Paris Match - France (2020-11-19)

(Antfer) #1

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secrétaire à la Défense, Mark Esper, qu’il
n’aimait pas. Message reçu cinq sur cinq
par son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo,
qui rêve de se présenter un jour à la prési-
dence en digne successeur de son patron.
Alors que ses services recevaient des mes-
sages de félicitations des chefs d’Etat
du monde entier adressés à Joe Biden,
Pompeo a refusé de les transmettre à
l’intéressé. Il est aussi allé jusqu’à affir-
mer que la transition sera sereine... « avec
la seconde administration Trump ». Tout
faire pour satisfaire le patron qui, samedi
dernier, alors qu’il allait jouer au golf, a
fait un détour pour saluer, derrière les
vitres blindées de sa limousine, des sym-
pathisants venus à Washington battre le
pavé contre la victoire de Joe Biden. La
foule scandait des slogans hostiles au pré-
sident élu : « Stop the steal! » (« Arrêtez le


vol de l’élection! »). La manifestation a
débuté au pied du Hoover Building, sur
la Freedom Plaza. Elle était organisée,
entre autres, par Alex Jones, un odieux
activiste. Ce promoteur de théories du
complot parmi les plus nauséabondes
avançait sous la protection de « soldats »
en treillis et gilets pare-balles des Proud
Boys et Oath Keepers, deux milices d’ex-
trême droite. « Pinochet n’a rien fait de
mal », pouvait-on lire sur le tee-shirt de
l’un d’eux, tandis qu’un autre portait
une chemise estampillée de la mouvance
QAnon, qui prétend que Trump serait
victime d’une guerre secrète menée par
des élites pédophiles. La manifestation,
qui s’est terminée par des affrontements
faisant un blessé grave, n’a rassemblé
que quelques dizaines de milliers de


personnes contre le million annoncé.
Mais pour Joe Biden, le « réconciliateur
en chef », elle résonne comme un aver-
tissement : ce n’est pas facile de gérer la
transition dans de telles conditions.
Trump avait prévenu qu’il contes-
terait l’élection si elle lui était défavo-
rable. Biden lui répond que c’est « une
honte pour le pays », surtout par rap-
port au Covid qui explose ces temps-ci
en Amérique, mais il se veut rassurant.
Tant pis s’il est privé des fonds publics et
locaux : « Ce n’est pas ça qui nous empêche
d’avancer. » Comme le veut le « Transition
Act », loi votée en 1963, le président élu a
droit à un budget (6 millions de dollars),
à des locaux et à l’accès aux adresses
e-mails gouvernementales sécurisées,
pour permettre à ses équipes de prendre
connaissance des dossiers sensibles et,

surtout, de nommer des hommes sûrs aux
postes clefs. Car chaque changement de
régime s’accompagne d’un grand remue-
ménage, qui permet au nouvel arrivé de
chasser les patrons d’agences fédérales
mis en place par son prédécesseur. Tout
est codifié dans un livre de 300  pages,
appelé « Plum Book » (« Livre mauve »),
qui recense les 4 000 postes à pourvoir
avec leurs titres, attributions et salaires
(jusqu’à 200 000 dollars par an)... Un tra-
vail bureaucratique titanesque, qui justifie
le délai de deux mois et demi entre l’élec-
tion du président et son investiture. Tous
les jours, Joe Biden parle en téléconfé-
rence, par Zoom, à son équipe de transi-
tion disséminée aux quatre coins du pays
et dirigée par son fidèle Ted Kaufman.
« Sur les écrans, raconte un membre de

l’équipe, on voit parfois passer un enfant.
Ça ne pose aucun problème à Biden, qui
a l’esprit de famille. Il prend des notes,
vous regarde dans le blanc des yeux,
pose des questions très directes... » Cette
façon de travailler présente des avan-
tages : « Autrefois, explique un cacique de
Washington, il y avait beaucoup de copi-
nage. Pour décrocher un poste de pouvoir,
il suffisait d’avoir un carnet d’adresses ou
d’être invité aux endroits qui comptent.
Par Zoom, c’est plus difficile. Le proces-
sus actuel est finalement plus démocra-
tique : il avantage les candidats vraiment
qualifiés par rapport à ceux qui ont les
bons contacts. » En réalité, Biden n’a
aucun mal à contourner les embûches
semées par Trump : il compte dans la fonc-
tion publique de nombreux amis que ses
proches contactent, et répond au télé-
phone quand Emmanuel Macron, Angela
Merkel ou le Pape l’appellent pour le féli-
citer en direct...
En fin de semaine dernière, le pré-
sident élu s’est offert deux jours de rela-
tif repos en famille, dans sa maison de
vacances de Rehoboth Beach avec vue
sur l’océan Atlantique, à deux heures de
Washington. Les voisins avaient l’habi-
tude de voir passer des stars, de Denzel
Washington à Richard Gere, mais pas la
nuée d’agents du Secret Service dans leurs
SUV noirs à gyrophare. Samedi matin,
Biden est parti faire du vélo, la mine
sereine. On le comprend. C’est Trump qui
« n’y croit plus », nous dit un de ses proches,
« car une grande partie des recours judi-
ciaires qu’il a lancés pour contester la vali-
dité de l’élection sont déjà tombés à l’eau,
si bien que ses avocats se retirent les uns
après les autres, faute de preuves à faire
valoir devant les tribunaux ». Aujourd’hui,
le président réfléchirait à haute voix,
depuis le bureau Ovale, à la vie d’après.
Certains de ses alliés seraient en train de
négocier pour lui le rachat d’une petite
chaîne du câble, Newsmax TV, dont les
audiences explosent depuis que Fox
News, sa concurrente, a opté pour une
ligne éditoriale plus critique vis-à-vis du
« mauvais perdant ».
Mais, à Washington, tout le monde
s’interroge : comment Trump quittera-
t-il la Maison-Blanche? Son ex-avocat
devenu son ennemi, Michael Cohen,
croit connaître la réponse : « Il ira passer
les fêtes de nouvel an à Mar-a-Lago, en
Floride, et il y restera, tout simplement,
sans revenir à la Maison-Blanche! » Pour
Joe Biden, ce serait sans doute la solution
la plus reposante... n @olivieromahony

De l’air! Tandis que les
supporteurs de Trump défilent
dans tout le pays, Joe Biden
s’évade dans le parc régional Cape
Henlopen, le 14 novembre.

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