Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

54 parismatch DU 19 aU 25 novembre 2020


C’est la d bandade la Maison-blanChe.


QuiconQue est suspect de chercher du


boulot ailleurs est limog sur-le-champ


De notre correspondant aux Etats-Unis Olivier O’Mahony


vec ses immenses colon-
nades et son orgueilleuse
façade en pierre de taille,
le Herbert C. Hoover
Building est un des plus
beaux immeubles de
Washington. Un des
mieux placés, égale-
ment, car il se trouve
sur Constitution
Avenue, tout près de
la Maison-Blanche. Le bâtiment abrite
le département du Commerce mais, à
chaque changement de président, on
l’appelle aussi « l’antichambre du pou-
voir ». Car c’est dans une de ses ailes qu’a
lieu le transfert des dossiers. « Les jour-
nées étaient longues dans les bureaux en
open space, et nous étions très courtisés
par les candidats voulant travailler dans
la nouvelle administration », nous confie
Tim Goeglein qui, en 2000, a travaillé sur
la transition pour le compte de George W.
Bush fraîchement élu.
En 2008, George W. Bush mit plu-
sieurs étages à la disposition de Barack
Obama pour permettre à ses équipes de
gérer la transition. C’est là qu’aurait dû
avoir lieu le passage de flambeau entre
Donald Trump et Joe Biden. Sauf que,
aujourd’hui, l’endroit est vide... Car
cette fois, tout se passe différemment.
En début de semaine dernière, Emily
Murphy, l’administratrice en charge des
services généraux du gouvernement (la
GSA, General Services Administration,
agence qui gère l’immense parc immobi-
lier et logistique de l’Etat fédéral), aurait
dû contacter l’équipe de Biden pour lui
donner les clefs du Hoover Building.
Elle n’en a rien fait. Trois émissaires du
président élu lui ont alors envoyé une
lettre officielle pour s’en étonner et exi-
ger des explications. Ils n’ont reçu aucune
réponse. Emily Murphy se décrivait pour-
tant comme une fonctionnaire « fière de
servir l’Etat » en 2017, quand elle fut nom-
mée par Donald Trump. « Je ne suis pas
là pour faire les gros titres », proclamait-
elle alors. Raté : sa photo figure à présent

dans les journaux, et elle passe pour être
une des femmes les plus détestées de
Washington, qui a voté à 93 % en faveur
de Joe Biden. Elle ne fait pourtant qu’ap-
pliquer la consigne de son patron, qui ne
veut « aucun contact » officiel avec son
rival, dont il conteste la victoire. Dimanche
dernier, Trump l’a ainsi félicitée par un
Tweet (« Great Job, Emily! ») sur un sujet

totalement différent (les vétérans), mais
que tout le monde a interprété comme
un témoignage de soutien plus général.
Donald Trump n’arrive pas à digé-
rer sa défaite, et Emily Murphy n’est
pas la seule, au sein de l’administra-
tion Trump, à le « ménager ». Il y a le
patron de la majorité au Sénat, Mitch
McConnell, qui estime qu’il a « tous les
droits » de contester par voie de justice
l’issue du scrutin présidentiel. Il y a aussi,
à la Maison-Blanche, un certain Johnny
McEntee, chargé de faire la chasse à ceux
qui auraient le malheur de pactiser avec
l’ennemi. Ce fidèle parmi les fidèles est
puissant. Il travaille juste à côté du bureau
Ovale et n’a qu’un petit défaut : il aime les
jeux d’argent en ligne, ce qui lui a valu
de se faire renvoyer en mars 2018 par le

général Kelly, alors « chief of staff » de
Trump, avant de réintégrer la Maison-
Blanche après le départ de l’ombrageux
militaire, avec une grosse promotion à la
clé. Il est maintenant directeur du person-
nel présidentiel ce qui lui permet d’avoir
la haute main sur les nominations poli-
tiques à seulement 30 ans! De son propre
aveu, ce garçon que l’on dit jovial n’a

aucun problème pour virer les gens. Et
c’est ce qu’il effectue depuis son retour
en grâce, faisant passer des question-
naires pour tester la loyauté des fonction-
naires. Depuis la défaite de son patron, il
a accéléré la cadence. C’est évidemment
la débandade à la Maison-Blanche, mais
le jeune Johnny a prévenu : quiconque
est suspecté de chercher du boulot ail-
leurs est limogé sur-le-champ. Depuis
le 3 novembre, il a lourdé ou rétrogradé
deux personnes dans des agences fédé-
rales suspectées d’être truffées d’anti-
trumpistes à la solde de Joe Biden...
Toute la semaine dernière, Donald
Trump a vécu dans sa bulle : il continuait à
présider comme s’il avait gagné l’élection.
Un de ses premiers actes post- électoraux
a été de virer par un Tweet très sec son

L’alliée inconditionnelle : Emily Murphy,
ici avec Trump dans le bureau Ovale en 2018.
En charge des services généraux
du gouvernement, elle n’a toujours pas lancé
le processus de transition.
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