angles historique et gastronomique.
Par Emilie Cabot
@emiliecabot
- Sarkozy, Hollande et Macron réunis
Emmanuel Macron et ses deux prédécesseurs ont pris
chacun leur plume pour un « témoignage libre ». François
Hollande estime que la « table du président de la
République ne peut être “normale” ». Pour Nicolas Sarkozy,
le repas servi à l’Elysée est le « souvenir d’une vie » pour
de nombreux invités. « J’aurais aimé que Jacques Chirac
puisse écrire un texte, il a tellement fait pour moi, je lui
dois ma carrière », commente Guillaume Gomez.- La reine d’Angleterre
choisit son menu
Elizabeth II a été conviée à
la table de tous les présidents
de la IVe et de la Ve République.
Le 6 juin 2014, Sa Majesté et
le prince Philip sont à l’Elysée
pour un dîner d’Etat. Lors
de l’élaboration du repas, « je
suggère du foie gras car je sais
que la Reine aime. Problème, le
prince Charles est contre cette
spécialité ». « François
Hollande propose un
compromis : faire choisir le
menu à la Reine – qui a
opté pour le foie gras.
Ce fut la première et
unique fois qu’un chef
d’Etat reçu à l’Elysée a pu
choisir son menu », se
souvient-il. « Face au scandale
outre-Manche, l’ambassade a
dû désamorcer, expliquant que
c’était le choix de la Reine. »
- La reine d’Angleterre
- Interdits alimentaires
et téléphone bleu
Lors de la visite d’un chef d’Etat en France,
« je reçois la liste de ses interdits
alimentaires, liés à la religion, à des allergies
ou à ses goûts. Elle est confidentielle. Il y a
de tout, c’est assez classique », explique le
chef. « Nous avons les interdits, mais pas
forcément les plaisirs. » C’est là qu’intervient
le « téléphone bleu » du Club des chefs des
chefs. Par exemple, pour un déjeuner entre
les Trump et les Macron en novembre 2018,
Gomez a sondé la cheffe de la Maison-
Blanche et a décidé de cuisiner du porc noir
de Bigorre pour le président américain qui,
en sortant de table, s’est fendu d’un « It was
amazing! » • De Gaulle-Kennedy, une table pour l’Histoire
Pour les collectionneurs, le menu du dîner de Gaulle-
Kennedy, le 1er juin 1961, vaut au moins 10 000 euros. « Il
était sur la table! » souligne le chef. Peu d’exemplaires sont
édités : un par convive et un ou deux de rechange. Ces
documents sont aussi le reflet d’une époque. « Pendant
longtemps les saisons et l’impact écologique importaient
peu. La société était comme ça, ça ne choquait pas. »
Désormais, la cuisine élyséenne se fait uniquement avec
des produits français et de saison. On ne sert plus de caviar
pour une question de coût et d’image. Il y a aussi moins de
plats. « Kennedy aujourd’hui serait peut-être déçu, plaisante
l’auteur. Le général de Gaulle ne voyait pas un menu autre
que entrée-plat-fromage-dessert. A
cette époque, un dîner pouvait compter
6 à 8 plats », d’une cuisine plus riche,
stricte et répétitive.
« A la table des présidents », éd. Cherche-
Midi, 39 euros (les droits d’auteur seront
reversés à des associations).
44 pArISMAtcH DU 19 AU 25 noveMbre 2020